Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2014, M. F...E...et Mme C... D..., agissant en leur nom propre et en celui de leur fils mineur B...E..., représentés par MeG..., demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1202471 du 31 octobre 2014 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté le surplus de leurs conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au titre des conséquences de la contamination de M. E... par le virus de l'hépatite C, d'une part, à verser à M. E...la somme de 9 563,84 euros au titre de l'indemnisation de l'assistance par une tierce personne, la somme de 50 000 euros au titre de l'indemnisation de l'incidence professionnelle de la contamination, la somme de 5 770 euros au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, la somme de 15 000 euros au titre de l'indemnisation des souffrances endurées, la somme de 16 000 euros au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent et la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice d'agrément, d'autre part, à verser à Mme D...la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice d'affection et enfin à leur fils mineur B...E...la somme de 5 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice d'affection, ces sommes devant porter intérêts à compter de la requête introductive d'instance.
3°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'aucune indemnisation n'était due au titre de l'assistance par une tierce personne ; ils demandent le remboursement à hauteur de 9 563,84 euros d'une assistance par une tierce personne une heure par jour du 10 avril au 25 septembre 2002 et du 21 janvier au 11 décembre 2009, soit pendant la durée de ses traitements, dès lors qu'il a souffert d'une importante asthénie ;
- en ne reconnaissant pas l'existence d'un préjudice professionnel, alors qu'il a dû cesser son activité salariée depuis 1999 en raison de son état de fatigue chronique, le tribunal administratif n'a pas fait une juste appréciation de son préjudice, qu'il convient d'indemniser à hauteur de 50 000 euros ;
- le déficit fonctionnel temporaire total a été insuffisamment indemnisé et une indemnité de 60 euros doit lui être versée à ce titre ;
- le déficit fonctionnel temporaire partiel a été insuffisamment indemnisé et une indemnité de 5 770 euros doit lui être versée à ce titre ;
- les souffrances endurées ont été insuffisamment indemnisées et une indemnité de 15 000 euros doit lui être versée à ce titre ;
- le déficit fonctionnel permanent a été insuffisamment indemnisé et une indemnité de 16 000 euros doit lui être versée à ce titre ;
- c'est à tort que le préjudice d'agrément n'a pas été insuffisamment indemnisé alors que l'expert avait retenu qu'il subissait un tel préjudice ; une indemnité de 10 000 euros doit lui être versée à ce titre ;
- les conséquences de sa contamination ont bouleversé sa vie de couple et son fils a souffert de cette contamination ; ce préjudice a été insuffisamment indemnisé et une indemnité de 10 000 euros doit être versée à ce titre à Mme C...D...et une indemnité de 5 000 euros doit être versée à ce titre à son filsB....
Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 9 mars 2015, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par la Selarl Birot-Michaud-Ravaut, conclut d'une part, au rejet de la requête ; à cette fin, il soutient que les moyens soulevés par M.E..., Mme D...et leur fils mineur B...E...tendant à la réévaluation de leurs préjudices ne sont pas fondés. D'autre part, par la voie de l'appel incident, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales conclut à ce que les indemnités allouées par le tribunal administratif au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent subis par M. E...soient diminuées, ainsi que le montant des indemnités allouées au titre des préjudices subis par Mme D...et M. B... E.... A cette fin, il soutient que seuls les préjudices directement en lien avec la contamination par le virus de l'hépatite C peuvent donner lieu à indemnisation, à l'exclusion de la neuropathie diagnostiquée en juillet 2011, dont l'imputabilité au traitement antiviral C n'est pas établie. Enfin, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales demande qu'il soit jugé qu'aucun recours des tiers payeurs ne saurait être dirigé contre lui.
Par une décision du 9 avril 2015, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. E...pour la présente procédure.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- les décrets n° 2010-251 et n° 2010-252 du 11 mars 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben, rapporteur,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour M. E... et à MmeD....
