Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2020, deux mémoires en réplique, enregistrés le 24 novembre 2020 et le 25 novembre 2020, et un mémoire de production de pièce, enregistré le
25 novembre 2020, Mme B... I..., M. H... I..., M. K... I..., Mme F... I... et Mme E... I..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1711892/6-1 du 29 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité des conclusions indemnitaires de Mme C... ;
2°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser :
- 200 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice moral de Mme C...,
- 10 000 euros au titre du préjudice de perte de chance et d'erreur de diagnostic,
- 10 000 euros au titre du préjudice de défaut d'information et d'impréparation,
- 10 000 euros au titre de la négligence médicale,
- 10 000 euros au titre de la diffamation,
- 5 000 euros au titre de la perte de confiance,
- 3 000 euros au titre des souffrances physiques endurées,
- 3 000 euros au titre du préjudice esthétique,
- 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément portant sur l'état général de Mme C...,
- 20 000 euros au titre du préjudice par ricochet sur les enfants de Mme C...,
- 10 000 euros au titre de l'infection nosocomiale contractée.
Ces sommes devant porter intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2017 ;
4°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris le versement de la somme de 3 000 euros à Me A..., avocate de Mme C... et de ses ayants droits, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'État sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 11 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'erreur médicale commise lors de l'intervention chirurgicale du 5 octobre 2016 à l'hôpital Saint-Louis, au cours de laquelle, du fait d'un diagnostic insuffisant, il n'a été procédé qu'à l'exérèse des ganglions, alors qu'une autre option thérapeutique était envisageable, qui a au demeurant été réalisée à l'hôpital Cochin où une néphrectomie élargie a été pratiquée le 5 janvier 2017, est à l'origine d'une perte de chance pour Mme C... ; c'est à tort que le jugement attaqué a limité à 5 % la fraction de cette perte de chance d'obtenir une amélioration de l'état de santé ou d'échapper à son aggravation, eu égard au caractère particulièrement virulent du cancer dont
Mme C... était atteinte et à son développement, déjà avancé, dès octobre 2016 ; cette fraction doit être portée à 30 % et, sur la base de cette fraction, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris doit être condamnée à ce titre à verser la somme de 10 000 euros aux ayants-droits de Mme C... ;
- d'une part, l'information donnée à sa patiente par le praticien de l'hôpital Saint-Louis, qui aurait dû, à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 5 octobre 2016, l'informer des risques d'une ablation ganglionnaire, qui s'est avérée insuffisante, était ainsi incomplète et erronée ; d'autre part, l'attitude attentiste de ce praticien, relevée par l'expert médical, était de nature à angoisser une patiente fragile ; enfin, ce praticien a méconnu les dispositions de l'article R. 4127-35 du code de la santé publique en ne lui dévoilant aucune information loyale, claire et appropriée sur son état et sur les investigations et les soins possibles ; par suite, la somme de 6 000 euros que le jugement attaqué a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser au titre de ce préjudice de défaut d'information et d'impréparation doit être portée à 10 000 euros ;
- Mme C..., qui n'a pas reçu de soins adaptés pendant trois mois et, en outre, a cru être guérie, a fait l'objet d'une négligence médicale ; en outre, l'hôpital Saint-Louis a refusé de la reprendre en charge lorsque l'hôpital de Jossigny lui en a fait la demande ; l'Assistance publique - hôpitaux de Paris doit être condamnée à verser à ce titre une somme de 10 000 euros ;
- les médecins de l'hôpital Saint-Louis ont commis une faute en ne prenant pas en considération la douleur dont faisait état Mme C..., en méconnaissance des dispositions des articles L. 1110-5 et R. 4127-37 du code de la santé publique et 37 du code de déontologie médicale ;
