Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 février 2020, un mémoire de production de pièces enregistré le 18 juin 2020, un mémoire en réplique enregistré le 16 novembre 2020 et un mémoire de production de pièces enregistré le 30 novembre 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) annuler le jugement n° 1923275/8 du 12 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 octobre 2019 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités allemandes ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en vue d'effectuer les démarches auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides dans un délai de deux semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me A... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 11 juillet 1991.
Il soutient que :
- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 6 et 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne permet pas d'identifier le critère de responsabilité dont il est fait application ;
- le préfet de police a méconnu les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que n'ayant pas été informé de sa reprise en charge par l'Allemagne, il n'a pas pu faire valoir ses observations sur les conséquences d'un transfert vers cet Etat ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen complet de sa situation dès lors qu'il n'a pas pris en compte le rejet définitif de sa demande d'asile par les autorités allemandes ainsi que les conséquences de sa décision sur son état de santé ;
- le préfet de police, qui a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle, a méconnu les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire dès lors que, d'une part, il justifiait d'une circonstance humanitaire, son état de santé faisant obstacle à son transfert en Allemagne, et d'autre part, il risque, compte tenu du rejet définitif de sa demande d'asile par les autorités allemandes, d'être renvoyé en Afghanistan où il craint pour sa vie.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une décision du 18 février 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me A..., avocat de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant afghan, a été reçu par les services de la préfecture le 11 juillet 2019 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées par les autorités hongroises le 27 août 2015 et par les autorités allemandes le 15 janvier 2016, le préfet de police a saisi ces dernières le 29 août 2019 d'une demande de reprise en charge à laquelle elles ont répondu favorablement par une décision du 3 septembre 2019. Par un arrêté du 14 octobre 2019, le préfet de police a décidé le transfert de M. C... aux autorités allemandes. M. C... relève appel du jugement du 12 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 24 février 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. Il ressort des termes du jugement attaqué que le premier juge n'a pas répondu au moyen soulevé devant lui par M. C..., qui n'était pas inopérant à l'encontre de la décision contestée, tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions des articles 3 et 18 du règlement n° 604/2013 du règlement n° 604/2013 du règlement du 26 juin 2013 en désignant l'Allemagne comme Etat responsable de sa demande d'asile.
5. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision du préfet de police prononçant son transfert aux autorités allemandes.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert :
6. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
7. La décision de transfert en litige vise, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du
28 juillet 1951, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que M. C... a demandé l'asile en France le 11 juillet 2019 et que ses empreintes, comparées aux bases de données européennes, ont révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Hongrie le 27 août 2015 et en Allemagne le 15 janvier 2016. La décision contestée mentionne également que les autorités allemandes ont été saisies le 29 août 2019 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'elles ont accepté leur responsabilité par un accord du 3 septembre 2019 en application de l'article 18-1-d de ce même règlement. Elle indique également qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. C..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et enfin, qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Si l'arrêté n'expose pas en détail les raisons pour lesquelles le préfet de police a saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge du requérant plutôt que les autorités hongroises et décidé la remise de M. C... aux autorités allemandes et non aux autorités hongroises, ou celles pour lesquelles la demande de reprise en charge a été formulée sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013, sa motivation a été suffisante pour permettre à M. C... de contester utilement, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté, le bien-fondé de l'Etat et celui du critère retenus par le préfet de police. Dans ces conditions, l'arrêté satisfait à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il permet, contrairement à ce que soutient l'intéressé, d'identifier le critère de responsabilité dont il est fait application. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation sera écarté comme manquant en fait.
8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté litigieux que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation du requérant. A cet égard, la circonstance que les autorités françaises aient demandé aux autorités allemandes la reprise en charge de M. C... sur le fondement des dispositions du b) de l'article 18 (1) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et que les autorités requises, après vérification, aient accepté cette reprise en charge sur le fondement du d), est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...). ". Aux termes de l'article 20 du même règlement : " 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible ".
10. Par ailleurs, il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre contre signature, le
10 juillet 2019 le guide du demandeur d'asile ainsi qu'un document intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et le 11 juillet 2019, jour de son entretien individuel, un document intitulé " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B). Il ressort également des pièces du dossier que ces documents, qui comportent l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, lui ont été délivrés en langue farsi. Si M. C... a déclaré comprendre uniquement le dari, il ne ressort pas des pièces du dossier, et alors que la langue farsi est une langue très proche du dari dès lors qu'elle use du même alphabet et qu'elle peut être lue par les locuteurs des deux langues, que M. C... n'aurait pas compris les informations comprises dans ces documents, l'intéressé ayant, au demeurant déclaré lors de son entretien individuel mené le 11 juillet 2019, en présence d'un interprète en langue dari, avoir compris la procédure engagée à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1./4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. /5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. " Aux termes de l'article 4 de la directive n° 32/2013 du 26 juin 2013 : " (...) / 3. Les États membres veillent à ce que le personnel de l'autorité responsable de la détermination visée au paragraphe 1 soit dûment formé. À cette fin, les États membres prévoient une formation pertinente, qui comporte les éléments énumérés à l'article 6, paragraphe 4, points a) à e), du règlement (UE) n°439/2010 (...) ".
