Par une décision du 20 novembre 2018, la commission départementale d'aide sociale du Nord a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 janvier 2019 et 3 août 2020, l'association départementale pour adultes et jeunes handicapés de Charente-Maritime (APAJH 17) agissant au nom de M. C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 20 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Nord ;
2°) la décision du 25 janvier 2018 par laquelle le conseil départemental du Nord a refusé l'admission de M. C... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er avril 2017 ;
3°) d'enjoindre au département du Nord de prendre en charge ses frais d'hébergement à compter du 1er avril 2017.
Elle soutient que M. C... remplit les conditions pour bénéficier de la prise en charge de ses frais d'hébergement dès lors que ses ressources sont insuffisantes pour en permettre le financement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2020, le département du Nord, représenté par son président, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 16 janvier 2019 sous le n° 19PA00290.
Vu :
- le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
- le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... est hébergé depuis le 9 avril 2015 au sein de l'EHPAD " Jardins d'Epargnes " à Epargnes. Par décision du 18 mai 2016, le président du conseil départemental du Nord a accordé à l'intéressé le bénéfice de la prise en charge de ses frais d'hébergement au titre de l'aide sociale à compter du 9 avril 2015. Le 25 janvier 2018, le département du Nord a procédé à la révision de son dossier d'aide sociale et a refusé de prendre en charge ses frais d'hébergement à compter du 1er avril 2017 au motif que " les ressources permettent le paiement des frais de séjour ". Le recours gracieux formé le 6 mars 2018 contre cette décision par l'association départementale pour adultes et jeunes handicapés de Charente-Maritime (APAJH 17) agissant au nom de M. C... en tant que curatrice a été rejeté par le conseil départemental du Nord le 17 avril 2018. L'APAJH 17 a formé un recours contre la décision du département du Nord du 25 janvier 2018 devant la commission départementale d'aide sociale du Nord qui a rejeté sa demande par une décision du 20 novembre 2018. Elle relève appel de cette décision devant la Cour.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 20 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Nord et de la décision du 25 janvier 2018 du conseil départemental du Nord :
2. Aux termes de L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ". Selon l'article L. 132-3 du même code : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. Toutefois les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l'aide sociale sont déterminées par décret. La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques dont le bénéficiaire de l'aide sociale peut être titulaire s'ajoutent à cette somme ". Selon l'article R. 132-1 du même code : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ". Aux termes de l'article R. 231-6 du même code : " La somme minimale laissée mensuellement à la disposition des personnes placées dans un établissement au titre de l'aide sociale aux personnes âgées, par application des dispositions des articles L. 132-3 et L. 132-4 est fixée, lorsque l'accueil comporte l'entretien, à un centième du montant annuel des prestations minimales de vieillesse, arrondi à l'euro le plus proche. Dans le cas contraire, l'arrêté fixant le prix de journée de l'établissement détermine la somme au-delà de laquelle est opéré le prélèvement de 90 % prévu audit article L. 132-3. Cette somme ne peut être inférieure au montant des prestations minimales de vieillesse. ".
3. D'une part, il résulte de ces dispositions que les personnes âgées hébergées en établissement au titre de l'aide sociale doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources et que la somme ainsi laissée à leur disposition ne peut être inférieure à 1 % du minimum vieillesse. Ces dispositions doivent être interprétées comme devant permettre à ces personnes de subvenir aux dépenses qui sont mises à leur charge par la loi et sont exclusives de tout choix de gestion, telles que les sommes dont elles seraient redevables au titre de l'impôt sur le revenu. Il suit de là que la contribution de 90 % prévue à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée de ces dépenses. En outre, eu égard aux exigences résultant du onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 en vertu duquel la nation garantit à tous la protection de la santé, les dispositions du code de l'action sociale et des familles doivent être interprétées comme imposant également de déduire de cette assiette soit la part des tarifs de sécurité sociale restant à la charge des assurés sociaux du fait des dispositions législatives et réglementaires et le forfait journalier prévu par l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale soit les cotisations d'assurance maladie complémentaire nécessaires à la couverture de ces dépenses.
4. D'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles L. 132-3 et R. 231-6 du code de l'action sociale et des familles que les établissements qui assurent à la fois l'hébergement et l'entretien des personnes âgées doivent fournir à ce titre l'ensemble des prestations d'administration générale, d'accueil hôtelier, de restauration, d'animation de la vie sociale de l'établissement et les autres prestations et fournitures nécessaires au bien-être de la personne dans l'établissement, dès lors qu'elles ne sont pas liées à son état de santé ou à son état de dépendance. Lorsqu'une personne âgée se voit demander d'acquitter elle-même des dépenses d'entretien qui devraient trouver leur contrepartie dans le tarif de l'établissement, il y a lieu, par suite, de déduire ces dépenses de l'assiette de la contribution exigée de l'intéressée en application des dispositions précitées.
