Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2017, la SARL New Star, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1508038/3-2 du 21 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 13 novembre 2014 par laquelle l'OFII a mis à sa charge la somme de 35 100 euros au titre de la contribution spéciale ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale mise à sa charge à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti au titre de l'infraction relevée pour l'emploi de MmeB... ;
4°) de mettre à la charge de l'OFII le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le juge administratif n'est pas en situation de compétence liée pour apprécier le montant de la contribution spéciale en application des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail ; les premiers juges ont méconnu leur office en refusant de moduler le montant de la contribution spéciale au regard de la gravité de l'infraction ; la Cour doit écarter l'application des dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail qui effectue une forfaitisation du montant de cette contribution spéciale en violation des dispositions législatives susmentionnées ;
- eu égard à la situation des deux employés en cause, le montant de la contribution spéciale mis à sa charge doit être réduit ; elle n'avait pas l'intention de méconnaître intentionnellement la législation du travail ; M.A... a été engagé seulement quelques jours avant le contrôle des services de police ; lors de l'entretien d'embauche, il a présenté la photocopie d'un titre de séjour et elle attendait qu'il fournisse l'original de ce titre avant de procéder aux déclarations auprès des organismes sociaux ; Mme B...a usurpé l'identité de sa soeur ; une déclaration d'embauche a été effectuée au nom de cette dernière et un contrat de travail a été conclu ; sa véritable identité n'a été connue qu'à la date du contrôle de police ;
- en tout état de cause, s'agissant de la situation de MmeB..., le montant de la contribution spéciale peut être réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dès lors que le procès-verbal du 10 février 2014 ne mentionne aucune autre infraction commise par la société à l'occasion de l'emploi de cette salariée ; par ailleurs, elle s'est acquittée des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 du code du travail.
La requête a été communiquée à l'OFII, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Lors d'un contrôle effectué le 10 février 2014 dans l'établissement exploité sous l'enseigne " Star Pressing " par la SARL New Star, les services de police ont constaté la présence de deux personnes, de nationalité chinoise, démunies d'autorisation de travail et n'ayant fait l'objet d'aucune déclaration préalable. Par une décision du 13 novembre 2014, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la SARL New Star la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, d'un montant de 35 100 euros ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un montant de 2 309 euros. Le 9 février 2015, la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France a émis deux titres de perception afin d'obtenir le paiement des sommes en cause. Le recours gracieux du 18 mars 2015 formé par la SARL New Star à l'encontre de la décision du 13 novembre 2014 en tant qu'elle mettait à sa charge la contribution spéciale a été implicitement rejeté par l'OFII. La SARL New Star fait appel du jugement du 21 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande interprétée comme tendant à la décharge de l'obligation de payer la contribution spéciale mise à sa charge et, à titre subsidiaire, à réduire le montant de cette contribution.
2. L'article L. 8251-1 du code du travail dispose que : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ", aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 applicable au présent litige dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux et que ces dispositions sont plus douces que celles antérieurement applicables : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / [...] " et aux termes de l'article R. 8253-2 de ce code, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et