- c'est à tort que le jugement attaqué n'a pas retenu le préjudice subi par Mme C... du fait de la diffamation commise à son encontre par les médecins de l'hôpital Saint-Louis, qui ont prétendu qu'elle était victime d'une addiction aux antalgiques ; l'Assistance publique - hôpitaux de Paris doit être condamnée à verser à ce titre une somme de 10 000 euros ;
- la faute commise par le praticien de l'hôpital Saint-Louis, qui a informé, de manière erronée, Mme C... de sa guérison, est de nature à faire naître un préjudice moral pour la patiente consistant en une perte de confiance ; l'Assistance publique - hôpitaux de Paris doit être condamnée à verser à ce titre une somme de 5 000 euros ;
- Mme C... a souffert d'une hernie de la paroi abdominale latérale, due à l'intervention chirurgicale réalisée le 5 octobre 2016 ;
- Mme C... a été victime d'une infection nosocomiale à la suite de l'opération du 5 janvier 2017, ce qui a retardé la prise en charge de son cancer et lui a occasionné de nouvelles douleurs ; l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, qui doit être regardée comme responsable en application de l'article L. 1142-1 du code de santé publique, doit être condamnée à verser à ce titre une somme de 10 000 euros ;
- Mme C... a subi un préjudice d'agrément ;
- les enfants de Mme C... ont subi un préjudice par ricochet ; d'une part, Mlle E... I..., fille de Mme C..., a échoué à son concours de médecine et ses études ultérieures de pharmacie ont été perturbées ; d'autre part, Mlle B... I..., fille de Mme C..., a dû s'occuper de ses plus jeunes frères avec Mlle E... I..., leur père les ayant abandonnés au lendemain du décès de Mme C..., son ex-compagne, et a dû abandonner sa préparation du concours d'entrée à l'école nationale de la magistrature.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 novembre 2020 et le 26 novembre 2020, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, représentée par Me J..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ; à cette fin, elle soutient que les moyens soulevés par les consorts I... ne sont pas fondés ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement n° 1711892/6-1 du 29 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris en tant que ce jugement a retenu l'existence de fautes médicales à l'origine d'une perte de chance d'obtenir l'amélioration ou d'éviter l'aggravation de l'état de santé de Mme C... ; à cette fin, elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la responsabilité du service public hospitalier était engagée du fait de fautes médicales, alors que, en premier lieu, il n'a pas été décidé, lors de la réunion de concertation pluridisciplinaire du 5 octobre 2016, de ne pas pratiquer la néphrectomie élargie envisagée lors de la précédente réunion, mais de la subordonner à la constatation opératoire d'une absence de clivage entre les masses ganglionnaires et le rein, cette réunion du 5 octobre 2016 n'étant ainsi pas constitutive d'une faute médicale, en deuxième lieu, la décision de surveillance rapprochée prise à la suite de la réunion de concertation pluridisciplinaire du 23 novembre 2016 ne peut pas être regardée comme constitutive d'une faute médicale, en troisième lieu, la décision du 1er décembre 2016 de laisser sortir Mme C... en dépit des images du scanner réalisé ce jour-là à l'hôpital Saint-Louis n'est pas constitutive d'une faute médicale dès lors que ce scanner, transmis au service d'onco-urologie de l'hôpital, a été relu par les urologues qui ont présenté le dossier de la patiente à la réunion de concertation pluridisciplinaire du 7 décembre 2016, soit à peine six jours plus tard, et qu'à la suite de cette réunion il a été décidé qu'une néphrectomie élargie du rein gauche s'imposait, intervention qui avait été programmée pour le 19 décembre suivant ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'une perte de chance alors qu'aucune pièce du dossier ne permet de retenir que la circonstance que la néphrectomie élargie n'a été réalisée que quelques semaines après la date à laquelle elle aurait éventuellement pu l'être aurait été à l'origine d'une quelconque perte de chance d'obtenir l'amélioration de l'état de santé de la patiente ou d'éviter sa dégradation ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener le montant des demandes à de plus justes proportions.
Par une décision du 15 octobre 2020, le président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B... I....
