Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1ers à 3 du jugement n° 2010600/5-3 du 2 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le motif d'annulation retenu par les premiers juges est infondé dès lors que les éléments produits par M. C... ne sont pas de nature à établir qu'un défaut de prise en charge médicale entrainerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et ne sauraient dès lors suffire à remettre en cause l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- les autres moyens soulevés par M. C... en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à Mme B..., tutrice de M. C..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Larsonnier a présenté son rapport au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant camerounais né le 3 mars 2001, entré en France en 2017 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 août 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police relève appel du jugement du 2 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 425-9 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre de troubles autistiques sévères, de déficience intellectuelle modérée, ainsi que de déficience visuelle grave, et s'est vu reconnaître un taux d'incapacité général supérieur ou égal à 80 % par une décision du 9 octobre 2018 de la Maison départementale des handicapés de Paris. Placé sous la tutelle de sa mère, Mme B..., depuis un jugement du 8 novembre 2019 du tribunal d'instance de Paris postérieur à l'arrêté contesté, il fait l'objet d'un suivi régulier en ophtalmologie à l'hôpital Lariboisière et en pédopsychiatrie au sein du centre médico-psychologique du GHU Maison Blanche et bénéficie d'un traitement médicamenteux à base de neuroleptiques et d'antihistaminique. Il est également pris en charge par un service destiné à traiter les situations complexes relevant des troubles du spectre de l'autisme (UMI 75-92) et il est accueilli depuis le 5 mars 2019 dans un institut médico-éducatif à Paris. Pour refuser à M. C... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du 11 juillet 2019 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui précisait que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments au dossier, son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque dans son pays d'origine. Si le préfet de police soutient que les éléments produits par M. C... ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII, il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical établi le 11 février 2020 par un praticien hospitalier du centre médico-psychologique du GHU Maison Blanche, que M. C... " présente un trouble autistique sévère assorti de troubles du comportement qui imposent une surveillance constante ", et que si son " évolution est aujourd'hui stabilisée, son état de santé impose la poursuite de la prise en charge et un défaut de celle-ci pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ". Il ressort également d'un certificat médical établi le 5 février 2020, par un praticien hospitalier du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière qu'en cas d'absence de prise en charge, l'état de santé physique et psychique de M. C... " est à haut risque de dégradation ". Il ressort en outre du certificat médical établi par un ophtalmologiste le 28 février 2020 que l'intéressé doit bénéficier d'une prise en charge adéquate " pour éviter une dégradation de son état mental ". Il ressort enfin du jugement du 8 novembre 2019 du juge des tutelles du tribunal d'instance de Paris plaçant M. C... sous la tutelle de sa mère, Mme B..., que celui-ci est " atteint d'une altération de ses facultés mentales l'empêchant de pourvoir seul à ses intérêts ". Si ces éléments sont postérieurs à la décision en litige, ils établissent toutefois, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, que le défaut de prise en charge médicale des troubles autistiques de M. C... entraînerait une détérioration de ses facultés psychiques et aurait par suite des conséquences d'une exceptionnelle gravité. La circonstance que Mme B..., mère et tutrice de M. C..., est en situation irrégulière sur le territoire français est sans incidence sur cette appréciation. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet de police avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du
16 août 2019 refusant à M. C... la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... C... et à Mme A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.
La rapporteure,
V. LARSONNIER Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOLLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03945