Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 12 décembre 2020 et 11 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me N'Diaye, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003494 du 5 novembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant son édiction ;
- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du même code, dès lors qu'elle est mère d'un enfant mineur de nationalité française ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 de ce code et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant son édiction ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 3 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 juillet 2021 à 12 h.
Une pièce a été enregistrée le 9 octobre 2021 pour Mme A... après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les observations de Me Aïdara, avocat de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne entrée en France en 2013, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 février 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 5 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le moyen commun aux décisions portant refus de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile désormais codifiées à l'article L. 613-1 du même code : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".
3. L'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, le préfet de la Seine-Saint-Denis a mentionné les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement desquelles la situation de Mme A... a été étudiée. Il indique qu'elle ne peut justifier que son enfant de nationalité française demeure toujours en France. Il indique également que l'intéressée, entrée irrégulièrement en France en 2013, est célibataire et ne justifie dès lors pas d'une situation personnelle et familiale sur le territoire français à laquelle la décision attaquée porterait une atteinte disproportionnée. Dans ces conditions, et dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à comporter une motivation distincte de celle du refus de délivrance de titre de séjour qu'elle accompagne, l'arrêté contesté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait telles qu'exigées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté doit être écarté.
Sur la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 423-7 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".
5. Les dispositions précitées exigent, pour l'obtention d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, de l'étranger qui se prévaut de cette qualité, qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux années. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est mère d'un enfant de nationalité française, Mohamed Came Diallo, né le 22 avril 2014 à Gonesse. Afin d'établir qu'elle contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans les conditions prévues par les dispositions susmentionnées à la date de la décision attaquée, à savoir le 18 février 2020, la requérante produit une facture du 18 décembre 2017 de cantine scolaire et de garderie, un courrier de la caisse d'allocations familiales du 25 septembre 2020 indiquant que l'enfant Mohamed est à sa charge, un titre exécutoire émis par la mairie de Bondy le 9 novembre 2020 pour le règlement des frais d'accueil et de restauration scolaire de Mohamed, un certificat médical du 16 novembre 2020 indiquant que les vaccins de l'enfant sont à jour, un certificat de scolarité du 19 novembre 2020 indiquant qu'il est scolarisé en CP et une déclaration du 27 novembre 2020 de choix de médecin traitant pour l'enfant. Toutefois, ces éléments, en majorité postérieurs à l'arrêté contesté, ne suffisent ainsi pas à établir qu'elle contribuait effectivement, à la date du 18 février 2020, à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 423-23 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., entrée irrégulièrement en France en 2013, établit résider habituellement sur le territoire français depuis avril 2014. L'intéressée, célibataire, ne justifie pas être dépourvue de toutes attaches dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 40 ans. Au vu de de ces éléments, alors que la présence de son fils de nationalité française en France n'est pas démontrée à la date de l'arrêté attaqué par la seule production de la facture précitée du 18 décembre 2017 de cantine scolaire et de garderie, et même si Mme A... a exercé une activité professionnelle en qualité d'agent d'entretien entre les mois de juillet 2016 et décembre 2019, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
8. En troisième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'a pas saisi le préfet de la Seine-Saint-Denis d'une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que celui-ci n'a pas examiné la demande de titre de séjour de la requérante au regard de ces dispositions. Dans ces conditions, Mme A... ne peut utilement soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 432-13 de ce code, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions d'obtention du titre de séjour sollicité auxquels il envisage de refuser ce titre de séjour et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.
10. Eu égard à ce qui a été dit aux points 5 et 7 du présent arrêt, Mme A... ne remplissait pas les conditions permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision contestée.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
12. Si Mme A... soutient que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, il ne ressort pas des pièces du dossier ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt que la présence de son fils de nationalité française à ses côtés en France n'est pas démontrée à la date de l'arrêté attaqué par la seule production de la facture précitée du 18 décembre 2017 de cantine scolaire et de garderie. Par suite, ce moyen doit être écarté.
13. En sixième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A....
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, l'obligation de saisir la commission du titre de séjour ne vaut que dans les cas de refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour. Mme A... ne peut dès lors utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
15. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
16. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2021.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03936