Par un acte enregistré le 3 mars 2020, Mme. B... I... a été désigné en tant que représentant unique des requérants par Me A... à la suite de la demande qui lui a été faite en application de la disposition de l'article R. 611-2 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code pénal ;
- la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que
Mme G... C..., à la suite de douleurs abdominales, a consulté le 12 mai 2016 à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière où un scanner a été effectué, qui a découvert de nombreux ganglions abdominaux. Sur l'indication de son médecin généraliste, eu égard à la suspicion d'un éventuel lymphome, elle a consulté le service d'hématologie de l'hôpital de Meaux, qui lui a proposé de pratiquer une laparotomie à visée biopsique. Elle a toutefois préféré s'adresser au service de chirurgie viscérale de l'hôpital Saint-Louis à Paris pour réaliser une biopsie sous coelioscopie le 8 août 2016, qui a mis en évidence un adénocarcinome bien différencié, partiellement papillaire, compatible avec une origine rénale. De ce fait, elle a alors été adressée pour avis au service d'urologie du même hôpital. Au vu des résultats d'un nouveau scanner, une intervention chirurgicale a été pratiquée le 6 octobre 2016 et un curage ganglionnaire réalisé, dont l'histologie a objectivé un envahissement massif par un adénocarcinome papillaire. Mme C..., souffrant de douleurs abdominales et rénales gauches, est venue le 1er décembre 2016 au service des urgences de l'hôpital Saint-Louis, où le scanner effectué le même jour a révélé une masse tissulaire sur le rein gauche, un nodule dense du pole inférieur du rein gauche, pouvant évoquer un kyste à contenu épais, sans saignement actif ni plaie urinaire ; Mme C... n'a toutefois pas été hospitalisée et est retournée à son domicile après que des antalgiques lui ont été prescrits. A la suite de douleurs persistantes, Mme C... a consulté à l'hôpital de Jossigny, où l'urgentiste, après avoir réalisé un scanner, a tenté de joindre le service d'urologie de l'hôpital Saint-Louis pour que Mme C... y soit de nouveau hospitalisée, ce qui a été refusé au motif allégué de la consommation d'antalgiques majeurs. Mme C... a ensuite consulté le service d'urologie de l'hôpital Cochin à Paris, où une néphrectomie élargie gauche avec curage a été réalisée avec succès le 5 janvier 2017. L'histologie a confirmé l'origine rénale du cancer dont elle était atteinte et a révélé un carcinome papillaire de type 2, une tumeur de 2,8 cm x 2 cm, une extension à la veine rénale, des emboles vasculaires et lymphatiques tumoraux et la présence d'un contingent sarcomatoïde de plus de 30 % avec nécrose tumorale et localisation multi-focale. Les suites de l'intervention ont été marquées par un épanchement pleural quelques jours après la sortie qui a nécessité un drainage thoracique gauche puis un séjour en pneumologie du 27 janvier 2017 au 14 février 2017. Après une réunion de concertation pluridisciplinaire onco-palliative le 10 mars 2017, une chimiothérapie a été mise en place à compter du 20 mars 2017 par les médecins oncologues de Cochin puis, eu égard à l'évolution défavorable, une chimiothérapie de deuxième intention a été entreprise par l'équipe de l'Institut Gustave Roussy.
2. Le 3 juillet 2017, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris a rejeté la demande préalable d'indemnisation présentée par Mme C.... Par un jugement avant-dire-droit du 22 juin 2018, le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme C... dirigées contre l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, a ordonné une expertise médicale. L'expert urologue nommé a rédigé son rapport le 26 avril 2019, qui a été enregistré au greffe du tribunal administratif de Paris le 3 mai 2019. Mme C... est décédée le 1er novembre 2019. Par le jugement du 29 novembre 2019 dont la réformation est demandée, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme C... une somme de 12 000 euros (soit 5 000 euros et 100 euros au titre des souffrances physiques et psychiques, 900 euros au titre du préjudice esthétique et 6 000 euros au titre de la souffrance morale que Mme C... a endurée lorsqu'elle a découvert tardivement et brutalement la gravité de son état de santé sans y avoir été préparée), avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2017 et capitalisation des intérêts échus, a mis à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 500 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme C....
Sur la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris :
- En ce qui concerne les fautes médicales alléguées :
3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ".
