Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 avril 2014, l'association AMSAV, représentée par Me Zeitoun-Kernevez, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1305059/3-3 du 18 février 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du ministre chargé du travail du 15 février 2013 en tant qu'elle déclare Mme C... apte à occuper son poste de responsable de secteur à mi-temps thérapeutique ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée en fait et en droit en méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 et de celles de l'article L. 1226-10 du code du travail ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'il est impossible d'aménager le poste de responsable de secteur en mi-temps thérapeutique ou de reclasser Mme C... au sein de l'association et que, du fait de ses arrêts de travail prolongés, Mme C... ne possède plus les connaissances techniques nécessaires pour occuper ce poste.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2014, Mme B...C..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'association AMSAV.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'association AMSAV ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bernard,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- et les observations de Me Zeitoun-Kernevez, avocat de l'association AMSAV.
Considérant ce qui suit :
1. Par des avis des 4 septembre 2012 et 11 octobre 2012, le médecin du travail a estimé que Mme C... était apte à occuper à mi-temps thérapeutique son poste de responsable de secteur au sein de l'association Aide médico-sociale aux vieillards du 18ème arrondissement (AMSAV). Cette association a contesté ces avis auprès de l'inspecteur du travail de la section 18A de l'unité territoriale de Paris de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France. Après avis du médecin-inspecteur régional du travail, l'inspecteur du travail a, par décision du 3 décembre 2012, déclaré la salariée apte à occuper à mi-temps thérapeutique son poste de travail de responsable de secteur ou des fonctions similaires. L'association AMSAV a alors présenté un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Par une décision du 15 février 2013, le ministre, d'une part, a annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif que ce dernier ne pouvait légalement se prononcer sur l'aptitude de la salariée à exercer des fonctions similaires et, d'autre part, a de nouveau déclaré Mme C... apte à occuper son poste à mi-temps thérapeutique. L'association AMSAV demande l'annulation du jugement du 18 février 2014, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2013 du ministre chargé du travail en ce qu'elle déclare Mme C... apte à occuper à mi-temps thérapeutique son poste de responsable de secteur.
Sur les conclusions de l'association AMSAV dirigées contre le jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail, dans sa version applicable : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. ".
3. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail que le médecin du travail doit indiquer, dans les conclusions écrites qu'il rédige à l'issue de visites médicales de reprise, les considérations de fait de nature à éclairer l'employeur sur son obligation de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et notamment les éléments objectifs portant sur ces capacités qui le conduisent à recommander certaines tâches en vue d'un éventuel reclassement dans l'entreprise ou, au contraire, à exprimer des contre-indications. Une telle obligation, qui ne contraint pas le médecin à faire état des considérations médicales qui justifient sa position, peut être mise en oeuvre dans le respect du secret médical. Elle s'impose également à l'inspecteur du travail lorsque celui-ci, en cas de difficulté ou de désaccord, est amené à décider de l'aptitude professionnelle du salarié. Les décisions ainsi rendues par l'autorité administrative sont soumises, en matière de motivation, aux seules prescriptions de l'article L. 1226-2 du code du travail, à l'exclusion de l'application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée.
4. D'autre part, le recours administratif devant l'inspecteur du travail prévu par le dernier alinéa de l'article L. 4624-1 précité n'est ouvert qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur l'avis du médecin du travail portant sur l'inaptitude physique du salarié à son poste de travail antérieur, son aptitude physique au poste de reclassement proposé, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié.
5. En premier lieu, l'association AMSAV soutient que la décision contestée du ministre chargé du travail n'est pas suffisamment motivée, dès lors qu'elle n'a pas répondu aux arguments dont elle se prévalait. Il ressort du recours hiérarchique de l'association que celle-ci se bornait à faire valoir, d'une part, que l'organisation du service ne permettait pas d'aménager le poste de responsable de secteur en mi-temps thérapeutique et, d'autre part, qu'en raison de ses arrêts de travail prolongés, Mme C... ne possédait plus les connaissances techniques nécessaires pour occuper ce poste. Ainsi, le désaccord de l'association sur l'avis du médecin du travail ne portait sur aucun des éléments de contestation limitativement énumérés au point 4 ci-dessus. Le ministre chargé du travail n'a donc pas entaché sa décision d'insuffisance de motivation en ne répondant pas à cette argumentation inopérante. En outre, la décision du ministre vise l'article L. 4624-1 du code du travail, la décision de l'inspecteur du travail du 3 décembre 2012 et le recours hiérarchique exercé par l'association AMSAV et indique que l'état de santé de Mme C... nécessite qu'elle occupe son poste de responsable de secteur à mi-temps thérapeutique. Cette décision répond ainsi aux exigences de motivation fixées par les dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail. Le moyen doit donc être écarté.
6. En second lieu, pour soutenir que la décision contestée du ministre chargé du travail serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, l'association AMSAV fait valoir les mêmes arguments que ceux développés dans son recours hiérarchique et qui, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, présentent un caractère inopérant. Elle ne conteste pas, en revanche, que Mme C... était inapte à occuper son poste de responsable de secteur à temps plein, mais physiquement apte à l'occuper à mi-temps thérapeutique et que cette adaptation de ses conditions de travail présentait un caractère nécessaire. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'association AMSAV n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association AMSAV demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'association AMSAV une somme de 1 500 euros à verser à Mme C...sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association AMSAV est rejetée.
Article 2 : L'association AMSAV versera à Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Aide médico-sociale aux vieillards du 18ème arrondissement (AMSAV), à Mme B... C...et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2016.
Le rapporteur,
A. BERNARDLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA01771