Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2018, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, représentée par Me Tsouderos, demande à la Cour de réformer l'ordonnance n°1804902 du 6 septembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Melun, de ramener à la somme de 63 217,20 euros la provision allouée à Mme C...et de rejeter la demande de provision de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.
Elle soutient que :
- si elle ne conteste pas le principe de sa responsabilité, il existe en revanche une difficulté sérieuse quant à la détermination de la part du préjudice imputable de manière directe et certaine à la faute articulée à l'encontre de l'hôpital Henri Mondor dès lors que, d'une part, l'expert devant la commission de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France a évalué à 25 % du dommage corporel la perte de chance résultant du fait générateur de responsabilité et, d'autre part, les chefs de préjudices subis par Mme C...sont contestables ;
- c'est à tort que le juge des référés a fait partiellement droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne alors que celles-ci étaient dépourvues de toutes précisions quant à leur imputabilité au fait générateur de la responsabilité du service public hospitalier.
Par des mémoires en défense et en appel incident, enregistrés les 10 octobre 2018 et 3 décembre 2018, MmeC..., représentée par Me Bonin, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
A titre principal,
1°) de confirmer l'ordonnance du 6 septembre 2018 du tribunal administratif de Melun en ce qu'il a jugé que l'obligation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à son égard n'était pas sérieusement contestable dans la mesure des 97 % de chance d'éviter la complication qui s'est produite, dont elle a été privée du fait de la faute imputable à l'hôpital Henri Mondor de Créteil ;
2°) de réformer cette ordonnance et de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme totale de 2 501 486 euros à titre de provision, majorée des intérêts de droit à compter du 17 mars 2017, avec capitalisation des intérêts échus à compter du 17 mars 2018 puis, le cas échéant, à chaque échéance annuelle ultérieure ;
A titre subsidiaire,
3°) si la Cour estimait qu'il existe une contestation sérieuse du quantum de la créance, d'appliquer alors un taux de perte de chance de 25 % et de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 644 713 euros à titre de provision, majorée des intérêts de droit à compter du 17 mars 2017, avec capitalisation des intérêts échus à compter du 17 mars 2018 puis, le cas échéant, à chaque échéance annuelle ultérieure ;
En toute hypothèse,
4°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 245 283 euros à titre de provision, majorée des intérêts de droit à compter du 17 mars 2017, avec capitalisation des intérêts échus à compter du 17 mars 2018 puis, le cas échéant, à chaque échéance annuelle ultérieure et correspondant au montant non contesté de la créance par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ;
5°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) ne sont pas fondés ;
- la somme allouée par le juge des référés au titre du déficit fonctionnel temporaire imputable à la faute commise par l'AP-HP doit être portée à 48 500 euros, dès lors notamment qu'elle a subi de nombreuses et d'importantes complications médicales à la suite de cette faute ainsi notamment qu'un déficit fonctionnel temporaire total du 21 décembre 2014 au 6 novembre 2015 ; à titre subsidiaire, si la Cour estimait qu'il existe une contestation sérieuse sur le quantum de la créance, elle condamnerait à titre provisionnel l'AP-HP à lui verser 25 % de la somme sollicité, soit la somme de 12 500 euros ;
- la somme allouée par le juge des référés au titre des souffrances endurées évaluées à 6 sur une échelle de 7 par l'expert doit être portée à 48 5000 euros correspondant à 97 % du préjudice corporel ; à titre subsidiaire, si la Cour estimait qu'il existe une contestation sérieuse sur le quantum de la créance, elle condamnerait à titre provisionnel l'AP-HP à lui verser 25 % de la somme sollicitée, soit la somme de 12 500 euros ;