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que si, lors d'une réunion de concertation pluridisciplinaire tenue le 24 août 2016 au sein du service d'urologie de l'hôpital Saint-Louis à Paris, eu égard au constat de l'existence d'une tumeur du pole inférieur du rein gauche avec ganglions latéraux aortiques, l'indication d'une néphrectomie élargie par voie sous costale avec curage ganglionnaire avait été posée, une nouvelle réunion de concertation pluridisciplinaire tenue la veille de l'intervention chirurgicale projetée, le 5 octobre 2016, en présence de radiothérapeutes et chimiothérapeutes, était revenue sur la décision initiale à la relecture du scanner eu égard à l'absence de complète certitude quant à l'origine rénale des adénopathies, et avait préconisé de ne pas effectuer d'emblée une néphrectomie si, lors de l'intervention, le rein apparaissait comme sain, une néphrectomie de nécessité, élargie, ne devant être pratiquée que si le curage nécessitait l'abord rénal. Ainsi, d'une part, dans le contexte de l'incertitude quant à l'étiologie de l'adénocarcinome qui vient d'être rappelé, l'indication conditionnée qui a été posée le 5 octobre 2016 n'a pas été médicalement erronée. D'autre part, lors de l'intervention qui a lieu le 6 octobre 2016, le chirurgien, qui n'a pas identifié de tumeur du rein, a rencontré des adhérences et a été obligé de gérer des plaies vasculaires et pancréatiques probablement survenues lors de la dissection de la veine rénale gauche et qui, de ce fait, a renoncé à pratiquer une néphrectomie élargie pour se limiter à un simple curage ganglionnaire, n'a pas méconnu les indications données lors de la réunion de concertation pluridisciplinaire du 5 octobre 2016 et n'a ainsi pas commis de faute médicale. Enfin, les plaies pancréatiques causées par le geste chirurgical ne peuvent être regardées, dans le contexte d'une intervention techniquement complexe, comme constitutives d'une faute.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que la néphrectomie élargie gauche avec curage, réalisée avec succès malgré les risques chirurgicaux le 5 janvier 2017 au sein du service d'urologie de l'hôpital Cochin à Paris, si elle a apporté une certitude diagnostique quant à l'existence d'une tumeur sarcomateuse (l'histologie a confirmé l'origine rénale du cancer et a montré une extension de la tumeur à la veine rénale, de nombreux emboles vasculaires et lymphatiques tumoraux et la présence d'un contingent sarcomatoïde de plus de 30 % avec nécrose tumorale et localisation multi-focale), n'a toutefois pas modifié le pronostic réservé concernant une telle tumeur, exceptionnelle et d'emblée très agressive. Ainsi, quand bien même l'exérèse en bloc du pédicule rénal aurait pu être réalisée dès l'intervention qui a lieu le 6 octobre 2016 à l'hôpital Saint-Louis, le pronostic n'aurait probablement pas été amélioré, selon l'expert médical, qui estime que dès le premier diagnostic après les biopsies sous scanner réalisées le 8 août 2016, le pronostic vital était probablement déjà défavorable. Par suite, aucun retard dans la prise en charge de Mme C... du fait de l'absence de réalisation d'une néphrectomie élargie lors de l'intervention du 6 octobre 2016 à l'hôpital Saint-Louis, qui aurait privé la patiente d'une chance d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, ne peut être imputé à une faute du service public hospitalier relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
6. En troisième lieu, postérieurement à l'intervention chirurgicale du 6 octobre 2016, une réunion de concertation pluridisciplinaire à l'hôpital Saint-Louis le 23 novembre 2016 a opté pour une surveillance active de la patiente en l'absence de certitude quant à l'origine de l'adénocarcinome, qui ne sera établie avec certitude qu'à la suite de l'intervention chirurgicale du
5 janvier 2017 et de l'examen anatomo-pathologique qui a suivi l'exérèse des tissus tumoraux.
Mme C... ressentant des douleurs abdominales et rénales gauches, un scanner a été effectué le
1er décembre 2016 à l'hôpital Saint-Louis, des antalgiques lui ont été prescrits, et une nouvelle réunion de concertation pluridisciplinaire, le 7 décembre 2016, a envisagé une nouvelle laparotomie exploratrice avec une tentative de néphrectomie élargie par voie gauche ouverte, intervention qui a été proposée le 19 décembre 2016 à Mme C.... Il suit de là que l'attitude de suivi attentiste qui a été décidée le 23 novembre 2016 par l'équipe pluridisciplinaire de l'hôpital Saint-Louis, si elle aurait dû être mieux expliquée à la patiente, ne peut toutefois être qualifiée de faute médicale en l'absence de certitude, à cette date, sur l'étiologie de l'adénocarcinome. Au surplus, à supposer même que l'équipe médicale ait alors décider de s'orienter vers une action oncologique plus incisive, une nouvelle tentative de néphrectomie élargie, comme il a été dit, n'aurait en tout état de cause pas amélioré le pronostic vital de Mme C..., et il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que la radiothérapie et la chimiothérapie sont de peu d'effet sur les cancers du rein.
7. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que Mme C... a consulté le 2 décembre 2016 à l'hôpital de Jossigny, où l'urgentiste a contacté le service d'urologie de l'hôpital Saint-Louis pour que Mme C... y soit hospitalisée. La circonstance que ce service a refusé de prendre en charge la patiente, alors qu'elle venait de sortir la veille du service des urgences de cet hôpital où un scanner abdomino-pelvien avait été pratiqué, qui n'avait pas révélé, à la première lecture effectuée au service des urgences, d'abcès, d'hématome, de collection et de calcul (le syndrome inflammatoire apparaissant comme modéré pour le praticien urgentiste), ne peut être qualifiée, au surplus dans un contexte de suspicion de demande et de consommation d'antalgiques majeurs par la patiente, de faute médicale, dès lors au demeurant, comme il a été dit, qu'une nouvelle lecture de ce scanner réalisé le 1er décembre 2016, au terme d'une nouvelle réunion de concertation pluridisciplinaire onco-urologique tenue à l'hôpital Saint-Louis le 7 décembre 2016, a conduit à ce que soit proposée à Mme C... la réalisation d'une biopsie rénale avec une néphrectomie élargie gauche.
