Par une décision n° 428982 du 27 décembre 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour la CPAM de Paris, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 22 janvier 2019 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 juillet et 13 novembre 2017 sous le n° 17PA02259, puis après renvoi par le Conseil d'Etat sous le n° 19PA04275, un mémoire enregistré le 17 février 2020, la CPAM de Paris, représentée par la SCP Gatineau-Fattacini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1500753/6-3 du 22 mai 2017 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 4 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement contesté est irrégulier en ce qu'il n'est pas signé ;
- il est également insuffisamment motivé en ce que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que l'interprétation du docteur B... selon laquelle l'absence d'accord de la commission paritaire nationale équivaut à un avis rejetant toute forme de sanction et contraignant le directeur de la CPAM à devoir s'abstenir de sanctionner le médecin poursuivi, est contraire à l'intérêt général ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'appréciation des faits en ce qu'il a méconnu les dispositions de l'article 3.4 de l'annexe XXII telles que modifiées par l'avenant n°8 de la convention nationale des médecins approuvé par arrêté du 29 novembre 2012 dès lors qu'une absence d'accord au sein de la commission paritaire nationale ne peut être assimilé à un rejet de toute sanction au motif qu'aucune sanction n'aurait été formellement envisagée ;
- les arguments d'appel de M. B... ne sont pas fondés dès lors que la décision du
19 décembre 2014 par laquelle le directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris a suspendu son droit de pratiquer des honoraires différents pour une durée de deux mois à compter du 1er février 2015 n'est entachée d'aucun vice de procédure ni d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2017 sous le n° 17PA02259, puis après renvoi par le Conseil d'Etat sous le n° 19PA04275, un mémoire enregistré le 21 février 2020, M. B..., représenté par Me C..., conclut à la confirmation du jugement n°1500753/6-3 du 22 mai 2017 du tribunal administratif de Paris ayant annulé la décision du 19 décembre 2014 par laquelle le directeur général de la CPAM de Paris a suspendu son droit de pratiquer des honoraires différents pour une durée de deux mois à compter du 1er février 2015, au rejet de la requête d'appel de la CPAM de Paris et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la CPAM de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure en ce que la rédaction du courrier d'avertissement du 26 juin 2013 l'a induit en erreur sur le délai dont il disposait pour modifier sa pratique tarifaire ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où la convocation pour son audition par la commission paritaire régionale le 13 mai 2014 n'a pas permis un exercice utile de ses droits à la défense et n'a pas respecté les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où la commission paritaire régionale et la commission paritaire nationale ont été réunies en formation plénière alors qu'elles auraient dû être réunies en " formation médecins " en vertu de l'article 3 de l'annexe XXI à la convention nationale du 26 juillet 2011 ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où le directeur général de la CPAM ne pouvait prendre la décision de sanction attaquée en l'absence d'accord de la commission paritaire régionale puis de la commission paritaire nationale, dès lors qu'en vertu de l'article 3.4 de l'annexe XXII de la convention nationale, sa décision ne peut excéder les sanctions envisagées par la commission paritaire ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où son auteur a siégé au sein de la commission paritaire régionale en méconnaissance des droits de la défense et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où le directeur général de la CPAM n'a pris en compte, pour apprécier le caractère éventuellement excessif, au sens de l'article 75 de la convention nationale, de sa pratique tarifaire, que son activité exercée à titre libéral, sans tenir compte de son activité exercée en hôpital public ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où le directeur général de la CPAM, pour apprécier le caractère éventuellement excessif de sa pratique tarifaire, au sens de l'article 75 de la convention nationale, a comparé sa situation à l'ensemble des chirurgiens généraux alors qu'il exerce la spécialité de chirurgien orthopédiste pédiatre, et que, par ailleurs, les périodes comparées ne permettent pas d'établir qu'il n'a pas modifié sa pratique tarifaire à la suite de l'avertissement du 26 juin 2013 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où elle n'a pas tenu compte, au-delà d'un visa purement formel, des critères, non strictement comptables, devant également être pris en compte en vertu de l'article 75 de la convention nationale, et notamment le lieu d'implantation de son cabinet et son niveau d'expertise et de compétence ;
