Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2015, M. A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'enjoindre à l'administration de lui communiquer son entier dossier ;
2°) d'annuler le jugement n° 1504066/8 du 16 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 13 mars 2015 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
Sur la légalité de l'ensemble des décisions contestées :
- le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du principe fondamental du droit de l'Union européenne du droit d'être entendu, dès lors qu'il n'a jamais été en mesure de formuler des observations préalablement à l'arrêté contesté ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- le préfet de police n'a pas suffisamment motivé sa décision et ne s'est pas livré à un examen suffisamment approfondi de sa situation personnelle, au regard notamment des exigences posées par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et par les articles 28 et 30 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, dès lors qu'il n'a pas fait mention, en particulier, de la naissance de son fils né le 17 novembre 2014 ;
- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce qu'il soit obligé de quitter le territoire français dès lors qu'il établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant mineur de nationalité française ;
- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dès lors que la décision contestée porterait atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant et empêcherait celui-ci de jouir effectivement de l'essentiel des droits consacrés par son statut de citoyen d'un Etat membre de l'Union ;
Sur la légalité de la décision implicite refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
- la décision, étant implicite, manque de base légale ;
- la décision, étant implicite, n'est pas motivée ;
- il ressort des articles 7 et 8 de la directive 2008/115/CE que le seul caractère irrégulier de son séjour, sur lequel s'est fondé le préfet de police, ne permet pas de caractériser un risque de fuite, qui doit être apprécié au regard de critères objectifs ;
- c'est à tort que le préfet de police a considéré qu'il ne justifiait pas de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il apporte la preuve d'un domicile certain ;
Sur la légalité de la décision de placement en rétention administrative :
- il ne s'est soustrait, au mieux, qu'à une seule mesure d'éloignement, prononcée à son encontre le 20 novembre 2012, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la demande d'asile déposée par M. A...en centre de rétention administrative était dilatoire ;
- la décision n'est pas motivée ;
- il n'apparaît, ni dans les faits de l'espèce, ni dans la motivation de la décision de placement en rétention administrative, que ce placement était nécessaire et qu'aucune alternative, moins coercitive, ait été envisagée ;
- la décision de placement en rétention administrative est illégale dès lors qu'elle n'est pas proportionnée ; il présentait des garanties de représentation, dès lors qu'il est, contrairement aux allégations de l'administration préfectorale, en possession de l'original de son passeport en cours de validité, remis aux services préfectoraux, qu'il justifie d'un domicile à son nom et qu'il subvient aux besoins quotidiens de son fils ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; le préfet de police ne pouvait valablement indiquer qu'il " ne démontre pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine " alors qu'il n'a pas pu faire valoir ses observations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2015, le préfet de police conclut au rejet de la requête, au motif que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;
- le décret n° 95-304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Luben a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 15 mars 1980, de nationalité ivoirienne, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 27 mars 2014. Le préfet de police, par un arrêté du 10 novembre 2014, a refusé de faire droit à sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine dans un délai de trente jours. Le 6 février 2015, alors qu'il sollicitait à nouveau son admission au séjour, en qualité de parent d'enfant français, M. A...a été invité à se présenter à la préfecture de police en vue d'exécuter l'obligation de quitter le territoire français du 10 novembre 2014. Par un arrêté du 13 mars 2015, le préfet de police l'a placé en rétention administrative. M. A...relève régulièrement appel du jugement du 16 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à la communication de l'entier dossier de M.A... :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A...a été en mesure de produire, devant le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris comme devant le juge d'appel, les pièces sur le fondement desquelles la décision litigieuse a été prise. Si le requérant soutient que certaines pièces qui auraient fondés la décision contestée n'auraient pas été produites, il n'apporte aucune précision sur les pièces qui seraient manquantes, dont l'absence au dossier contentieux l'aurait privé d'un procès équitable, alors que le dossier contenait tous les éléments d'information nécessaires pour permettre au magistrat désigné de statuer en toute connaissance de cause sur le litige dont il était saisi. Par suite, les conclusions susvisées et les moyens développés en corollaire desdites conclusions, tirés de ce que les dispositions de l'article L. 512-1 III, alinéa 3, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que les droits de la défense et le droit à un procès équitable auraient été méconnus, doivent être rejetées.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination en date du 10 novembre 2014 :
3. Le requérant se borne à critiquer la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination en date du 10 novembre 2014, sans contester le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas répondu aux conclusions présentées en première instance contre ces décisions. Cette absence de contestation en appel rend inopérants les moyens d'annulation soulevés contre les décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Dès lors, il y a lieu d'écarter, d'une part, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, d'autre part, les moyens tirés de la méconnaissance du droit à être entendu, de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen complet de sa situation en tant qu'ils sont dirigés contre ces décisions. Par ailleurs, ces conclusions sont tardives, et par suite irrecevables.