- le juge des référés a procédé à une évaluation insuffisante de son préjudice esthétique temporaire qui doit être évalué à 24 250 euros ou, à titre subsidiaire, à 6 250 euros ;
- la somme de 339 500 euros aurait dû lui être allouée au titre du déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert à 60 %, ou, à titre subsidiaire à la somme de 87 500 euros ;
- c'est à tort que le juge des référés a estimé qu'elle ne pouvait pas se prévaloir d'une créance non sérieusement contestable au titre du préjudice d'agrément ; l'indemnité à ce titre doit être fixée à 33 950 euros ou, à titre subsidiaire à la somme de 8 750 euros ;
- elle est fondée à demander la condamnation de l'AP-HP à lui verser à titre provisionnel la somme de 14 550 euros au titre de la réparation de son préjudice esthétique permanent, correspondant à 97 % du préjudice corporel ou, à titre subsidiaire, la somme de 3 750 euros ;
- la somme allouée par le juge des référés au titre du préjudice sexuel doit être portée à 48 500 euros ; à titre subsidiaire, si la Cour estimait qu'il existe une contestation sérieuse sur le quantum de la créance, elle condamnerait à titre provisionnel l'AP-HP à lui verser 25 % de la somme sollicitée, soit la somme de 12 500 euros ;
- c'est à tort que le juge des référés a estimé que sa créance au titre de l'aide par tierce personne avant consolidation de son état ne pouvait être regardée comme n'étant pas sérieusement contestable ; il est établi que son état de santé nécessitait l'assistance d'une tierce personne à raison de 8 heures par jour et elle justifie en appel du versement des aides ou allocations dont elle a bénéficiées à ce titre ; par suite, l'AP-HP devra être condamnée à lui verser à titre provisionnel la somme de 87 888 euros à ce titre, correspondant à 97 % du préjudice corporel ; subsidiairement, si la Cour estimait qu'il existe une contestation sérieuse sur le quantum de la créance, elle condamnerait à titre provisionnel l'AP-HP à lui verser 25 % de la somme totale réclamée, soit la somme de 22 651 euros ;
- l'expert a relevé à tort qu'elle ne pouvait bénéficier de la réparation de son préjudice professionnel alors qu'elle devait reprendre son activité professionnelle après l'opération et qu'elle aurait pu changer de poste ; du fait de son hospitalisation pour la période du 22 décembre 2014 au 18 novembre 2015 et de sa pathologie la privant d'exercer toute profession, elle a subi une perte de revenus entre la date du fait dommageable et la date de consolidation, soit le 30 novembre 2016 ; elle est ainsi fondée à demander la condamnation de l'AP-HP à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 12 610 euros au titre de la réparation de son préjudice professionnel avant consolidation ou, à titre subsidiaire, la somme de 3 250 euros ;
- l'indemnité couvrant les frais de logement comprend l'aménagement du domicile préexistant mais également le surcoût financier engendré par l'acquisition d'un domicile mieux adapté au handicap de la victime ; l'AP-HP devra donc lui verser, à titre provisionnel, la somme de 24 250 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 6 250 euros ;
- il est établi que son état nécessite, après consolidation, l'assistance d'une tierce personne à raison de six heures par jour ; elle justifie en appel du versement des aides et allocations dont elle a bénéficiées à ce titre ainsi que les factures de la société DomusVi Domicile ; elle est ainsi fondée à demander la condamnation de l'AP-HP à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 1 789 888 euros à ce titre ou, à titre subsidiaire, la somme de 461 311 euros ;
- le fait d'être privée de la possibilité d'exercer une activité professionnelle et de subir une perte totale de ses droits à retraite doit être indemnisé à hauteur de 29 100 euros ou, à titre subsidiaire, de 7 500 euros.