- elle va à l'encontre du régime historique de la sécurité sociale et de toutes les tentatives actuelles visant à sauvegarder le système d'accessibilité des soins à la française.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 22 septembre 2011 portant approbation de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes ;
- l'arrêté du 29 novembre 2012 portant approbation de l'avenant n° 8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie signée le 26 juillet 2011 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de Me Gatineau, avocat de la CPAM de Paris,
- et les observations de Me C..., avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., chirurgien orthopédiste pédiatrique, exerce son activité à mi-temps à l'hôpital public (Robert Debré) et en libéral dans un cabinet du 16ème arrondissement de Paris, exercice pour lequel il relève du secteur 2 dit " à honoraires libres ". Par un courrier du 26 juin 2013, le directeur général de la CPAM de Paris a attiré son attention sur le fait qu'une analyse de sa pratique tarifaire faisait apparaître un taux de dépassement moyen de 315 % sur la période du
11 mars au 30 avril 2013, confirmant une tendance observée sur l'année 2012, où son taux de dépassement était de 351 %, et l'a averti qu'en l'absence de modification de sa pratique tarifaire à l'issue d'un délai de deux mois, il envisagerait de poursuivre la procédure prévue à l'annexe XXII de la convention nationale en lui adressant un relevé de constatations qui engagerait une procédure contradictoire au terme de laquelle il pourrait être amené à transmettre son dossier à la commission paritaire régionale des médecins pour recueillir son avis. Par un courrier du 20 décembre 2013, il lui a adressé un relevé de constatations faisant apparaître un taux de dépassement moyen de 385 % du 1er juillet au 31 août 2013 qui l'invitait à présenter ses éventuelles observations dans un délai d'un mois, l'informait de la possibilité de solliciter dans ce même délai un entretien au cours duquel il pourrait se faire assister par un avocat ou un confrère de son choix, lui précisait qu'au terme de cette procédure contradictoire ou à l'expiration de ce délai d'un mois, son dossier pourrait être transmis à la commission paritaire régionale des médecins, et lui précisait que la CPR serait susceptible d'envisager, si elle considérait que sa pratique tarifaire était excessive, les sanctions de suspension du droit permanent à dépassement ou du droit de pratiquer des honoraires différents, ou encore celle de suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre de la convention. Par une décision du
19 décembre 2014, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris a prononcé à l'égard de l'intéressé, la sanction de suspension du droit de pratiquer des honoraires différents pour une durée de deux mois à compter du 1er février 2015 après que la commission paritaire régionale (CPR) et la commission paritaire nationale (CPN) ont successivement échoué à départager les voix des membres les composant respectivement quant aux suites à donner à sa pratique. La CPAM de Paris a relevé appel du jugement du 22 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris, sur demande de M. B..., a annulé la décision du 19 décembre 2014. Par un arrêt n°17PA02259 du 22 janvier 2019, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la CPAM de Paris contre ce jugement. Par une décision n°428982 du 27 décembre 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 22 janvier 2019 et a renvoyé l'affaire devant la Cour.