Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 juillet 2019, et un nouveau mémoire, enregistré le
7 novembre 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901131 du 15 mai 2019 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2019 du préfet de police portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen sous mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner l'Etat eux entiers dépens.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas pris en compte l'ensemble des pièces produites et attestant de son ancienneté sur le territoire français, de son intégration dans la société française ainsi que de la stabilité de sa situation personnelle et familiale en France ;
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;
S'agissant des moyens communs à la décision portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées dès lors qu'elles ne mentionnent pas son ancienneté sur le territoire français ni la stabilité de sa situation familiale en France ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'il n'a pas pu présenter de manière utile et effective ses observations écrites ou orales préalablement à l'édiction de la décision contestée ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle dès lors qu'il justifie d'une entrée régulière sur le territoire français ;
- la décision contesté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie d'une ancienneté de douze ans sur le territoire français, que son épouse et ses enfants résident en France et qu'il est parfaitement intégré à la société française ; son épouse devrait prochainement se voir délivrer par le préfet de police un titre de séjour en raison de sa présence en France depuis plus de dix ans et de sa qualité de parent d'enfants mineurs scolarisés ;
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa situation personnelle et familiale justifie son admission exceptionnelle au séjour ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son ancienneté sur le territoire français et de l'intensité de sa vie privée et familiale en France ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant dès lors qu'elle aura nécessairement pour effet de priver les enfants de l'un de leurs parents ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle compte tenu de son ancienneté sur le territoire français et de l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France ;
S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle dès lors qu'il est titulaire d'un passeport géorgien revêtu d'un visa court séjour et qu'il justifie d'une adresse stable en France ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire dès lors que le risque de fuite ne peut être caractérisé et que son ancienneté sur le territoire français et la présence de famille en France justifiait l'octroi d'un délai pour pouvoir préparer son départ ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne mentionne pas les conséquences d'un retour en Géorgie ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- la décision contesté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il justifie d'une ancienneté de douze ans sur le territoire français, que son épouse et ses enfants résident en France et qu'il est parfaitement intégré à la société française ;
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa situation personnelle et familiale justifie son admission exceptionnelle au séjour ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant dès lors qu'elle aura nécessairement pour effet de priver les enfants de l'un de leurs parents ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle compte tenu de son ancienneté sur le territoire français et de l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour :
- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne fait pas état des quatre critères légaux ;
- le préfet de police n'a pas examiné sa situation au regard des quatre critères énumérés au paragraphe III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il justifie d'un ancienneté de plus de douze ans sur le territoire français ainsi que de la réalité de sa vie familiale en France ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a fixé l'intégralité de ses attaches privées en France ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'elle aura de graves répercussions, tant matérielles que psychologiques, sur ses enfants ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires eu égard à son ancienneté sur le territoire français et à l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un courrier du 26 novembre 2020, la Cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la décision du 28 janvier 2019 par laquelle le préfet de police a obligé M. E... à quitter le territoire sans délai pouvait être légalement fondée, par substitution de base légale avec le même pouvoir d'appréciation et sans priver l'intéressé d'aucune garantie, sur les dispositions du 2° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au lieu du 1° du même article s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français. S'agissant de la décision du 28 janvier 2019 par laquelle le préfet de police a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, les dispositions du b) du 3° de l'article L. 511-1-II du même code pourraient être substituées aux dispositions du a) du 30 du II du même article.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. C... a présenté son rapport au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant géorgien, né le 29 novembre 1980 et entré en France muni d'un visa Schengen selon ses dires en 2007, a été interpellé le 28 janvier 2019, à l'occasion d'un contrôle d'identité, en possession d'une arme non autorisée de catégorie D et dépourvu de tout justificatif d'identité. Par un arrêté du 28 janvier 2019, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. E... relève appel du jugement du 15 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. D'une part, M. E... soutient que les premiers juges, en ne faisant pas référence à l'ensemble des éléments versés au dossier, auraient insuffisamment motivé leur jugement. Toutefois, il ressort des termes du jugement dont il est fait appel que les premiers juges ont suffisamment répondu aux moyens soulevés devant eux, le bien fondé des réponses qu'ils ont apportées au regard des pièces versées au dossier étant sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.
4. D'autre part, il ressort des mentions du jugement, en son point 7, que le tribunal administratif de Melun a estimé, s'agissant des moyens communs à l'ensemble des décisions contestées, dont fait partie la décision portant interdiction de retour du territoire français, qu'elles étaient suffisamment motivées. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté comme manquant en fait.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
5. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". De même, aux termes de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. ".
