3°) de mettre à la charge du CSA le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, le délai de huit mois prescrit par l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 n'ayant pas été respecté par le CSA ; ce vice de procédure a eu des conséquences sur l'appréciation du CSA dès lors que pendant le délai supplémentaire d'instruction des dossiers de candidatures, d'une part, la composition du CSA a été modifiée avec la nomination de son nouveau président le 2 février 2019 et de deux nouveaux membres en février 2019, et, d'autre part, la totalité du capital de la société Oüi FM a été acquise par la SAS Groupe 1981 le 17 avril 2019 ;
- le CSA a méconnu les impératifs prioritaires de diversification des opérateurs et de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels en accordant des autorisations à la SAS Latina France et à la SAS Oüi FM qui appartenaient, à la date de la décision attaquée, au même groupe, le groupe 1981 ;
- le CSA a méconnu l'intérêt du public dans la zone de Cannes et l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels en octroyant les deux seules autorisations à des radios musicales alors que ces dernières sont largement représentées dans la zone ; le déséquilibre entre les radios musicales et les radios non musicales est ainsi aggravé ;
- le CSA a commis une erreur d'appréciation en ne prenant pas en considération la diversité de la programmation de la radio France Maghreb 2 qui n'est pas représentée dans la zone alors même qu'elle répond largement aux attentes du public ; en outre, la programmation musicale de la radio Oüi FM est déjà représentée dans la zone par celle du service de radio Virgin radio ;
- le CSA a commis une erreur de fait en relevant que la radio France Maghreb 2 utilise " en partie la langue arabe " et " s'adresse en particulier aux auditeurs maitrisant la langue arabe " alors qu'il s'agit d'une radio francophone qui ne diffuse aucune émission en langue arabe ; si des intervenants peuvent s'exprimer en langue arabe, leurs propos sont systématiquement traduits ;
- l'usage de la langue française par le service de radio France Maghreb 2 respecte les dispositions de l'article 21-1 de la loi du 30 septembre 1986 ; dans ces conditions et dès lors que le CSA a estimé que sa candidature était recevable, il ne pouvait pas rejeter celle-ci au motif que la radio France Maghreb 2 utilise " en partie la langue arabe ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2019, le Conseil supérieur de l'audiovisuel conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 ;
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision n° 2018-148 du 28 mars 2018, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé un appel à candidatures pour l'exploitation de services radiophoniques par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel (CTA) de Marseille. La société Nord Sud Communication Multimédias (NORSUCOM) a présenté sa candidature pour la diffusion d'un service de radio de catégorie D dénommé France Maghreb 2 dans la zone de Cannes. Par des décisions du 12 juin 2019, le CSA a autorisé les services de radio Latina et Oüi FM dans cette zone. Par une décision du même jour, il a rejeté la candidature de la société NORSUCOM. Par la présente requête, la société NORSUCOM demande à la Cour d'annuler la décision du 12 juin 2019 rejetant sa candidature.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 juin 2019 :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Aux termes du I de l'article 28-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La durée des autorisations délivrées en application des articles 29, 29-1, 30, 30-1 et 30-2 ne peut excéder dix ans. Toutefois, pour les services de radio en mode analogique, elle ne peut excéder cinq ans. Ces autorisations sont délivrées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans un délai de huit mois à compter de la date de clôture de réception des déclarations de candidatures des éditeurs ou des distributeurs de services. (...) ".
3. En premier lieu, les dispositions précitées de l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui prescrivent au CSA de délivrer les autorisations d'émettre dans un délai de huit mois à compter de la date de clôture de l'appel aux candidatures ont été introduites par l'article 42 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 afin de transposer en droit interne l'article 7-4 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, qui a prévu un tel délai afin de favoriser un usage plus efficace de la ressource radioélectrique en évitant que des fréquences attribuables soient gelées pendant des durées excessives. Il ne résulte ni des dispositions de la directive, ni des dispositions législatives qui les ont transposées, que le dépassement du délai de huit mois entraîne la caducité de la procédure de sélection, laquelle aurait pour conséquence de retarder encore plus l'attribution des fréquences. Il en résulte que le moyen tiré de ce que le seul dépassement du délai de huit mois prévu par les dispositions précitées, qui n'a pas le caractère d'une garantie et dont le dépassement n'est en lui-même pas susceptible d'exercer une influence sur la décision du CSA, aurait dû entraîner la nullité de la procédure d'appel à candidatures doit être écarté.