Par un mémoire, enregistré le 7 novembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) de confirmer l'ordonnance du 6 septembre 2018 du tribunal administratif de Melun en ce qu'il lui a alloué une provision ;
2°) de réformer cette ordonnance et de porter le montant de la provision qui lui a été allouée à la somme de 190 000 euros à valoir sur sa créance au titre des prestations versées pour le compte de MmeC... ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que c'est à tort que le juge des référés n'a pas fait droit à sa demande de débours portant sur la seconde intervention chirurgicale du 22 décembre 2014 et sur le transfert de la patiente en service de réanimation qui résultent uniquement de la faute commise par l'hôpital ; c'est à juste titre qu'elle sollicite l'allocation d'une provision de 190 000 euros à valoir sur le poste de dépenses de santé actuelles déjà engagées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de Me Tsouderos, avocat de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, et de Me Bonin, avocat de MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. Le 22 décembre 2014, Mme C...a subi à l'hôpital Henri Mondor de Créteil une laminectomie cervicale C3-C7 à fin de traiter une myélopathie cervicarthrosique. Les suites immédiates de l'intervention chirurgicale ont été marquées par l'apparition d'une tétraplégie et l'IRM réalisée a confirmé l'existence d'une compression de la moelle épinière au niveau de la vertèbre C2. Six heures après la première opération, Mme C...a subi une nouvelle intervention chirurgicale afin de compléter la laminectomie au niveau de C2. Malgré les soins et la rééducation dont l'intéressée a bénéficié, elle est restée atteinte d'une tétraparésie spastique ASIA A au niveau de C3. Le 5 octobre 2015, Mme C... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France qui a ordonné une expertise médicale le 28 avril 2016. Le docteurA..., désigné en qualité d'expert, a rendu son rapport le 27 octobre 2016. Au vu des conclusions de l'expert, la commission de conciliation et d'indemnisation a rendu un avis le 16 février 2017 aux termes duquel il incombait à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) de réparer l'entier préjudice de MmeC.... Le 26 juillet 2017, l'AP-HP a proposé à l'intéressée une indemnisation à hauteur de 63 214,20 euros, en retenant que sa faute n'était à l'origine que d'une perte de chance de 25 % d'éviter le dommage. Mme C...a refusé cette proposition et a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 648 936,46 euros à titre de provision à valoir sur la réparation du dommage corporel qui a résulté des manquements commis lors de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie à l'hôpital Henri Mondor de Créteil le 22 décembre 2014. Par une ordonnance du 6 septembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a condamné l'AP-HP à verser à Mme C...une somme de 168 750 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne une somme de 182 619,86 euros au titre de ses débours. L'AP-HP, qui n'a pas saisi le juge du fond, relève appel de cette ordonnance. Mme C...demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de cette ordonnance et la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme totale de 2 501 486 euros à titre de provision. La caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne demande également à la Cour de réformer cette ordonnance et de porter le montant de la provision qui lui a été allouée à la somme de 190 000 euros à valoir sur sa créance au titre des prestations versées pour le compte de MmeC....
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".
3. Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant. Outre l'appel ouvert aux parties contre sa décision, le demandeur peut introduire une requête au fond. Le débiteur de la provision dispose, en l'absence d'une telle requête, de la faculté de saisir le juge du fond d'une demande tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance, en application des dispositions de l'article R. 541-4 du code de justice administrative.
Sur l'appel principal de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris :
4. Pour condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme C... une somme de 168 750 euros à titre de provision, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a estimé que le choix thérapeutique consistant à ne pas faire remonter dès le premier geste chirurgical la laminectomie cervicale jusqu'à l'étage C2 était constitutif d'un manquement fautif, ce qui au demeurant n'était pas contesté par l'AP-HP, que cette faute était la cause directe et exclusive du dommage corporel de Mme C...dès lors qu'il ne ressortait ni des constats opérés par l'expert commis par la commission de conciliation et d'indemnisation ni d'aucun autre élément du dossier qu'en l'absence d'une telle faute, la poussée d'oedème médullaire avec infarcissement médullaire dont Mme C...a été victime aurait pu se produire spontanément et que, dès lors, la créance de cette dernière devait être regardée comme n'étant pas sérieusement contestable dans la mesure des 97 % de chance d'éviter la complication qui s'est produite dont elle a été privée du fait de la faute imputée à l'AP-HP, le risque de survenue d'une tétraplégie par effet de décompression étant, dans le cas particulier de la patiente, inférieur à 3 %.
5. L'AP-HP, qui reconnaît ainsi qu'il a été dit le principe de sa responsabilité, se borne pour remettre en cause le caractère non sérieusement contestable de l'obligation à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif de Melun a méconnu son office et a empiété sur les compétences et les prérogatives du juge du fond en procédant à une interprétation du rapport d'expertise et en s'écartant des conclusions de l'expert qui avait conclu que le " fait d'avoir limité la laminectomie cervicale à C3-C7 comme à l'habitude a entraîné une perte de chance de 25 % dès lors qu'il existait une très forte compression médullaire cervicale sur 4 niveaux dont trois ont été correctement décomprimés (C3-C4, C4-C5, C5-C6) et qu'il était attendu d'effectuer une décompression d'emblée également sur C2-C3 ", et, ce faisant, ne se livre à aucune critique du raisonnement suivi par le juge des référés, alors même que si le rapport d'expertise fait état d'une perte de chance de 25 %, et non de 97 % comme l'a retenu le juge des référés, ce rapport ne livre aucune explication en vue de justifier ce taux de 25 %. Ainsi, en l'absence de toute contestation sérieuse de la créance de MmeC..., au sens des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, les conclusions de l'AP-HP tendant à la réformation de l'ordonnance attaquée et à ce que la somme allouée à Mme C... à titre de provision soit ramenée à la somme de 63 217,20 euros doivent être rejetées.