8. En cinquième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise médicale, que la hernie de la paroi abdominale qui serait due à l'intervention réalisée le 6 octobre 2016 résulterait d'une maladresse fautive du chirurgien.
9. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'a retenu le jugement attaqué, aucune faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris n'a été commise lors de la prise en charge de Mme C.... En outre, aucun manquement dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier ne peut être relevé à l'encontre de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
10. Toutefois, il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise médicale, que la prise en charge des douleurs abdominales et rénales gauches ressenties par Mme C..., qui s'est adressée à plusieurs pharmacies, qui s'est rendue pour ce motif le 1er décembre 2016 dans le service des urgences de l'hôpital Saint Louis et qui a consulté le lendemain, toujours pour le même motif, à l'hôpital de Jossigny, a été insuffisante et tardive, les antalgiques qui lui ont été délivrés, dont certains appartenant à la classe des opioïdes prescrits qu'à la suite de sa consultation du
1er décembre 2016, s'étant révélés inefficaces à calmer les douleurs de la patiente. Cette prise en charge insuffisante et tardive des douleurs physiques subies par Mme C..., qui a méconnu les dispositions de l'article L. 1110-5 du code de santé publique, qui disposent que " toute personne a (...) le droit de recevoir (...) le meilleur apaisement possible de la souffrance (...) " et de l'article R. 4127-37 du même code, qui disposent qu' " en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l'assister moralement ", est de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à son endroit.
- En ce qui concerne l'infection nosocomiale alléguée :
11. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de santé publique : " I. (...) / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / (...) ".
12. Si les suites de l'intervention chirurgicale qui a été pratiquée le 5 janvier 2017 à l'hôpital Cochin ont été marquées par un épanchement pleural purulent gauche de moyenne abondance avec une infection à Citrobacter koseri sauvage, traitée avec succès par un drainage pleural, une antibiothérapie et une kinésithérapie pleurale intensive qui ont nécessité l'hospitalisation de Mme C... dans le service de pneumologie du même hôpital du 27 janvier 2017 au 14 février 2017, il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise médicale et du compte-rendu d'hospitalisation à l'hôpital Cochin, que cet épisode infectieux post-opératoire puisse être qualifié d'infection nosocomiale au sens des dispositions précitées de l'article L. 1142-1 du code de santé publique, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges.
- En ce qui concerne la diffamation alléguée :
13. A supposer même que Mme C... ait subi une diffamation de la part de l'équipe médicale de l'hôpital Saint-Louis, les conclusions tendant à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris pour cette diffamation, telle qu'elle est définie par l'article 29 de la loi susvisée du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et punie en application de l'article R. 621-1 du code pénal, ont été présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
- En ce qui concerne le défaut d'information et de communication :
14. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " I. Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) " ; aux termes de l'article L. 1111-4 du même code : " Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. / (...) " ; aux termes de l'article R. 4127-35 du même code : " Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. / Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-7, dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves, sauf dans les cas où l'affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination. / Un pronostic fatal ne doit être révélé qu'avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite. " ; aux termes de l'article R. 4127-37 du même code " I. En toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l'assister moralement. (...) ".