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En vertu de l'article 3.1 de l'annexe XXII de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, issu de l'article 11 de l'avenant n° 8 à cette convention approuvé par arrêté du 29 novembre 2012, la caisse primaire d'assurance maladie qui constate, de la part d'un médecin exerçant en secteur à honoraires différents ou titulaire d'un droit à dépassement permanent, une pratique tarifaire excessive selon les critères définis à l'article 75 de la convention, ultérieurement repris à l'article 85 de la convention du 25 août 2016 approuvée par arrêté du 20 octobre 2016, lui adresse un avertissement, à compter duquel ce médecin dispose d'un délai de deux mois pour modifier sa pratique. L'article 3.2 de cette annexe prévoit que s'il est constaté, à l'issue de ce délai, que le médecin n'a pas modifié sa pratique tarifaire, la caisse primaire de rattachement communique le relevé des constatations à ce praticien, qui dispose d'un délai d'un mois " pour présenter ses observations écrites éventuelles (...) et/ ou être entendu à sa demande par le directeur de la caisse ou son représentant ". Aux termes de l'article 3.3 de la même annexe : " Lorsque les faits reprochés justifient la poursuite de la procédure, la caisse saisit le président de la [commission paritaire régionale]. La CPR dispose d'un délai maximal de deux mois calendaires à compter de cette saisine pour notifier son avis, motivé par l'analyse des éléments cités à l'article 75 de la convention ainsi que par le non-respect éventuel des dispositions législatives et réglementaires, au médecin en cause et au directeur de la CPAM qui l'a saisie. A l'issue de ce délai de deux mois, l'avis de la CPR est réputé rendu. (...) ". Enfin, aux termes de son article 3.4 : " (...) Une fois l'avis de la CPR rendu tendant à l'absence de prononcé d'une sanction à l'encontre du médecin ou en cas d'absence d'accord de la CPR acté dans le procès-verbal conformément à l'article 2 de l'annexe XXI, le directeur de la CPAM peut saisir le président de la [commission paritaire nationale] dans un délai d'un mois suivant l'avis de la CPR (...) La CPN dispose d'un délai maximal de deux mois calendaires à compter de la réception de l'avis du président du [conseil national de l'ordre des médecins] ou à l'expiration du délai imparti à ce dernier pour notifier son avis (...) au directeur de la CPAM et au médecin. A l'issue de ce délai de deux mois, ou en l'absence d'accord, l'avis de la CPN est réputé rendu. (...) La CPN émet en séance un avis sur la décision à prendre. L'avis émis sur la pratique tarifaire excessive des médecins à honoraires différents ou titulaires d'un droit à dépassement permanent est motivé par l'analyse des éléments cités à l'article 75 de la convention ainsi que par le non-respect éventuel des dispositions législatives et réglementaires. / Le directeur de la CPAM prend une décision qui, lorsque l'avis de la CPN lui est transmis, ne peut excéder les sanctions envisagées par celle-ci. (...) ".
3. Il résulte des dispositions citées au point 2, tout particulièrement de l'article 3.4 de l'annexe XXII de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, que, lorsque les membres de la CPR, saisie par la caisse primaire d'assurance maladie de rattachement du médecin mis en cause pour ses pratiques tarifaires, n'ont pu se prononcer sur une sanction ou ont estimé qu'aucune sanction ne se justifiait, il appartient au directeur de la caisse primaire, s'il entend poursuivre la procédure conventionnelle, de saisir la CPN. Lorsqu'aucune majorité ne s'est dégagée au sein de cette dernière, de même d'ailleurs que lorsqu'elle ne s'est pas réunie dans le délai de deux mois fixé par ces dispositions, son avis est réputé rendu mais ne saurait être regardé comme un avis émis en séance et, à ce titre, contraindre le pouvoir de sanction du directeur de la caisse primaire quant au plafond des sanctions susceptibles d'être décidées. Ainsi quand bien même l'avis que la CPN est réputée avoir rendu en application de l'article 3.4 précité de la convention nationale n'a pas permis de dégager une majorité en son sein au sujet tant de la réalité du manquement que de la sanction susceptible d'être infligée à M. B..., il ne fait pas obstacle, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, à ce que le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie prononce quelque sanction que ce soit à son encontre. La CPAM de Paris est donc fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé, au motif que l'absence de majorité dégagée dans l'avis rendu par la commission paritaire nationale s'opposait à ce que le directeur général de la CPAM de Paris puisse légalement prendre une sanction, la décision du 19 décembre 2014 par laquelle il a suspendu le droit de M. B... de pratiquer des honoraires différents pour une durée de deux mois à compter du 1er février 2015.