6. Par ailleurs, il ressort des termes de l'ordonnance contestée que le juge des référés du tribunal administratif de Melun a, après avoir écarté les frais liés à l'hospitalisation de Mme C... du 22 au 30 décembre 2014, cette hospitalisation ayant été rendue nécessaire par son état antérieur à la faute commise par l'AP-HP, et les frais de dépenses futures, jugé que la fraction non sérieusement contestable de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne s'élevait à 182 619,86 euros. Pour contester l'évaluation du montant de la provision mise à sa charge au titre des débours de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, l'AP-HP soutient que les conclusions de cette dernière étaient dépourvues de toutes précisions quant à l'imputabilité de ces débours au fait générateur de la responsabilité du service public hospitalier. Toutefois, il ressort du dossier de première instance transmis à la Cour par le tribunal administratif de Melun que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne a notamment présenté au juge des référés un état récapitulatif de ses débours en date du 15 novembre 2017 précisant en particulier la nature des frais, les périodes pendant lesquelles ils ont été exposés et leurs montants ainsi qu'une attestation d'imputabilité en date du 23 octobre 2017 établie par le praticien-conseil du recours contre tiers de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne. Ces éléments permettaient au juge des référés d'évaluer de manière certaine le montant de la provision qu'il convenait d'allouer à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne. Il s'ensuit que la demande de l'AP-HP tendant à la réformation de l'ordonnance attaquée sur ce point doit être rejetée.
Sur l'appel incident de MmeC... :
7. Il ressort du rapport d'expertise que MmeC... a subi, en relation directe avec la faute commise par l'hôpital Henri Mondor de Créteil, un déficit fonctionnel temporaire total de 10 mois et 9 jours auquel il convient d'ajouter 15 jours correspondant aux trois journées d'hospitalisation par semaine pendant la période du 6 novembre au 8 décembre 2015, un déficit fonctionnel temporaire de 85 % pendant 5 mois et 20 jours, puis de 75 % pendant trois mois et, enfin, de 60 % pendant encore trois mois jusqu'au 30 novembre 2016, date de consolidation fixée par l'expert. Si MmeC... soutient qu'elle a subi de nombreuses et d'importantes complications médicales résultant de la faute commise par l'hôpital, ces dernières ont été prises en considération par l'expert lors de l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire. En l'état de l'instruction, le juge des référés n'a pas fait une évaluation insuffisante du montant non sérieusement contestable de la provision due à MmeC... par l'AP-HP.
8. En évaluant les souffrances endurées par MmeC..., chiffrées à 6 sur une échelle de 7 par l'expert, à la somme de 23 500 euros, le juge de première instance a fait une juste appréciation du montant non sérieusement contestable de la créance de l'AP-HP pour ce chef de préjudice.
9. Il résulte du rapport d'expertise que Mme C...a eu besoin d'une aide par tierce personne pour accomplir les actes de la vie quotidienne à raison de 8 heures par jour de sa sortie de l'hôpital le 6 novembre 2015 jusqu'à la consolidation de son état fixé au 30 novembre 2016, déduction faite des périodes pendant lesquelles elle a été hospitalisée entre ces deux dates. Si Mme C...verse pour la première fois en appel les décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des 29 septembre 2015 et 21 mars 2017 lui attribuant l'allocation aux adultes handicapés et le complément de ressources pour les périodes du 16 mars 2015 au 15 mars 2017 et du 16 mars 2017 au 14 mars 2022 ainsi que des pièces mentionnant les versements qui émanent de la caisse d'allocations familiales, ces pièces ne permettent pas d'établir, en particulier pour les années 2015 et 2016, le montant exact des aides perçues par l'intéressée. Le montant de la provision sollicitée au titre de l'aide par tierce personne jusqu'à la consolidation de son état fixée au 30 novembre 2016 ne pouvant être évalué de manière certaine, il y a lieu de rejeter la demande de MmeC....