6. Les décisions contestées visent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment les articles L. 511-1-I et L. 511-1 II de ce code. Elles indiquent également, en particulier, que M. E... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et que l'intéressé est dépourvu de titre de séjour en cours de validité. De même, elles mentionnent que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale dès lors que si l'intéressé se déclare marié avec deux enfants à charge sans en apporter la preuve, le préfet de police relève que l'épouse de l'intéressé n'apparait pas comme se trouvant en situation régulière sur le territoire français. Par ailleurs, le préfet de police n'est pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. E.... En outre, s'agissant spécifiquement de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet de police a précisé qu'il existait un risque que M. E... se soustrait à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre dès lors qu'il ne pouvait justifier être entré régulièrement en France, qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne présentait pas de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il ne justifiait pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Dans ces conditions, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et celle refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire comportent l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait au sens des dispositions précitées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, et doivent être regardées comme étant suffisamment motivées.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " et aux termes de l'article 51 de cette charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...) ". Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition sur la situation administrative du requérant produit par le préfet de police, que M. E... a été auditionné le
28 janvier 2019 à la suite de son interpellation après un contrôle d'identité et que lors de cette audition, il a été interrogé sur les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français, sur sa situation personnelle et familiale en France et il a été mis à même de présenter des observations. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la possibilité de présenter des observations avant l'édiction de la décision en litige.
9. En deuxième lieu, s'il n'est pas contesté que M. E... justifiait d'une entrée régulière sur le territoire français, sous couvert d'un visa Schengen, le préfet de police n'a pas commis d'erreur de fait en indiquant le 28 janvier 2019 que le requérant ne justifiait pas d'une entrée régulière sur le territoire, puisqu'il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a pas présenté son passeport revêtu du visa Schengen au préfet de police lors de son interpellation, alors même que le séjour aurait été continu depuis son entrée sur le territoire français, et n'a donc pas justifié de son entrée régulière. D'autre part, il est constant que le requérant s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il s'ensuit que si la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 511-1. I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette mesure d'éloignement, motivée par l'irrégularité du séjour de M. E..., trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du même article qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors que cette substitution de base légale, dont les parties ont été informées de ce que la Cour entendait y procéder, n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. E... doivent être écartés.
10. En troisième lieu, M. E... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elles ne prévoient pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit. Par suite, le moyen sera écarté comme inopérant.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
12. M. E... fait valoir qu'il réside en France depuis 2007, soit depuis douze années à la date de la décision contestée, qu'il est parfaitement intégré à la société française et que ses attaches personnelles et familiales sont en France dès lors que sa compagne réside en France depuis 2006, qu'ils ont deux enfants scolarisés sur le territoire français et que son éloignement du territoire français impliquera nécessairement une séparation de la cellule familiale. Toutefois, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé justifierait d'une intégration particulière et que si, ainsi que le soutient lui-même le requérant, sa situation administrative ne l'autorisait pas à exercer une activité professionnelle, l'intéressé n'établit pas qu'il aurait entamé des démarches visant à la régulariser. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. E... vit en concubinage avec une compatriote qui réside en France, que le couple a deux enfants, A..., né le 28 septembre 2013 et Alexandra, née le 4 octobre 2014, et que ces derniers sont scolarisés en France. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la compagne de M. E... résiderait de manière régulière en France dès lors qu'il est constant que le titre de séjour portant la mention " étudiant ", délivré à Mme F... le 3 novembre 2014, qui, au demeurant ne lui donnait pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français, est expiré depuis le 2 novembre 2015. Dans ces conditions, et alors que rien ne s'oppose à ce qu'il poursuive en Géorgie de sa vie familiale, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ou que cette décision a méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
14. Si M. E... soutient que le préfet de police a méconnu l'intérêt supérieur de ses deux enfants dès lors qu'ils seront nécessairement séparés de l'un de leurs parents, rien ne s'oppose, ainsi qu'il a été dit au point 12, à ce que la cellule familiale se reconstitue en Géorgie, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants de M. E..., scolarisés en moyenne et grande section, seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité hors de France. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
15. En sixième lieu, pour les motifs exposés aux points 9, 12 et 14 du présent arrêt, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
16. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entaché d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué au soutien des conclusions en annulation dirigées contre la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, doit être écarté.
17. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; ".