4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris et devant la Cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... :
5. En premier lieu, M. B... soutient que la décision du 19 décembre 2014 du directeur général de la CPAM de Paris est entachée d'un premier vice de procédure en ce que la rédaction du courrier d'avertissement du 26 juin 2013 l'a induit en erreur sur le délai dont il disposait pour modifier sa pratique tarifaire. Il ressort toutefois des termes de ce courrier qu'il fait clairement la distinction entre le délai de deux mois accordé au médecin pour changer sa pratique tarifaire avant que soit envisagée la poursuite de la procédure de sanction et le délai de " validité " de trois ans de cet avertissement durant lequel il est possible de déclencher la procédure de sanction, sans nouvel avertissement préalable. Le moyen doit donc être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, M. B... soutient que la décision attaquée est entachée d'un deuxième vice de procédure en ce que la convocation pour son audition par la commission paritaire régionale qui s'est déroulée le 13 mai 2014 n'a pas permis un exercice utile de ses droits à la défense et n'a pas respecté les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, en tout état de cause, d'une part, il ressort des pièces du dossier qu'il s'agissait d'une réunion informelle avec les représentants des syndicats de médecins et de la CPAM de Paris sans proposition de décision pour avis et qui a eu lieu en amont de la réunion de la CPR du 26 juin 2014 au cours de laquelle cette fois la proposition de sanction a été soumise pour avis et qui a bien été précédée des informations utiles pour permettre le respect des droits de la défense. D'autre part dès lors que la décision litigieuse n'a pas été prise au terme d'une procédure ayant un caractère juridictionnel, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention précitée.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'annexe XXI " règlement intérieur type des commissions paritaires " de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie précitée prévoit que " La commission peut se réunir en " formation médecins ", c'est à dire en sous-commission paritaire composée des membres de la section professionnelle et des médecins conseils des caisses d'assurance maladie membres de la section sociale, notamment lorsqu'il s'avère nécessaire d'entendre un médecin sur sa pratique ou d'examiner des documents comportant des informations à caractère médical concernant des assurés ".
8. Il ressort de la rédaction même de cet article que le recours à cette formation est, d'une part, facultatif et, d'autre part, qu'elle n'est consultée que si la formation plénière considère qu'il est nécessaire de recueillir auprès du praticien concerné des éléments d'information relatifs à sa pratique médicale ou d'examiner des documents à caractère médical. Or, en tout état de cause, les commissions paritaires n'ont pas eu à se prononcer sur la pratique médicale en tant que telle du docteur B... mais sur la tarification de sa pratique. Par suite, tant la commission paritaire régionale que la commission paritaire nationale n'avaient, ainsi, pas à se réunir en " formation médecins ". Le moyen selon lequel la décision attaquée serait entachée d'un vice de procédure doit donc être écarté.