10. Les pièces versées au dossier par Mme C...consistant notamment en des avis d'impôt sur les revenus au titre des années 2011 à 2013, 2016 et 2017, des bulletins de salaire pour les années 2012 et 2013 ainsi que pour le mois de janvier 2014 ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert selon lesquelles l'intéressée, au vu de son état antérieur, n'aurait pas pu reprendre son activité de femme de ménage, même en l'absence de la complication dont elle a été victime. Par suite, c'est à bon droit que le juge des référés a estimé qu'il n'existait pas de créance qui ne serait pas sérieusement contestable portant sur la perte de revenus professionnels, la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle et a rejeté la demande de provision de Mme C...au titre de ces chefs de préjudices.
11. Il résulte de l'instruction que le premier juge a fait une juste appréciation du montant non sérieusement contestable de la créance de l'AP-HP au titre du déficit fonctionnel permanent de 60 % imputable à la faute commise par l'hôpital dont reste atteinte Mme C... en lui allouant une somme de 110 000 euros.
12. Si Mme C...soutient que le juge des référés a sous-évalué le montant de la provision au titre de son préjudice esthétique temporaire, évalué à 4,5 sur une échelle de 7 par l'expert et de son préjudice esthétique permanent, coté à 4 sur 7, elle n'apporte pas d'éléments permettant de considérer que sa créance au titre de ces deux chefs de préjudice ne serait pas sérieusement contestable au-delà du montant de 17 000 euros alloué par le premier juge.
13. Ne justifiant pas plus en appel que devant le tribunal de l'existence d'un préjudice d'agrément distinct de celui déjà indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés a estimé qu'elle ne pouvait se prévaloir d'une créance non sérieusement contestable sur ce point.
14. Il ne résulte pas de l'instruction que la créance de Mme C...au titre de son préjudice sexuel ne serait pas sérieusement contestable au-delà du montant de 10 000 euros alloué par le juge des référés.
15. Il est constant que le logement actuel de Mme C...n'est pas compatible avec son handicap et qu'aucun aménagement ne peut par conséquent y être réalisé. Dans ces conditions, et même si Mme C...est toujours en attente d'un nouveau logement adapté à son handicap, aucune créance qui ne serait pas sérieusement contestable n'est établie au titre des frais d'adaptation de logement.
16. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise que Mme C... doit avoir recours, depuis le 30 novembre 2016, et à titre définitif, à une aide par tierce personne à raison de 6 heures par jour. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 9, la créance de Mme C...au titre de ce chef de préjudice ne peut être évaluée de manière certaine en l'état de l'instruction. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté sa demande sur ce point.
17. En se bornant à mentionner la créance de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, Mme C...n'établit pas que des dépenses de santé seraient restées à sa charge. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le juge des référés a estimé qu'elle ne se prévalait d'aucune créance qui ne serait pas sérieusement contestable.
18. Il résulte des points 7 à 17 que la demande de Mme C...tendant à ce que l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun soit réformée doit être rejetée.
Sur l'appel incident de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne :
19. Si la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne soutient qu'elle a droit au remboursement des frais d'hospitalisation de Mme C...au sein du service de réanimation à la suite de la reprise chirurgicale intervenue le 22 décembre 2014 qui résulteraient exclusivement de la faute commise par l'hôpital Henri Mondor de Créteil, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que l'obligation dont elle se prévaut soit non sérieusement contestable dès lors que Mme C...a subi ce même jour l'intervention chirurgicale nécessitée par son état antérieur. Par suite, il n'y a pas lieu de porter la somme qui lui a été allouée par le juge des référés du tribunal administratif de Melun à la somme de 190 000 euros sollicitée en appel.
Sur les frais d'instance :
20. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris le versement à Mme C...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne une somme de 1 500 euros chacune au titre de leurs frais d'instance.
21. En l'absence de dépens dans la présente instance, les conclusions de Mme C... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de l'AP-HP ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris est rejetée.
Article 2 : L'Assistance publique - hôpitaux de Paris versera à Mme C...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des appels incidents de Mme C...et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, à Mme D... C...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juin 2019.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03154