Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 avril 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 25 mars 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juillet 2021, M. A..., représenté par
Me Angliviel, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de police ;
2°) à titre subsidiaire, en cas d'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 25 mars 2021, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt, ou de procéder au réexamen de son dossier en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans le même délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 21 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 14 décembre 1984 à Bamako (Mali), entré en France le 22 septembre 2016 sous couvert d'un visa " C ", a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Par un arrêté du 14 octobre 2020, le préfet de police a rejeté sa demande. Le préfet de police fait appel du jugement du 25 mars 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur la requête du préfet de police :
2. Pour annuler l'arrêté du 14 octobre 2020 refusant de renouveler le titre de séjour de M. A..., le tribunal administratif a relevé, au vu des documents médicaux produits, que
M. A..., en raison des séquelles d'une poliomyélite, a subi une opération chirurgicale de correction d'un pied neurologique complexe avec raccourcissement du membre inférieur droit et a fait l'objet d'une prise en charge médico-chirurgicale et rééducative par l'Hôpital
Saint-Antoine à Paris et l'Hôpital maritime de Berck, consistant en un programme de correction progressive de ce membre par callotasis impliquant le port permanent d'un fixateur annulaire externe pendant une durée estimée de douze mois et une rééducation en centre spécialisé.
Le tribunal a également relevé que ce traitement entraîne une immobilisation avec assistance d'une tierce personne, et a estimé nécessaire un suivi spécifique par une équipe
médico-chirurgicale en France, qui ne pourrait être réalisé dans son pays. Il a enfin relevé qu'en raison d'une déviation persistante du membre opéré mettant en péril la réussite du programme opératoire, une nouvelle intervention chirurgicale était prévue le 2 avril 2021 et devait être suivie d'une rééducation de trois à quatre mois. Il a estimé que, compte tenu de la situation médicale de M. A... et de la nécessité de ne pas interrompre son traitement, l'arrêté en litige était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et médicale de M. A....
3. Pour contester ce jugement, le préfet de police se prévaut de l'avis émis le
14 septembre 2020 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur la demande de titre de séjour de M. A..., dont il ressort que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, l'absence de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le préfet de police fait en outre valoir à bon droit que les différents certificats médicaux produits par M. A... sont insuffisamment précis et circonstanciés pour établir que l'absence de cette prise en charge pourrait entrainer pour M. A... des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que cette même prise en charge ne pourrait être assurée dans son pays. Il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur les motifs rappelés ci-dessus pour annuler son arrêté du 14 octobre 2020.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris, et en appel.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, visé ci-dessus : " Au vu du rapport médical (...), un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
6. En premier lieu, d'une part, il ressort de l'avis du collège de médecins de l'OFII et des autres pièces produites par le préfet de police devant le tribunal administratif, que cet avis comporte les noms et les signatures des membres de ce collège, régulièrement désignés par le directeur général de l'OFII, et que le médecin rapporteur a également été désigné régulièrement, a tout aussi régulièrement transmis son rapport et n'a pas siégé au sein de ce collège. Aucune disposition en vigueur ne prévoit la communication de son rapport. De plus, si M. A... laisse entendre que la procédure suivie pour l'adoption de l'arrêté en litige pourrait être irrégulière en raison du non-respect de la collégialité au sein du collège de médecins de l'OFII, il n'assortit sa contestation sur ce point d'aucune précision, alors que l'avis produit par le préfet de police mentionne qu'il a été adopté à la suite d'une délibération collégiale.
7. D'autre part, il ressort de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII que le collège a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale, l'absence de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour
M. A... de bénéficier d'un accès effectif à une prise en charge appropriée dans son pays. En l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'absence de mention de la durée prévisible du traitement dans ce même avis, n'est pas non plus de nature à l'entacher d'irrégularité.
8. Enfin, M. A... ne saurait utilement faire valoir que le collège de médecins de l'OFII n'aurait pas tenu compte des éléments prévus par les orientations générales fixées par l'arrêté du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 pour ce qui concerne les troubles psychiques et psychologiques. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII doivent être écartés.
9. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à contester la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour en invoquant les dispositions citées ci-dessus du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur.
10. En troisième lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions alors en vigueur de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Même s'il ne vise pas expressément le 3°) du I de cet article, il doit, en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français, être regardé comme suffisamment motivé en droit. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à contester cette mesure en invoquant les dispositions alors en vigueur du 10°) de l'article L. 511-4 de ce code. Il n'est pas davantage fondé à invoquer par voie d'exception l'illégalité de la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour.
11. En dernier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ". Aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relatif au " départ volontaire " : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) ".
12. D'une part, le délai de départ volontaire de trente jours, accordé à M. A... afin qu'il exécute l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français correspond au délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application des dispositions citées ci-dessus. En l'absence de demande de M. A... tendant à bénéficier d'un délai de départ volontaire supérieur, l'absence de prolongation de ce délai n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique.
13. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas examiné la possibilité d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, et que son arrêté serait, pour ce motif, entaché d'erreur de droit.
14. Enfin, en se bornant à faire référence à son état de santé, alors que, comme il a déjà été dit, il n'est pas susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. A... ne fait état d'aucune circonstance particulière de nature à justifier une telle prolongation. Le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doit donc être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du
14 octobre 2020, et que les conclusions à fin d'injonction de M. A... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions de M. A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2100124/5-1 du Tribunal administratif de Paris du
25 mars 2021 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à
Me Angliviel.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2021.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02096