M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 7 avril 2017 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1707143/6-1 du 16 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 janvier 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1707143/6-1 du 16 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de l'Essonne du 7 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son avocate, Me D..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;
- il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations écrites ou orales avant l'intervention de l'arrêté contesté ; en particulier, il n'a pas été entendu sur l'application des articles 5 et 6 paragraphes 2 à 5 " de la directive " ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ayant sur la situation de M. B... des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit à la scolarisation, garanti par les articles L. 111-1 et L. 313-1-1 du code de l'éducation, le 13ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946, et l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 mars 2018, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et son premier protocole additionnel,
- le préambule de la Constitution de 1946,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
- le code de l'éducation,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. Luben a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré a été présentée le 16 mai 2018 pour M.B... par Me D...
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 16 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 7 avril 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant son pays de destination.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. En premier lieu, l'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que M. B... s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré, qu'il a été interpellé le 7 avril 2017 par les services de police de Montgeron pour infraction à la législation sur les stupéfiants, que M. B...est célibataire sans charge de famille, qu'il ne satisfait pas aux conditions requises pour prétendre à la régularisation de sa situation administrative et n'entre dans aucune des catégories de plein droit définies aux articles L.313-11 et L.314-11 du CESEDA et que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B...à sa vie privée et familiale. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui le fondent. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 7 avril 2017 doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de l'Essonne n'aurait pas procédé à un examen particulier et sérieux de la situation personnelle de M. B... avant de rejeter sa demande de titre de séjour.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". et aux termes de l'article 51 de cette charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...) ".
6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Au surplus, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition du 7 avril 2017 réalisé par un officier de police judiciaire, que, à la suite de son interpellation le même jour, M. B...a été interrogé sur les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français, sur sa situation personnelle et familiale en France et dans son pays d'origine, qu'il a déclaré être célibataire et sans charges de famille, être dépourvu d'attaches familiales en France, ne pas être en possession d'un titre de séjour et qu'il était scolarisé au lycée Saint-Exupéry depuis septembre 2016. Ainsi, M. B... a pu faire connaitre les observations pertinentes relatives à sa situation privée et familiale et ne soutient d'ailleurs pas qu'il aurait pu faire valoir d'autres éléments de nature à influer sur la décision prise à son encontre dans le cadre d'une nouvelle audition. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que son droit à être entendu et à présenter des observations écrites et orales auraient été méconnu par le préfet de l'Essonne.
7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. M. B... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est entré en France de manière régulière en décembre 2015, qu'il a été scolarisé au lycée Saint-Exupéry au titre de l'année 2016/2017, qu'il s'est beaucoup impliqué dans sa scolarité et qu'il a fourni de vrais efforts pour s'intégrer à la communauté scolaire et qu'il avait pour projet d'intégrer un CAP à la rentrée 2017/2018. Toutefois, à la date de la décision attaquée, M. B...résidait en France depuis moins d'un an et demi et n'était scolarisé que depuis huit mois. Si M. B...soutient avoir la volonté de faire un CAP, il ne démontre pas qu'il s'est inscrit pour l'année 2017/2018 par la seule production d'une convocation à un entretien d'information en date du 24 mars 2017. En outre, M. B...est célibataire et sans charges de famille et a lui-même déclaré ne pas avoir de liens familiaux en France tandis qu'il n'en est pas dépourvu dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans. Dans ces conditions, eu égard au faible temps de présence de M. B...sur le territoire français et à son absence de liens familiaux en France, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
9. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
10. En sixième lieu, M. B...soutient que la décision attaquée méconnaît son droit à la scolarisation, garanti par les articles L. 111-1 et L. 313-1-1 du code de l'éducation, le 13ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946, et de l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 10 du jugement attaqué, d'écarter ce moyen.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées par son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 24 mai 2018.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00321