13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié d'un entretien le 11 juillet 2019 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue dari, langue comprise par l'intéressé, et qu'il a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. En outre, l'intéressé ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien, qui a été mené par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police et qui doit être regardé comme un agent qualifié au sens du droit national, ne se serait pas déroulé dans les conditions de confidentialité prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
14. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article 4, paragraphe 3 de la directive n° 32/2013, transposées en droit interne notamment par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile que l'autorité responsable de la détermination désigne en droit français, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, en charge de l'examen des demandes d'asile, et non les services préfectoraux, en charge de la détermination de l'Etat responsable de l'examen des demandes d'asile. Par suite, le moyen sera écarté comme inopérant.
15. En cinquième lieu, M. C... soutient que le préfet de police a méconnu les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il n'a pas pu présenter d'observations concernant les conséquences de son transfert aux autorités allemandes, l'agent ayant conduit l'entretien l'ayant uniquement informé de l'intention de saisir les autorités hongroises d'une demande de reprise en charge de sa demande d'asile.
16. D'une part, il résulte des dispositions des livres V et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et particulièrement des articles L. 742-1 à L. 742-6 et R. 742-1 à R. 742-4 de ce code concernant les décisions de transfert d'un étranger aux autorités d'un Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger son éloignement du territoire français. Dès lors, les dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de transfert aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile.
17. D'autre part, si le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit, que M. C... a bénéficié le 11 juillet 2019, avec l'assistance d'un interprète en langue dari, d'un entretien individuel au cours duquel il a été informé que si une demande de reprise en charge serait formée auprès des autorités hongroises, les services de la préfecture se réservait le droit, en cas de refus de celles-ci de saisir tout autre pays susceptible d'être responsable de la demande d'asile de l'intéressé. De même, M. C..., qui a déclaré ne jamais avoir formulé aucune demande d'asile auprès d'un pays de l'Union européenne ou en Islande, en Norvège, en Suisse ou au Liechtenstein, a été mis en mesure de faire valoir tout élément de fait ou de droit relatif à sa situation personnelle et a été destinataire, ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, du guide du demandeur d'asile et des brochures " A " et " B " qui comportent l'ensemble des informations requises sur la procédure de transfert. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu ne peut qu'être écarté.
18. En sixième lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, intégré dans le chapitre II de ce règlement intitulé " Principes généraux et garanties " : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Le chapitre III de ce règlement est intitulé " Critères de détermination de l'Etat responsable ".
19. D'autre part, aux termes de l'article 18 du même règlement, intégré dans le chapitre V du règlement, intitulé " Obligations de l'Etat membre responsable " : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".
20. L'arrêté du 14 octobre 2019 du préfet de police, qui fonde la remise de M. C... aux autorités allemandes sur les dispositions de l'article 18-1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 relatives à la reprise en charge d'un demandeur d'asile par un Etat membre de l'Union Européenne, expose notamment que celui-ci a présenté une demande de protection internationale successivement en Hongrie puis en Allemagne avant de solliciter l'asile auprès des autorités nationales, et porte l'appréciation selon laquelle les critères mentionnés au chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont pas applicables à sa situation.
21. Or, selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'Etat, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013. Cet avis expose en outre qu'est suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. L'avis précise à titre d'exemple que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardé comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
22. Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt n° C-582/217 et C-583/17 du 2 avril 2019, au point 52, que les b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 ne trouvent à s'appliquer que si l'Etat membre dans lequel une demande a été antérieurement introduite a achevé la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile en admettant sa responsabilité pour examiner cette demande et en a débuté l'examen, au point 58, que la procédure de reprise en charge est régie par des dispositions présentant des différences substantielles avec celles gouvernant la procédure de prise en charge et, aux points 65 à 72, que malgré le libellé " Obligations de l'Etat membre responsable " du chapitre V, l'interprétation selon laquelle une requête aux fins de reprise en charge ne pourrait être formulée que si l'Etat membre requis peut être désigné comme l'Etat responsable en application des critères de responsabilité énoncés au chapitre III du règlement est contredite par l'économie générale de ce règlement.