4. En second lieu, la société NORSUCOM soutient que le délai supplémentaire de huit mois d'instruction des dossiers de candidatures a eu des conséquences quant à l'appréciation portée par le CSA sur ces candidatures dès lors que pendant cette période tant la composition du CSA que la situation juridique de la société Oüi FM ont été modifiées. Toutefois, la nomination du nouveau président du CSA le 4 février 2019 et le renouvellement partiel de ses membres en janvier et février 2019 pendant la procédure d'instruction des candidatures est sans incidence sur la régularité de cette procédure dès lors qu'il ressort de la lecture de la décision attaquée mentionnant les radios autorisées à l'issue de la procédure d'appel à candidatures et les motivations de rejet des candidatures non retenues annexées au procès-verbal de la réunion du collège plénier du 12 juin 2019, que le CSA a examiné, au cours de cette séance, l'ensemble des candidatures présentées dans le cadre de la procédure en cause et a ainsi respecté le principe d'égalité de traitement entre les candidats. Par ailleurs, si par une décision du 17 avril 2019 le CSA a agréé la modification du contrôle de la société Oüi FM dont le capital détenu à 100% par la SAS AW Radio devait être, à l'issue de l'opération envisagée, entièrement détenu par la SAS Groupe 1981, il ne ressort pas des pièces du dossier que la modification du contrôle de la société Oüi FM après le dépôt de sa candidature ait eu pour effet de substituer à la demande d'autorisation présentée une demande différente dès lors notamment que les caractéristiques générales du programme diffusé par le service de radio de la société Oüi FM n'ont pas été modifiées. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA " accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte : 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des oeuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation ; 7° S'il s'agit de la délivrance d'une nouvelle autorisation après que l'autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l'article 3-1. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion. Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. Il s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale. (...) ".
6. Il ressort des termes de la décision du 12 juin 2019 que pour rejeter la candidature présentée par la société NORSUCOM en catégorie D, le CSA a estimé que la radio France Maghreb 2, dont " le format thématique destiné aux franco-maghrébins, utilisant en partie la langue arabe, s'adresse en particulier aux auditeurs maîtrisant la langue arabe, est susceptible, de ce fait, de répondre aux attentes d'un moins large public et de contribuer dans une moindre mesure à la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels que les candidats retenus, Latina et Oüi FM, dont les programmes parlés sont intégralement en langue française ".
7. En premier lieu, il ressort du dossier de candidature du 14 mai 2018 présenté au CSA par la société NORSUCOM dans le cadre de l'appel à candidatures lancé dans le ressort du CTA de Marseille et concernant la zone de Cannes, produit par le CSA, que le service de radio France Maghreb 2 est " une radio thématique communautaire " généraliste, laïque, à destination des franco-maghrébins de toutes générations " à vocation multi villes " qui " promeut toutes les formes des cultures et d'expressions maghrébines, françaises et franco-maghrébines " et que principalement francophone, elle " permet à chacun de ses auditeurs de s'exprimer dans la langue qu'il maîtrise le mieux et met un point d'honneur de lui répondre dans cette langue ". Le dossier de candidature précise également que si la radio France Maghreb 2 choisit le français " comme langue véhiculaire majoritaire à l'antenne, elle le fait, sans occulter pour autant l'arabe (littéraire et dialectal) que parle et comprend une partie de son public. Le principe de l'interactivité à l'antenne est le suivant : l'animateur répond à l'auditeur dans la langue que ce dernier utilise ". Si la société requérante verse aux débats un de ses dossiers de candidature mentionnant notamment que le service de radio France Maghreb 2 " choisit le français comme langue véhiculaire principale à l'antenne ", que les interventions d'auditeurs dans l'impossibilité de s'exprimer en français sont traduites et " qu'aucune émission n'est mise à l'antenne en langue arabe ", ce dossier daté du 16 janvier 2019 ne correspond pas au dossier de candidature du 14 mai 2018 présenté au CSA dans le cadre de l'appel à candidatures dans le ressort du CTA de Marseille lancé le 28 mars 2018. Il s'ensuit que le CSA n'a pas commis d'erreur de fait en retenant que le service de radio France Maghreb 2 utilise " en partie la langue arabe " et " s'adresse en particulier aux auditeurs maîtrisant la langue arabe ".