Sur la légalité de la décision de placement en rétention administrative :
4. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français contestée, qui a été notifiée à M. A...le 17 novembre 2014, n'a fait l'objet d'un recours que le 16 mars 2015. Le requérant soutient que la décision le plaçant en rétention administrative devrait être annulée en raison des illégalités dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle a été prise. Cette décision qui est dépourvue de caractère réglementaire et n'est pas un élément d'une opération complexe, est devenue définitive faute d'avoir fait l'objet, dans les délais, d'un recours contentieux. Ainsi, M. A... n'est pas recevable à exciper de son illégalité.
5. En deuxième lieu, M. A...soutient que la décision de placement en rétention administrative méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que le préfet de police ne l'a pas invité à présenter des observations avant de prendre la décision litigieuse à son encontre. Toutefois, par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure, administratives et contentieuses auxquelles sont soumises les décisions portant obligation de quitter le territoire français. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions sus-rappelées est inopérant et doit être écarté.
6. En troisième lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
7. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce, M.A..., qui a fait l'objet, comme il a été dit, d'un refus de titre de séjour en date du 10 novembre 2014, assorti d'une obligation de quitter le territoire français, a de surcroît été reçu en préfecture le 5 février 2015, où il a rempli une fiche de renseignement administratifs, circonstance qui lui aurait permis de mentionner la naissance de son enfant le 17 octobre 2014 en France, et le 13 mars 2015 et doit ainsi être regardé comme ayant été mis à même de présenter ses observations. Par suite, le moyen tiré de ce que le principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'il est énoncé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aurait été méconnu, doit être écarté.
8. En quatrième lieu, l'arrêté contesté comporte l'indication des textes mis en oeuvre, notamment les articles L. 551-1, L. 551-2, L. 551-3 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne, en outre, que M. A... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise par le préfet de police en date du 10 novembre 2014, qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne présente pas de garanties de représentations propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. Ainsi, l'arrêté contesté fait mention des motifs de fait et de droit sur lesquels il s'appuie. En outre, il ne ressort pas des termes dans lesquels il est rédigé que le préfet de police n'aurait pas examiné de manière approfondie sa situation personnelle, alors même qu'il n'a pas fait mention de la naissance de l'enfant de M.A.... Par suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen complet de la situation personnelle du requérant.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de cinq jours lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé. ". Aux termes de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il ne se soustraie à cette obligation (...) ". Aux termes du I de l'article 15 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " A moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, ne puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite ou, b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement (...) ". Aux termes des paragraphes 16 et 17 du préambule de cette directive : " Le recours à la rétention aux fins d'éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n'est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l'éloignement et si l'application de mesures moins coercitives ne suffirait pas (...) ".
10. Les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles doivent être combinées avec celles, relatives à l'assignation à résidence, de l'article L. 561-2 du même code, ne sont pas incompatibles avec celles de l'article 15 de la directive du 16 décembre 2008 dès lors que, contrairement à ce que soutient l'appelant, les cas dans lesquels l'assignation à résidence a vocation à se substituer au placement en rétention administrative ne sont pas exagérément restrictifs au regard de l'objectif poursuivi. Si M. A...soutient que la décision de le placer en rétention administrative serait contraire aux objectifs de la directive du 16 décembre 2008 en ce qu'elle méconnaîtrait le principe de proportionnalité, il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, ne peut justifier être entré régulièrement en France et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de la directive du 16 décembre 2008 et des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 1er février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 février 2016.
Le rapporteur,
I. LUBEN
Le président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01493