23. Il ressort de ces jurisprudences que les critères du chapitre III du règlement (UE) n°604/2013 ne sont susceptibles de fonder une décision de transfert que s'il s'agit d'un transfert en vue d'une première prise en charge, et non en vue d'une reprise en charge. Il en ressort également que les dispositions de l'article 18-1, b) à d) de ce règlement doivent être regardées comme figurant au nombre des critères énumérés dans le règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement. Par suite, lorsqu'une personne a antérieurement présenté des demandes d'asile auprès d'un ou de plusieurs Etats membres, avant d'entrer sur le territoire d'un autre Etat membre pour y solliciter de nouveau l'asile dans des conditions permettant à cet Etat de demander sa reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b) , c) ou d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, sa situation ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement, qui concernent le cas dans lequel aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement.
24. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les recherches effectuées par les services du ministère de l'intérieur dans le fichier " Eurodac " à partir des relevés décadactylaires de M. C..., comme le compte-rendu de l'entretien individuel de l'intéressé, qui a alors indiqué avoir traversé le Pakistan, l'Iran, la Turquie, la Grèce, la Macédoine du Nord, la Serbie, la Hongrie, l'Autriche et l'Allemagne, ont permis d'établir qu'il avait présenté, le 2 novembre 2015, une demande d'asile aux autorités hongroises, puis, le 15 janvier 2016, une demande d'asile aux autorités allemandes, qui ont explicitement accepté, le 3 septembre 2019, de reprendre en charge
M. C... sur le fondement de l'article 18-1 d) du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, mettant ainsi fin au processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile.
25. Par suite, en vertu de la règle énoncée au point 23, la situation de M. C... ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 en application desquelles, lorsqu'aucun aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen de cette demande. Il s'ensuit que M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en désignant l'Allemagne comme Etat responsable de sa demande d'asile, le préfet de police aurait fait une application erronée des articles 3 et 18 du règlement n° 604/2013 ni que la décision prononçant son transfert aux autorités allemandes serait dépourvue de base légale.
26. En septième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9 paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. ". Aux termes de l'article 26 du même règlement : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. Si la personne concernée est représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres peuvent choisir de notifier la décision à ce conseil juridique ou à cet autre conseiller plutôt qu'à la personne concernée et, le cas échéant, de communiquer la décision à la personne concernée. / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. (...) ".
27. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a saisi le 29 août 2019 les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M. C... sur la base des résultats positifs du système Eurodac communiqués le 10 juillet 2019 et que par une réponse en date du 3 septembre 2019, les autorités allemandes ont accepté leur responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 18-1-d du règlement n° 604/2013. En outre, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a ainsi prononcé la remise de M. C... aux autorités allemandes par un arrêté en date du 14 octobre 2019, que cet arrêté lui a été notifié le jour même et qu'il comportait l'énoncé des voies et délais de recours. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet de police de justifier avoir procédé aux diligences requises par les dispositions précitées, doit être ainsi écarté.
28. En huitième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personnelle à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. ". De même, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
29. D'une part, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit, que les autorités allemandes ont accepté de reprendre en charge M. C.... Ce dernier soutient qu'il sera renvoyé en Afghanistan en cas de transfert vers l'Allemagne dès lors que les autorités de ce pays ont définitivement rejeté sa demande d'asile, qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine et que les autorités françaises octroient le bénéfice de la protection subsidiaire aux demandeurs d'asile afghans. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne et non dans son pays d'origine. Par ailleurs, l'Allemagne, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les rapports d'organisations internationales et les articles de presse produits par l'intéressé et portant sur le renvoi par les autorités allemandes de ressortissants afghan ayant fait l'objet d'un rejet de leur demande d'asile ne sont pas de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile ou que sa demande d'asile ne sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités allemandes, alors même qu'une première demande d'asile de M. C... et sa demande de réexamen ont été rejetées, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. D'autre part, si M. C... soutient qu'il souffre d'un état post-traumatique en lien avec les évènements subis en Afghanistan et que son état de santé s'aggraverait en cas de remises aux autorités allemandes, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de l'attestation rédigée par Mme E..., psychologue clinicienne, le 22 novembre 2019, soit postérieurement à la décision contestée, qu'il ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés en Allemagne. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en prononçant son transfert aux autorités allemandes, aurait méconnu les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De même, M. C..., qui ne justifie pas d'une circonstance humanitaire, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013.
30. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du
14 octobre 2019 du préfet de police présentées par M. C... doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement n° 1923275/8 du 12 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
La présidente de la 8ème Chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00548