8. En deuxième lieu, au vu des éléments énoncés au point précédent et même si le service de radio France Maghreb 2 remplit les conditions fixées par l'article 21-1 de la loi du 30 septembre 1986 quant à l'emploi du français et de l'arabe dans ses émissions, le CSA n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation en retenant que le service de radio France Maghreb 2 " utilise en partie la langue arabe " et " s'adresse en particulier aux auditeurs maîtrisant la langue arabe ".
9. En troisième lieu, il ressort du dossier de candidature du 14 mai 2018 de la société NORSUCOM que le service de radio France Maghreb 2 propose une programmation musicale consacrée à la musique orientale, en particulier du Maghreb, des émissions " parlées " s'intéressant " aux préoccupations de toutes natures des populations franco-maghrébines " ainsi que des informations provenant des journalistes de la radio, de RFI, de Radio Tunis Chaîne internationale, d'Alger Chaîne 3 et de Rabat Chaîne Inter. Il ressort des pièces du dossier qu'une telle programmation n'est pas représentée dans la zone de Cannes alors que les personnes immigrées originaires du Maghreb représentaient en 2014 dans la commune de Cannes 5,57 % de la population. Toutefois, eu égard à la circonstance que seules deux fréquences étaient disponibles dans la zone de Cannes dont une en contrainte d'allotissement avec la fréquence 96,6 MHz de la zone de Nice dans laquelle la société requérante n'a pas présenté de dossier de candidature, le CSA n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le service de radio France Maghreb 2, en utilisant en partie la langue arabe et de ce fait s'adressant en particulier aux auditeurs maîtrisant cette langue, était susceptible de répondre aux attentes d'un public moins large que celui susceptible d'être intéressé par les programmes des radios Latina et Oüi FM dans la zone de Cannes et, par suite, de contribuer dans une moindre mesure à la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels que les radios retenues.
10. En quatrième lieu, si en vertu des dispositions de l'article 29 de la loi du
30 septembre 1986 le CSA doit accorder les autorisations de diffusion des services de radio en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public au regard notamment de l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels et également s'assurer que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposent au CSA de veiller également à un juste équilibre entre les services de radio dont la programmation est musicale et ceux dont la programmation est " parlée ". Par suite, la société NORSUCOM ne peut utilement soutenir que le CSA aurait méconnu l'équilibre entre les radios musicales et les radios " parlées " en autorisant les radios Latina et Oüi FM dans la zone de Cannes.
11. En cinquième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que les radios Latina et Oüi FM appartiennent au groupe 1981 qui ne disposait d'aucun service dans la zone de Cannes avant l'appel à candidatures. A l'issue de ce dernier, les groupes NRJ et RTL disposaient chacun de trois fréquences dans cette zone, les groupes Lagardère, NextRadio TV et comme il vient être dit le groupe 1981 de deux fréquences chacun, les groupes Orbus et Nova Press d'une fréquence. Par ailleurs, au niveau du ressort du CTA de Marseille, les groupes NRJ, RTL et Lagardère notamment disposaient respectivement de 114, 93 et 78 fréquences alors que le groupe 1981 n'en disposait que de 4 et que 231 services de radio n'appartenaient à aucun groupe. Dans ces conditions, en retenant les candidatures des services de radio Latina et Oüi FM qui appartiennent au même groupe, le CSA n'a pas méconnu l'impératif prioritaire de diversification des opérateurs.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société NORSUCOM n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du CSA du 12 juin 2019 rejetant sa candidature à fin d'exploiter le service de radio en catégorie D dénommé France Maghreb 2 dans la zone de Cannes.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société NORSUCOM, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CSA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société NORSUCOM demande au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Nord Sud Communication Multimédias (NORSUCOM) est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nord Sud Communication Multimédias (NORSUCOM) et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., présidente de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. A...
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA02788
7