Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2021, M. A..., représenté par Me Thomas, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1811832/6-1 du 22 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 20 mars 2018 par laquelle le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) a déclaré irrecevable sa demande d'autorisation d'exercice de la médecine dans la spécialité chirurgie orthopédique et traumatologie, présentée sur le fondement du II de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique ;
3°) d'enjoindre au CNG de soumettre son dossier à la prochaine commission d'autorisation d'exercice ;
4°) à titre subsidiaire de surseoir à statuer sur sa requête jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) se soit prononcée sur la question préjudicielle qu'il souhaite lui soumettre : le principe de libre circulation dans l'UE garanti aux articles 49 et 33 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel que notamment interprété par la CJUE dans l'arrêt Hocsman du 14 septembre 2000, impose-t-il à un Etat membre d'examiner la candidature à l'autorisation d'exercice de la profession de médecin dans la spécialité orthopédique, d'un candidat titulaire d'un diplôme de médecin de base et d'un diplôme de médecin spécialiste en orthopédie délivré par un Etat tiers, en l'occurrence l'Argentine, autorisé à exercer la médecine dans un Etat membre, en l'occurrence l'Espagne, qui a reconnu son diplôme de base et exerce dans cet Etat membre dans la spécialité depuis près de treize ans sans que son diplôme de médecin spécialiste en orthopédie délivré en Argentine ait fait l'objet d'une reconnaissance officielle dans cet Etat membre '
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que les premiers juges ont considéré à tort que dès lors qu'il ne justifie pas de titres ou d'expériences reconnus par un autre Etat membre comme permettant d'exercer, dans cet autre État membre, la profession de médecin spécialiste en chirurgie orthopédique pour laquelle il a déposé une demande d'autorisation d'exercice en France, ne peut se prévaloir des dispositions du droit de l'union européenne ;
- s'il ne remplit pas les conditions de la directive 2005/36/CE et donc de l'article
L. 4111-2 II du code de la santé publique, en l'absence de reconnaissance de son diplôme de médecin spécialiste, les autorités françaises qui ne sauraient lui opposer les dispositions de cette directive, sont tenues d'appliquer les principes de la jurisprudence Hocsman et, par conséquent, d'examiner sa candidature dès lors qu'il justifie de qualifications acquises dans le but d'exercer la profession de médecin spécialiste en orthopédie dans un autre Etat membre ;
- il dispose des qualifications nécessaires pour l'exercice de la médecine dans la spécialité chirurgie orthopédique en Espagne qu'il exerce effectivement légalement, quand bien même cet Etat membre ne lui a pas délivré une reconnaissance de son diplôme de médecin spécialiste argentin ;
- si la France ne reconnaît que le titre professionnel de médecin spécialiste, il lui appartient à l'occasion de la procédure d'autorisation dite Hocsman de tenir compte de l'ensemble des titres et de l'expérience pertinente du candidat ayant fait l'objet d'une première reconnaissance lui permettant d'exercer la profession de médecin dans un autre Etat membre et de dire si ses titres de formation et son expérience pertinente répondent aux exigences françaises pour l'exercice de la profession de médecin spécialiste ou s'il est nécessaire aux candidats de faire la preuve des qualifications manquantes ;
- si la Cour ne suivait pas son argumentation, elle ne pourra rejeter sa requête sans renvoi préjudiciel à la CJUE en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2021, le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;
- l'ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 ;
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 13 juillet 2009 fixant la liste et les conditions de reconnaissance des titres de formation de médecin et de médecin spécialiste délivrés par les Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen visées au 2° de l'article
L. 4131-1 du code de la santé publique, et ses annexes I, II et III ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Thomas, avocat de M. A....
Une note en délibéré a été présentée le 24 septembre 2021 pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant italien, est titulaire d'un diplôme de médecin délivré en Argentine en 2004, diplôme reconnu par les autorités espagnoles en 2006, comme équivalent au diplôme universitaire officiel espagnol de docteur en médecine. Il est également titulaire d'un diplôme de spécialiste en orthopédie et traumatologie obtenu en Argentine en 2009. Après avoir exercé ses fonctions dans le service des urgences de l'hôpital Sant Joan de Dèu à Barcelone de juin 2007 à juin 2008, il exerce en qualité de médecin adjoint en chirurgie orthopédique et traumatologie dans l'unité d'arthroscopie et prothèse de ce même établissement depuis juin 2008 ainsi qu'à titre libéral au centre intégral de médecine du sport et traumatologie à Barcelone depuis 2009. En 2018, il a déposé auprès du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) un dossier de demande d'autorisation du ministre chargé de la santé en vue de l'exercice en France de la profession de médecin dans la spécialité " chirurgie orthopédique ". Par une décision implicite dont les motifs lui ont été communiqués le 20 mars 2018, le CNG a déclaré sa demande irrecevable au motif que ses titres de formation obtenus en Argentine n'avaient pas été reconnus en Espagne comme lui permettant d'y exercer la spécialité chirurgie orthopédique. Par jugement n° 1811832/6-1 du 22 décembre 2020, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 4111-1 du code de la santé publique : " Nul ne peut exercer la profession de médecin (...) s'il n'est : / 1° Titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné aux articles L. 4131-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 4131-1 du même code : " Les titres de formation exigés en application du 1° de l'article L. 4111-1 sont pour l'exercice de la profession de médecin : / 1° Soit le diplôme français d'Etat de docteur en médecine (...) 