Considérant ce qui suit :
1. Par le jugement contesté du 31 octobre 2014, le Tribunal administratif de Melun a, d'une part, condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à M. E...la somme de 18 733 euros, à Mme D...la somme de 2 500 euros et à M. E... et à MmeD..., agissant pour le compte de leur filsB..., la somme de 2 500 euros, ces sommes étant assorties des intérêts légaux à compter du 16 mars 2012, en réparation des préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C après la transfusion de produits sanguins lors de son hospitalisation du 2 avril au 23 juin 1984, et, d'autre part, a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 041,90 euros, à la charge définitive de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et enfin a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Sur les préjudices de M.E... :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
2. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. E... a subi deux traitements antiviraux, le premier du 10 avril au 25 septembre 2002 et le second du 21 janvier au 11 décembre 2009. Il a très mal toléré le premier traitement, qui a dû être interrompu, du fait notamment de fièvres, de nausées, d'anorexie et d'une asthénie majeure. Le second traitement a été mieux supporté, bien qu'il résulte des pièces médicales citées par l'expert que, pendant cette période, M. E...s'est senti fatigué. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette asthénie ait été telle que M.E..., qui au demeurant n'exerçait plus d'activité professionnelle depuis 1999, ait dû se faire aider par une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à ce que lui soit remboursé le coût de l'assistance par une tierce personne à hauteur d'une heure par jour du 10 avril au 25 septembre 2002 et du 21 janvier au 11 décembre 2009, soit pendant la durée de ses traitements.
3. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que, d'une part, l'asthénie dont a souffert M. E...du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ait été telle qu'il ait dû, de cette seule circonstance, abandonner en 1999 l'activité professionnelle qu'il exerçait, alors qu'au surplus sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine lui avait été révélée à la fin des années quatre-vingts. En outre, si M. E...fait valoir qu'il souffre désormais d'une neuropathie périphérique touchant les deux membres inférieurs diagnostiquée en juillet 2011, il n'a pas été médicalement établi que cette pathologie invalidante trouve sa cause directe et certaine dans les deux traitements anti-viraux qu'il a subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à ce qu'une indemnité lui soit versée au titre du préjudice professionnel qu'il allègue avoir subi.
En ce qui concerne les préjudices personnels :
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que, d'une part, M. E...a subi un déficit temporaire total de trois jours correspondant à son hospitalisation du 4 au 6 juin 2006 et que, d'autre part, il a subi un premier déficit temporaire partiel estimé à 75 % du 10 avril au 25 septembre 2002 et un second estimé à 50 % du 21 janvier au 11 décembre 2009. Les premiers juges ont estimé, à bon droit, qu'il sera fait une juste appréciation des ces préjudices en fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 4 733 euros.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'un fibroscan réalisé en mars 2014 a révélé une fibrose de stade F0-F1, aucun signe d'hypertension portale et un foie parfaitement homogène, M. E...devant ainsi être regardé comme étant entièrement stabilisé sur le plan de l'hépatite C. Il s'en suit que le déficit fonctionnel permanent de M.E..., âgé de 52 ans à la date de consolidation fixée au 2 août 2011, a été estimé par l'expert médical à 5 %. Si l'expert médical a estimé que devaient également être prises en considération la neuropathie périphérique dont souffre M. E...et qui lui occasionne une grande gêne pour estimer son déficit fonctionnel permanent global entre 7 et 8 %, il ne résulte pas de l'instruction, comme il a été dit, que cette affection trouve sa cause directe et certaine dans les deux traitements anti-viraux que M. E...a subis pour traiter sa contamination par le virus de l'hépatite C. Par suite, comme le demande l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales par la voie de l'appel incident, l'indemnité de 9 000 euros allouée par les premiers juges au titre du déficit fonctionnel permanent doit être ramenée à la somme de 4 700 euros.