5. Il résulte de l'instruction que le coût journalier de l'hébergement de M. C... au sein de l'EHPAD précité est, en application de l'arrêté du 28 février 2017 du président du département de la Charente-Maritime, de 56,19 euros par mois à compter du 1er mars 2017 en prenant une base de calcul de 30 jours et un tarif journalier dépendance du groupe d'autonomie GIR 5-6 à 4,90 euros à compter du 1er juillet 2017 en application de l'arrêté du 22 mai 2017 du président du département de la Charente-Maritime. Quant à ses ressources, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la contribution de 90 % prévue à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée des dépenses exclusives de tout choix de gestion, telles qu'en application des principes précités les sommes mensuelles dont M. C... était redevable au titre de ses frais de mutuelle de 19,03 euros, de protection de 67,93 euros, de retenue de la caisse d'allocations familiales pour l'allocation adulte handicapé perçue à tort d'un montant de 48 euros par mois, de frais de santé pour un montant moyen de 40 euros par mois soit un total de 174,96 euros. En revanche, les dépenses afférentes à la souscription d'une assurance de responsabilité civile de 8 euros par mois, qui ne relèvent pas de l'entretien au sens des dispositions des articles L. 132-3 et R. 231-6 précités du code de l'action sociale et des familles, ne sont pas au nombre des dépenses mises à la charge des personnes âgées par la loi et exclusives de tout choix de gestion et ne doivent donc pas être déduites des ressources de M. C.... Il en est de même des frais de téléphone de 6,99 euros par mois qui ne sont pas exclusives de tout choix de gestion ainsi que des frais bancaires de 3 euros par mois. Les ressources mensuelles de M. C... composées de sa retraite et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées pour un montant de 620,94 euros, de la majoration tierce personne de 1 118,57 euros, de sa retraite complémentaire à hauteur de 248,61 euros et de l'allocation logement de 172 euros s'élèvent donc au total à 2 160,12 euros. Ses ressources doivent être diminuées des dépenses exclusives de tout choix de gestion précitées correspondant à 174,96 euros, soit 1 985,16 euros. Après déduction de la somme laissée à disposition en application des dispositions précitées de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles, les ressources de M. C... au titre de l'aide sociale sont ainsi de 1 786,64 euros. Par suite, dès lors qu'il résulte de l'instruction que les frais d'hébergement de M. C... qui s'élèvent à 1 832,70 euros par mois dans l'établissement précité ne sont pas couverts par ses ressources propres de 1 786,64 euros après déduction du minimum légal laissé à disposition, son état de besoin pour régler ses frais d'hébergement est établi de sorte qu'il y a lieu de prononcer son admission à l'aide sociale à hauteur du déficit de ressources constaté par rapport à ses frais d'hébergement à compter du 1er avril 2017 comme il le demande.
6. Par suite, l'APAJH 17 agissant au nom de M. C... est fondée à soutenir que ce dernier doit être admis à l'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er avril 2017, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de notification du présent arrêt, et à demander pour ce motif l'annulation la décision du 20 novembre 2018 par laquelle la commission départementale d'aide sociale du Nord a rejeté sa demande et de la décision du 25 janvier 2018 par laquelle le conseil départemental du Nord a refusé l'admission de M. C... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er avril 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, il y a lieu de renvoyer l'APAJH 17 agissant au nom de M. C..., devant le président du conseil départemental du Nord afin que ce dernier fixe le déficit constaté des ressources perçues par l'intéressé depuis le 1er avril 2017, diminuées de la quote-part de 10 % fixée à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles ainsi que des dépenses mises à sa charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion, par rapport aux frais de son hébergement au sein de l'APAJH 17 et qu'il procède au paiement des sommes ainsi calculées.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 20 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Nord et la décision du 25 janvier 2018 par laquelle le conseil départemental du Nord a refusé l'admission de M. C... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er avril 2017 sont annulées.
Article 2 : M. C... est admis au bénéfice de l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement, à compter du 1er avril 2017 et sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de notification du présent arrêt. L'APAJH 17 agissant au nom de M. C... est renvoyée devant le président du conseil départemental du Nord afin qu'il procède à la fixation et au paiement des sommes dues à ce titre.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'union départementale des associations familiales de la Charente-Maritime agissant au nom de M. B... C..., au département du Nord et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie du présent arrêt sera adressée à l'association départementale pour adultes et jeunes handicapés de Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
Le rapporteur,
A. A...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00290