R. 8252-7. / III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / [...] ".
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des procès-verbaux établis le 10 février 2014 dont les énonciations font foi jusqu'à preuve du contraire, que les agents de police ont constaté, lors du contrôle du même jour, la présence au sein de l'établissement de pressing exploité par la SARL New Star de deux personnes en action de travail, dépourvues d'autorisation de travail et n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche. Il ressort du procès-verbal d'audition du premier employé, M.A..., que celui-ci a déclaré travailler dans l'établissement depuis le 7 février 2014 et de ne pas avoir présenté de titre l'autorisant à exercer une activité professionnelle lors de son embauche. La SARL New Star admet avoir engagé l'intéressé sans avoir préalablement vérifié sa situation administrative et ne pas avoir procédé à la déclaration de son employé auprès des organismes sociaux. Par ailleurs, la SARL New Star soutient que la seconde employée, Mme D...F...néeB..., a usurpé l'identité de Mme E...B..., sa soeur, et a présenté lors de l'entretien d'embauche un récépissé de demande de titre de séjour valable jusqu'au 14 mars 2014 et l'autorisant à exercer une activité professionnelle établi au nom de cette dernière. La société requérante verse au dossier la déclaration préalable à l'embauche établie au nom de Mme E... B...le 29 novembre 2013 et mentionnant une date d'embauche au 1er décembre 2013 ainsi qu'une durée de travail hebdomadaire de dix heures, le courrier par lequel l'URSAFF a accusé réception de cette déclaration préalable à l'embauche et des bulletins de paie pour les mois de décembre 2013 et janvier 2014 établies au nom de Mme E... B...ainsi qu'un contrat de travail à durée indéterminée conclu entre la SARL New Star et Mme E...B...le 1er décembre 2013 mentionnant une durée de travail hebdomadaire de 43,33 heures. Toutefois, il ressort du procès-verbal d'audition de Mme D... F...devant les services de police que celle-ci a déclaré avoir été engagée le 1er décembre 2013 sur la présentation d'un récépissé constatant le dépôt de sa demande d'asile ne l'autorisant pas à travailler et d'une convocation des services de la préfecture de police pour le dépôt de son dossier de première demande de titre de séjour le 27 février 2014 et qu'elle n'avait pas signé de contrat de travail, ni reçu de bulletins de salaire. Il s'ensuit que l'usurpation d'identité alléguée par la société requérante n'est pas établie par les pièces du dossier, alors notamment que la convocation des services de la préfecture susmentionnée mentionne le nom de Mme D...B.... Dans ces conditions, la réalité des infractions est établie. Enfin, l'absence d'élément intentionnel est, en tout état de cause, sans influence sur le bien-fondé de la contribution spéciale mise à la charge de l'employeur qui a contrevenu aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail.
4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, d'une part, le procès-verbal d'infraction du 10 février 2014 mentionne deux infractions, celle d'emploi de deux étrangers sans autorisation de travail, prévue à l'article L. 8251-1 du code du travail et celle de travail dissimulé de deux salariés, prévue à l'article L. 8221-1 du même code. La SARL New Star n'est pas fondée à soutenir qu'une seule infraction aurait été relevée à son encontre s'agissant de la situation de Mme B...alors que, comme il vient d'être dit, il n'est pas établi que Mme D... F...qui a déclaré avoir été engagée sur la présentation d'un récépissé constatant le dépôt de sa demande d'asile ne l'autorisant pas à travailler et d'une convocation des services de la préfecture de police pour le dépôt de son dossier de première demande de titre de séjour le 27 février 2014 mentionnant son nom, se soit présentée sous l'identité de sa soeur. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que la SARL New Star se soit acquittée des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2, en particulier de l'indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire prévue par le 2°, dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 du même code. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la contribution spéciale mise à sa charge aurait dû être minorée.
5. En troisième lieu, lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre une décision mettant à la charge d'un contrevenant la contribution spéciale sur le fondement des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, il lui appartient, après avoir contrôlé les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, de décider, selon le résultat de ce contrôle, soit de maintenir le taux retenu, soit de lui substituer celui des deux autres taux qu'il estime légalement justifié, soit, s'il n'est pas établi que l'employeur se serait rendu coupable des faits visés au premier alinéa de l'article L. 8251-1 précité du code du travail, de le décharger de la contribution spéciale. En revanche, les dispositions précitées ne l'habilitent pas davantage que l'administration elle-même à moduler les taux qu'elles ont fixés. Par suite, le moyen tiré de ce que le montant de la contribution spéciale mise à la charge de la requérante ne serait pas proportionné à la gravité des infractions commises, dès lors notamment que M. A...n'aurait travaillé que quelques jours et que Mme D...F...née B...aurait usurpé l'identité de sa soeur, doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, que la SARL New Star n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL New Star est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL New Star et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre du travail en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01808