9. En quatrième lieu, M. B... critique la présence du directeur de la CPAM lors de la séance de la commission paritaire régionale du 26 juin 2014, formation collégiale dans laquelle ce dernier disposait d'une voix délibérative et au cours de laquelle a été soumise pour avis la proposition de sanction. Cependant, d'une part, il ressort des pièces du dossier que la commission paritaire régionale réunie le 26 juin 2014 a acté une absence d'accord sur la question de savoir si la pratique tarifaire de M. B... présentait un caractère excessif, puis que la commission paritaire nationale réunie le 15 octobre 2014 a elle aussi acté une absence d'accord sur la question alors même qu'elle avait recueilli auparavant l'avis du conseil national de l'Ordre des médecins en date du
24 juillet 2014. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le principe du respect des droits de la défense aurait été méconnu au seul motif de la participation du directeur de la CPAM commission paritaire régionale du 26 juin 2014. D'autre part, les décisions prises par le directeur de la CPAM, autorité administrative, en cas de manquement par les médecins libéraux aux règles établies par la convention nationale organisant leurs rapports avec l'assurance maladie, n'ont pas de caractère juridictionnel. Par suite, le moyen tiré de la procédure d'adoption de ces décisions ne présenterait pas les garanties prévues par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale est inopérant.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 75 de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, alors en vigueur : " (...) L'appréciation du caractère excessif de la pratique tarifaire s'effectue au regard de tout ou partie des critères suivants : - le rapport entre la somme des honoraires facturés aux assurés sociaux au-delà du tarif opposable et la somme des tarifs opposables des soins délivrés par le médecin (taux de dépassement) ; - le taux de croissance annuel du rapport ci-dessus ; - la fréquence des actes avec dépassements et la variabilité des honoraires pratiqués ; - le dépassement moyen annuel par patient. L'appréciation tient compte de la fréquence des actes par patient, du volume global de l'activité du professionnel de santé ainsi que du lieu d'implantation du cabinet et de la spécialité. Elle tient également compte des niveaux d'expertise et de compétence. (...) ". Aux termes de l'article 76 de cette même convention : " Les sanctions susceptibles d'être prononcées à l'encontre d'un médecin sont les suivantes : (...) - suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre de la convention avec ou sans sursis. Cette suspension peut être temporaire ou prononcée pour la durée d'application de la présente convention (jusqu'à la date de renouvellement de la convention), selon l'importance des griefs. La mise hors champ de la convention de trois mois ou plus entraîne la suppression de la participation des caisses aux avantages sociaux pour une durée égale. (...) ". Aux termes du préambule de l'avenant n° 8 à cette convention : " (...) si l'accès aux soins est aujourd'hui facilité du point de vue financier par l'existence de tarifs opposables, la progression constatée, depuis de nombreuses années, des dépassements d'honoraires de certains praticiens exerçant en secteur 2 conduit à une augmentation du reste à charge et, en conséquence, pose le problème de l'accès aux soins. (...) Dans le cadre d'une démarche visant à la disparition rapide des pratiques tarifaires excessives, les commissions paritaires régionales auront à leur disposition un ensemble de critères de sélection au sein desquels le taux de dépassement à 150 % du tarif opposable pourra servir de repère. Ce taux pourra faire l'objet d'adaptations dans certaines zones géographiques limitées et aura vocation à se modérer en cours de convention. (...) ".
11. La convention dont sont issues les stipulations précitées de l'article 75 concerne les médecins exerçant à titre libéral inscrits au tableau de l'Ordre national et qui ont fait le choix d'exercer sous le régime conventionnel, pour les soins dispensés sur leur lieu d'exercice professionnel ou au domicile du patient. Compte tenu notamment du libellé de cette convention, qui concerne les médecins libéraux, et de son champ d'application, les critères de l'appréciation du caractère excessif de la pratique tarifaire ne peuvent être regardés comme prévoyant la prise en compte de l'activité qui peut être exercée par le médecin par ailleurs en hôpital public. Il s'en suit que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de droit en ce que le directeur général de la CPAM a uniquement pris en compte, pour apprécier le caractère éventuellement excessif, au sens de l'article 75 de la convention nationale, de sa pratique tarifaire, son activité exercée à titre libéral sans tenir compte des tarifs pratiqués dans le cadre de son activité exercée en hôpital public.