18. M. E... fait valoir que c'est à tort que le préfet de police lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire dès lors qu'il justifiait d'une entrée régulière ainsi que de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il dispose d'une adresse stable. Toutefois, d'une part, si
M. E... justifiait d'une entrée régulière, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 9, que l'intéressé n'a pas présenté son passeport revêtu du visa Schengen au préfet de police lors de son interpellation et qu'il est constant que M. E... s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de la validité de son visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il s'ensuit ainsi que si la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du a) du 3° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette décision trouve son fondement légal dans les dispositions du b) du même article qui peuvent être substituées à celles du a) dès lors que cette substitution de base légale, dont les parties ont été informées de ce que la Cour entendait y procéder, n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. D'autre part, à supposer établie la circonstance que M. E... résidait, à la date de la décision contestée, à l'adresse de sa compagne, l'intéressé ne justifiait d'aucun document d'identité en cours de validité, son passeport ayant expiré depuis le 3 juillet 2016. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. E... doivent être écartés.
19. En troisième lieu, si l'intéressé soutient que l'octroi d'un délai était nécessaire pour pouvoir organiser son départ eu égard à son ancienneté en France et à la présence de sa famille sur le territoire français, cette circonstance ne saurait être regardée comme constituant à elle-seule une circonstance particulière au sens des dispositions précitées de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions le préfet de police pouvait, eu égard aux motifs exposés au point précédent, et sans commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé, lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
20. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entaché d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué au soutien des conclusions en annulation dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté.
21. En deuxième lieu, la décision contestée vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 3, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 511-1 et L. 513-3. Elle mentionne la nationalité de M. E... et l'indication que celui-ci n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Le préfet de police, qui n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. E..., a suffisamment motivé sa décision au regard des exigences des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.
22. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de
M. E... avant de désigner la Géorgie comme pays de destination.
23. En quatrième lieu, pour les motifs exposés au point 12 et alors que M. E... n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 27 ans, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
24. En cinquième lieu, pour les motifs exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sera écarté comme inopérant.
25. En sixième lieu, pour les motifs exposés au point 14, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
26. En septième lieu, pour les motifs exposés aux points 12, 14 et 23, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en fixant la Géorgie comme pays de renvoi, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour du territoire français :
27. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entaché d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué au soutien des conclusions en annulation dirigées contre la décision prononçant l'interdiction de retour du territoire français, doit être écarté.
28. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...).
29. La décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à l'encontre de M. E... vise l'article L. 511-1, III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet de police a, pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, relevé que l'intéressé, qui a déclaré être entré en France depuis douze années, ne peut être regardé comme se prévalant de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France dès lors que si l'intéressé se déclare marié avec deux enfants à charge, il n'apporte pas la preuve de sa situation familiale, la décision étant ainsi motivée au regard des critères tenant à la durée de la présence de l'intéressé sur le territoire français et à l'ancienneté des liens qu'il a entretenus avec la France. De même, il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de police n'a pas entendu lui opposer l'existence d'une précédente mesure d'éloignement ni celle d'une menace à l'ordre public et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Par ailleurs, le préfet n'est pas tenu d'indiquer les raisons pour lesquelles aucune circonstance humanitaire ne ressortait de la situation de l'intéressé. Dans ces conditions, et dès lors que la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fonde, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation sera écarté comme manquant en fait.
30. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la situation de l'intéressé a fait l'objet d'un examen au regard des quatre critères prévus par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
31. En quatrième lieu, M. E... soutient que le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur de fait dès lors qu'il justifie de son ancienneté sur le territoire français ainsi que de la réalité de sa situation familiale. Toutefois, et alors qu'il ne ressort pas des termes de la décision en litige que le préfet de police ait entendu remettre en cause la réalité de son ancienneté sur le territoire français, il est constant qu'à la date de la décision contestée, M. E..., qui ne justifiait d'aucun document d'identité, n'établissait pas la réalité de la situation familiale dont il se prévalait. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté.
32. En cinquième lieu, et pour les motifs exposés aux points 12 et 23, le préfet de police, en prononçant à son encontre une interdiction de retour du territoire français pour une durée d'un an, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
33. En sixième lieu, si l'intéressé soutient, sans l'assortir de précisions, que la décision prononçant une interdiction de retour à son encontre pour une durée d'un an aura de graves répercussions tant matérielles que psychologiques pour ses enfants dès lors qu'ils résident en France depuis cinq années, ainsi qu'il a été dit au point 14, il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants de M. E..., scolarisés en moyenne et grande section, seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité hors de France alors même qu'il est constant que la décision contestée n'implique pas la séparation de la cellule familiale.
34. En septième lieu, la seule circonstance que M. E... justifierait d'une ancienneté de douze années sur le territoire français ne saurait à elle seule constituer par la même une circonstance humanitaire au sens des dispositions précitées de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en prononçant à son encontre une interdiction de retour du territoire français pour une durée d'un an aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
35. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. C..., président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2020.
La présidente de la 8ème Chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02205