2° Soit, si l'intéressé est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) : a) Les titres de formation de médecin délivrés par l'un de ces Etats (...) ". Aux termes du II de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " L'autorité compétente peut également, après avis d'une commission composée notamment de professionnels, autoriser individuellement à exercer la profession de médecin dans la spécialité concernée, (...) les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne (...), titulaires de titres de formation délivrés par un Etat tiers, et reconnus dans un Etat, membre ou partie, autre que la France, permettant d'y exercer légalement la profession. S'agissant des médecins (...) la reconnaissance porte à la fois sur le titre de base et sur le titre de spécialité. / L'intéressé justifie avoir exercé la profession, le cas échéant dans la spécialité, pendant trois ans à temps plein ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente dans cet Etat, membre ou partie (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'arrêté du 13 juillet 2009 fixant les listes et les conditions de reconnaissance des titres de formation de médecin et de médecin spécialiste délivrés par les Etats membres de la Communauté européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen visées au 2° de l'article L. 4131-1 du code de la santé publique : " La liste des titres de formation de médecin spécialiste visée au a du 2° de l'article L. 4131-1 qui, délivrés conformément aux obligations communautaires par les Etats membres de la Communauté européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, ouvrent droit à la qualification de médecin spécialiste en France aux ressortissants desdits Etats, est fixée à l'annexe II. Ces titres de formation sont accompagnés d'attestations fournies par les autorités compétentes de l'Etat, membre ou partie, les ayant délivrés, certifiant qu'ils sanctionnent une formation conforme aux obligations communautaire. " et aux termes de l'article 3 de ce même arrêté : " Les dénominations des formations médicales spécialisées dispensées au sein des Etats membres de la Communauté européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen sont fixées à l'annexe III ". Il ressort de cette dernière annexe que la dénomination de la formation médicale spécialisée en chirurgie orthopédique et traumatologie dispensée en Espagne et permettant l'accès à la qualification dans cette spécialité en France est " traumatología y cirugía ortopédica ".
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique que le seul diplôme sanctionnant des études de médecine générale délivré par un Etat tiers reconnu dans un Etat membre et permettant d'exercer la profession de médecin dans cet Etat ne saurait être regardé comme un diplôme permettant d'exercer une spécialité. Par suite, ni les premiers juges ni le CNG n'ont commis d'erreur de droit en estimant que la spécialité obtenue dans un Etat tiers devait avoir été reconnue dans un Etat membre pour pouvoir être prise en compte lors d'une demande d'autorisation sur le fondement du II de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique.
5. Il ressort des pièces du dossier que le diplôme de médecine de M. A... a été reconnu par l'Espagne au titre de " licenciado en medicina " et non au titre de la spécialité " traumatología
y cirugía ortopédica " qui correspond, comme il a été dit au point 3, à la dénomination de la formation médicale spécialisée en chirurgie orthopédique et traumatologie dispensée en Espagne. Il s'ensuit que le requérant ne disposait pas d'un titre lui permettant d'exercer en Espagne la spécialité de chirurgie orthopédique et traumatologie et ne pouvait, par suite, prétendre exercer cette spécialité en France. Dès lors, le CNG était tenu de déclarer irrecevable la demande de M. A... dont la situation ne relevait pas du II de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique alors en vigueur à la date de la décision contestée.
6. Si le requérant entend soutenir que la décision contestée serait contraire à la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que cette directive a été transposée en droit interne notamment par l'article L. 4111-2 du code de la santé publique.
7. La demande de M. A..., qui faisait valoir qu'il était de nationalité communautaire titulaire de diplômes délivrés par un Etat tiers et reconnus par un Etat membre de l'Union européenne, autre que la France, a été examinée à juste titre par le CNG au regard des conditions du II de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique, comme il a été dit. Le CNG n'était pas tenu d'examiner sa demande sur un autre fondement. Par suite, et alors même que le CNG l'a informé qu'il relevait de la procédure d'autorisation d'exercice prévue au I du même article impliquant une présentation aux épreuves de vérification des connaissances, M. A... n'est pas fondé à soutenir que si l'Etat français ne reconnaît que le titre professionnel de médecin spécialiste, il lui appartient à l'occasion de la procédure d'autorisation dite Hocsman de tenir compte de l'ensemble des titres et de l'expérience pertinente du candidat ayant fait l'objet d'une première reconnaissance lui permettant d'exercer la profession de médecin dans un autre Etat membre et de dire si ses titres de formation et son expérience pertinente répondent aux exigences françaises pour l'exercice de la profession de médecin spécialiste ou s'il est nécessaire aux candidats de faire la preuve des qualifications manquantes.
8. Si le requérant entend se prévaloir de la jurisprudence " Hocsman ", celle-ci a été intégrée dans la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 et transposée en droit interne. Il n'établit pas que les dispositions du code de la santé publique méconnaîtraient les principes rappelés par cette jurisprudence, ni qu'elles méconnaîtraient ou ne transposeraient pas complètement la directive 2005/36/CE.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question préjudicielle qu'il souhaite lui soumettre qui n'est pas une question sérieuse, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés à l'instance, doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.
Une copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.
La rapporteure,
A. COLLET
Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00908