15. Si, comme il a été dit, aucune faute médicale n'a été commise lors de la prise en charge de Mme C... à l'hôpital Saint-Louis, il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que l'équipe du service d'urologie de l'hôpital Saint-Louis, et au premier chef le chirurgien qui l'a opérée, n'ont pas donné à Mme C... les informations, qu'elle était en droit d'attendre, relatives à son état de santé et à l'évolution possible de l'adénocarcinome dont elle était atteinte, qui obérait son espérance de vie, et lui ont même indiqué, de manière entièrement erronée, qu'elle était guérie à la suite de l'intervention du 6 octobre 2016. Les circonstances que, d'une part, l'origine primitive rénale de la tumeur et sa composante sarcomateuse n'étaient pas initialement connues et que, d'autre part, la communication avec la patiente, particulièrement anxieuse, était difficile, ne sont pas de nature à exonérer le service public hospitalier de la faute découlant de la prise en charge inadaptée de Mme C... quant à l'information donnée sur l'adénocarcinome dont elle souffrait, sur les effets escomptés des différentes modalités de l'intervention chirurgicale projetée, quand bien même elle avait été préalablement informée des aspects techniques de la néphrectomie élargie envisagée, et sur son pronostic vital qui était engagé à court terme du fait d'un cancer déjà évolué et particulièrement agressif. Ce défaut de communication et d'assistance morale est de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
16. En troisième lieu, si Mme C... a allégué avoir perdu confiance en l'équipe médicale de l'hôpital Saint-Louis, cette perte de confiance n'est pas au nombre des chefs de préjudice qui peuvent être indemnisés en tant que tels par le juge administratif dans le cadre d'une demande indemnitaire dirigée à l'encontre du service public hospitalier. Au surplus, comme il vient d'être dit, la prise en charge non médicale de Mme C... à l'hôpital Saint-Louis est constitutive d'une faute, en particulier du fait du défaut d'information et de préparation, de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
Sur l'évaluation des préjudices :
17. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que, d'une part, Mme C... a subi une souffrance morale lorsqu'elle a découvert tardivement et brutalement la réalité et la gravité de son état de santé, sans y avoir été préparée, en raison de l'information et de la communication fautives données à l'hôpital Saint-Louis et que, d'autre part, la prise en charge des douleurs qu'elle ressentait par la prescription d'antalgiques a été effectuée tardivement et de manière insuffisante, à la demande insistante de la patiente. Il sera fait une juste estimation de l'indemnité due à ce titre par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris en la condamnant à verser aux ayants-droit de Mme C... la somme de 10 000 euros, en ce inclus les intérêts au taux légal dus à compter du 13 mars 2017 échus et leur capitalisation.
18. En deuxième lieu, si les consorts requérants font valoir, uniquement dans leurs conclusions récapitulative, l'existence d'un préjudice d'agrément pour lequel ils demandent une indemnité de 10 000 euros, les premiers juges ont à bon droit écarté cette demande au motif que Mme C... ne précisait pas les activités sportives ou de loisirs dont elle aurait dû cesser la pratique en raison de son état de santé et n'en établissait donc pas l'existence.
19. En troisième lieu, la faute commise par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris tenant au défaut d'information et de communication n'ayant occasionné pour Mme C... ni préjudice esthétique, ni préjudice d'impréparation distinct de la souffrance morale indemnisée ci-dessus, le jugement attaqué doit être réformé en ce qu'il a alloué, au titre de ces préjudices, les sommes respectives de 900 euros et de 6 000 euros.
20. En quatrième lieu, si les consorts requérants soutiennent que Mlle E... I..., fille de Mme C..., a échoué à son concours de médecine et que ses études ultérieures de pharmacie auraient été perturbées du fait de la maladie de sa mère, que Mlle B... I..., fille de Mme C..., a dû abandonner sa préparation du concours d'entrée à l'école nationale de la magistrature, et que les deux soeurs aînées ont dû s'occuper de ses plus jeunes frères, leur père les ayant abandonnés au lendemain du décès de Mme C..., son ex-compagne, les fautes commises par le service public hospitalier, qui ont occasionnées des souffrances morales et physiques à Mme C..., sont toutefois sans lien direct avec les préjudices invoqués par Mlles Zahra et Hind I.... Par suite, la demande indemnitaire doit être rejetée, comme l'ont à bon droit indiqué les premiers juges.
Mlle B... I..., fille de Mme C..., a dû s'occuper de ses plus jeunes frères, leur père les ayant abandonnés au lendemain du décès de Mme C..., son ex-compagne, et a dû abandonner sa préparation du concours d'entrée à l'école nationale de la magistrature.
Sur les frais liés à l'instance :
21. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par les consorts I... doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions des consorts I... tendant à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris pour diffamation sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : La somme de 12 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2017 et capitalisation des intérêts échus, que le jugement du 29 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser aux ayants-droit de Mme C... est ramenée à la somme de 10 000 euros, en ce inclus les intérêts au taux légal dus à compter du 13 mars 2017 échus et leur capitalisation.
Article 3 : Le jugement du 29 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des consorts I... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... I... désignée comme représentante unique par l'acte du 3 mars 2020, à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- Mme Collet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2020.
La présidente de la 8ème Chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00299