12. En sixième lieu, M. B... soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit en ce que le directeur général de la CPAM, pour apprécier le caractère éventuellement excessif de sa pratique tarifaire, au sens de l'article 75 de la convention nationale, a comparé sa situation à l'ensemble des chirurgiens généraux alors qu'il exerce la spécialité de chirurgien orthopédiste pédiatre, et que, par ailleurs, les périodes comparées ne permettent pas d'établir qu'il n'a pas modifié sa pratique tarifaire à la suite de l'avertissement du 26 juin 2013. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier, d'une part, que M. B... s'est lui-même déclaré à l'assurance maladie comme appartenant à la catégorie des chirurgiens généraux compte tenu de la polyvalence de sa pratique et que la spécialité chirurgien orthopédiste pédiatre ne fait pas partie des spécialités répertoriées reconnues en France. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, lors de l'entretien du 10 septembre 2013, la pratique tarifaire de M. B... a été comparée à celle des médecins de secteur 2 parisiens spécialisés en chirurgie orthopédique et traumatologique et qu'il est apparu que la comparaison tarifaire par rapport aux chirurgiens généraux était plus favorable au requérant. D'autre part, le délai d'observation de 2 mois à compter de la réception de la lettre d'avertissement du 26 juin 2013, qui est imposé par les dispositions précitées de l'article 3.1 de l'annexe XXII de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, couvrait donc la période du 1er juillet 2013 au 31 août 2013. Si M. B... fait valoir qu'au cours de cette période, il n'a pu effectuer que 128 actes ce qui n'est pas représentatif compte tenu des vacances scolaires alors qu'il ne travaille qu'avec des enfants et des adolescents, il ressort des pièces du dossier que le taux de dépassement au cours de cette période, à savoir 385 %, était même supérieur au taux de dépassement moyen de 315 % constaté du 11 mars au 30 avril 2013 pour
72 actes réalisés soit moins d'actes effectués que pendant la période d'observation estivale qui succédait à l'avertissement précité et au cours de laquelle était appréciée son éventuelle modification de pratique tarifaire ou sur l'année 2012 qui correspondait à un taux de 351 % pour 1 931 actes réalisés. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. B..., c'est à bon droit que la CPAM de Paris a pu considérer que cette période d'observation permettait d'établir l'absence de modification de sa situation tarifaire par rapport aux périodes antérieures. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit, pour les motifs ci-dessus analysés, de la décision attaquée, doit être écarté.
13. En septième lieu, il ressort des pièces du dossier que le taux de dépassement moyen des chirurgiens généraux parisiens a été, pour l'année 2012 de 207 %, à comparer à un taux de 315 % pour M. B..., puis pour la période allant du 11 mars 2013 au 30 avril 2014, de 178 %, à comparer au taux de dépassement de 355 % pour M. B... et, pour la période allant du 1er juillet 2013 au 31 aout 2013, de 170 %, à comparer à 385 % pour M. B.... Ce dernier soutient que pour prendre la décision contestée, le directeur général de la CPAM de Paris n'a pas tenu compte, au-delà d'un visa purement formel, des critères, non strictement comptables, de l'article 75 précité de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, notamment du lieu d'implantation de son cabinet et de son niveau d'expertise et de compétence. Cependant, d'une part, il ressort des termes de la décision du 19 décembre 2014 que le directeur général de la CPAM de Paris a tenu compte de ces éléments. D'autre part, les témoignages produits par M. B..., s'ils soulignent son engagement dans le service public hospitalier, ses compétences et de ses qualités humaines, ne suffisent pas à établir que la CPAM de Paris aurait fait une inexacte application des stipulations précitées des articles 75 et 76 de la convention nationale, en édictant à son encontre la sanction de suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie pour une durée de deux mois, au motif du caractère excessif de sa pratique tarifaire et du maintien de cette pratique malgré l'ampleur des dépassements constatés et l'avertissement qui lui avait été adressé.
14. En dernier lieu, si M. B... soutient que la sanction qui lui a été infligée irait à l'encontre du régime historique de la sécurité sociale et des tentatives visant à sauvegarder le système d'accessibilité des soins à la française, il n'apporte à l'appui de cette allégation aucune argumentation étayée en droit ni aucun élément probant de nature à établir qu'elle serait entachée d'illégalité.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la CPAM de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du
19 décembre 2014 par laquelle le directeur général de la CPAM de Paris a suspendu le droit de M. B... de pratiquer des honoraires différents pour une durée de deux mois à compter du
1er février 2015.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la CPAM de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à M. B... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros à verser à la CPAM de Paris au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1500753/6-3 du 22 mai 2017 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées.
Article 3 : M. B... versera une somme de 2 000 euros à la CPAM de Paris en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. B... présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA04275