6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par M. E...du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, tant physiques (notamment une biopsie hépatique et des contrôles sanguins extrêmement fréquents) que morales ont été estimé par l'expert médical à 3 sur une échelle de 7. Si l'expert médical a estimé que devaient également être prises en considération les souffrances endurées par M. E...causées par la neuropathie périphérique dont il souffre, que l'expert a évaluées à 1,5 sur une échelle de 7, il ne résulte pas de l'instruction, comme il a été dit, que cette affection trouve sa cause directe et certaine dans les deux traitements anti-viraux que M. E... a subis pour traiter sa contamination par le virus de l'hépatite C. Par suite, comme le demande l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales par la voie de l'appel incident, l'indemnité de 5 000 euros allouée par les premiers juges au titre des souffrances endurées doit être ramenée à la somme de 3 000 euros.
7. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que, d'une part, l'asthénie dont a souffert M. E...du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ait été telle qu'il ait subi un préjudice d'agrément de cette seule circonstance, alors qu'au surplus sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine lui avait été révélée à la fin des années quatre-vingts. D'autre part, si M. E...fait valoir qu'il souffre désormais d'une neuropathie périphérique touchant les deux membres inférieurs diagnostiquée en juillet 2011, il n'a pas été médicalement établi, comme il a été dit, que cette pathologie invalidante trouve sa cause directe et certaine dans les deux traitements anti-viraux qu'il a subis pour traiter sa contamination par le virus de l'hépatite C. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à ce qu'une indemnité lui soit versée au titre du préjudice d'agrément qu'il allègue avoir subi.
8. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de ramener à la somme de 12 433 euros la somme de 18 733 euros que les premiers juges ont mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en réparation des préjudices subis par M. E...des suites de sa contamination par le virus de l'hépatite C à l'hôpital Rothschild.
Sur les préjudices de Mme C...D...et de M. B...E... :
9. Eu égard aux circonstances susmentionnées que, d'une part, au vu de ses derniers examens, M. E...doit être regardé comme étant entièrement stabilisé quant à sa contamination pour le virus de l'hépatite C dès lors qu'il présente une fibrose de stade F0-F1, aucun signe d'hypertension portale et un foie parfaitement homogène et, d'autre part, comme il a été dit, qu'il n'a pas été médicalement établi que la neuropathie périphérique dont souffre M. E...trouve sa cause directe et certaine dans les deux traitements anti-viraux qu'il a subis pour traiter sa contamination par le virus de l'hépatite C, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme D... du fait de la contamination de M.E..., son compagnon, par le virus de l'hépatite C en ramenant à 2 000 euros l'indemnité de 2 500 euros allouée à ce titre par les premiers juges et à 1 000 euros l'indemnité de 2 500 euros allouée à ce titre par les premiers juges à M. E... et à MmeD..., agissant pour le compte de leur fils mineurB..., comme le demande par la voie de l'appel incident l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué du 31 octobre 2014 du Tribunal administratif de Melun doit être réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Sur les conclusions présentées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) tendant à ce qu'il soit jugé qu'aucun recours des tiers payeurs ne saurait être dirigé contre lui :
11. En l'absence de toute conclusion d'un tiers payeur tendant à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales soit condamné à lui rembourser les sommes qu'il aurait versées à la victime, il n'appartient pas au juge administratif de donner acte à l'ONIAM de ce qu'aucun recours des tiers payeurs ne saurait être dirigé contre lui. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Par suite, les conclusions présentées à ce titre par les consorts E...doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 18 733 euros que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à verser à M. E... est ramenée à la somme de 12 433 euros, la somme de 2 500 euros que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à verser à Mme D...est ramenée à la somme de 2 000 euros et la somme de 2 500 euros que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à verser à M. E... et à MmeD..., agissant pour le compte de leur fils mineurB..., est ramenée à la somme de 1 000 euros. Toutes ces sommes doivent porter intérêt au taux légal à compter du 16 mars 2012.
Article 2 : Le jugement du 31 octobre 2014 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des consorts E...et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...E..., à Mme C...D..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne et au directeur général de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 1er février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 février 2016.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA05324