Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2018, M. B..., assisté de l'Union départementale des associations familiales en sa qualité de curateur, demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision n° 18-2017 du 6 avril 2018 de la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron ;
2°) d'annuler la décision du 20 juin 2017 du président du conseil départemental de l'Aveyron refusant son admission à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes handicapées à compter du 1er juin 2017 ;
3°) de prononcer son admission à l'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er juin 2017.
Il soutient que :
- ses ressources mensuelles de 1 616,16 euros ne lui permettent pas de faire face à ses frais d'hébergement qui s'élevaient à 1 710,13 euros par mois en 2017 ;
- pour rejeter sa demande, le conseil départemental s'est fondé sur le tarif d'hébergement des résidents bénéficiant de l'aide sociale qui ne lui est pas applicable ;
- il n'a pas été tenu compte de la déduction des dépenses représentant un caractère légalement obligatoire et qui ne résultent pas d'un choix de gestion ; en prenant en considération ces dépenses, ses ressources mensuelles s'élèvent à 1 506,03 euros ; par ailleurs, seuls 90 % du montant des ressources peuvent être affectés au remboursement des frais d'hébergement, soit en l'espèce la somme de 1 355,42 euros ; il en résulte un différentiel de 354,71 euros entre les ressources affectées au remboursement de ses frais d'hébergement et le montant de ces frais.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2020, le président du conseil départemental de l'Aveyron conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- par une décision du 4 juillet 2018, il a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour personnes handicapées à compter du 1er mars 2018 ;
- aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de déduire lors de l'examen de la demande d'aide sociale 10% de l'assiette des ressources du demandeur, la taxe foncière, les frais des mesures de protection et les frais de mutuelle ; en tout état de cause, ces trois derniers postes de dépenses, en particulier les frais de mutuelle, ne sont pas exclusifs de tout choix de gestion ;
- les ressources mensuelles de M. B... lui permettent de s'acquitter de ses frais d'hébergement.
Par un courrier du 24 juillet 2020, les parties ont été informées que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que par une décision du 4 juillet 2018, le président du conseil départemental de l'Aveyron ayant fait droit à la demande du 20 juin 2018 de M. B..., assisté de l'Union départementale des associations familiales de l'Aveyron en sa qualité de curateur, tendant à la prise en charge des frais d'hébergement de l'intéressé au titre de l'aide sociale en qualité de personne handicapée pour la période du 1er mars 2018 au 29 février 2020, la Cour est susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions présentées le 20 juin 2018 par M. B... assisté de l'Union départementale des associations familiales de l'Aveyron, à fin d'admission à l'aide sociale en qualité de personne handicapée pour la période du 1er mars 2018 au 29 février 2020.
Un mémoire en réponse au moyen relevé d'office, présenté par M. B..., assisté de l'Union départementale des associations familiales en sa qualité de curateur, a été enregistré le 19 août 2020.
Il soutient que si le président du conseil départemental de l'Aveyron lui a accordé l'aide sociale en qualité de personne handicapée à compter du 1er mars 2018, il remplissait toutefois les conditions pour obtenir cette aide dès le 1er juin 2017.
Par un mémoire, enregistré le 19 août 2020, M. B..., assisté de l'Union départementale des associations familiales en sa qualité de curateur, maintient ses conclusions et ses moyens, et demande à la Cour de prononcer son admission à l'aide sociale à l'hébergement pour la période restant en litige, soit la période comprise entre le 1er juin 2017 et le 28 février 2018.
Il soutient, en outre, que :
- seuls 90 % du montant de ses ressources peuvent être affectés au remboursement de ses frais d'hébergement en application de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles ;
- dans ses décisions des 14 décembre 2007 et 12 mars 2010, le Conseil d'Etat a jugé que les dépenses considérées comme obligatoires doivent être déduites des ressources à prendre à compte pour l'admission à l'aide sociale ;
- ses ressources mensuelles étaient insuffisantes pour s'acquitter de ses frais d'hébergement dès le 1er juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00511.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le règlement départemental d'aide sociale de l'Aveyron ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né en 1949 et placé sous curatelle assurée par l'Union départementale des associations familiales de l'Aveyron (UDAF), est hébergé au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) résidence Saint -Laurent de Cruejouls depuis le 6 novembre 2013. Le 12 juin 2017, il a déposé avec l'assistance de l'UDAF une demande d'admission à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes handicapées à compter du 1er juin 2017. Par une décision du 20 juin 2017, le président du conseil départemental de l'Aveyron a rejeté sa demande au motif qu'il disposait de ressources suffisantes lui permettant de financer les frais relatifs à son hébergement et que l'aide sociale revêtait un caractère " subsidiaire, facultatif et alimentaire ". Par une décision n° 18-2017 du 6 avril 2018, la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron a rejeté la demande de M. B..., assisté de l'UDAF en sa qualité de curateur, tendant à l'annulation de cette décision. Par la présente requête, M. B..., assisté de l'UDAF prise en sa qualité de curateur, relève appel de cette décision et demande à la Cour de prononcer son admission à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes handicapées à compter du 1er juin 2017.
Sur la demande d'admission à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes handicapées pour la période comprise entre le 1er mars 2018 et le 29 février 2020 :
2. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'introduction de la requête, le président du conseil départemental de l'Aveyron a fait droit à la nouvelle demande d'aide sociale présentée le 20 juin 2018 par M. B..., assisté de l'Union départementale des associations familiales de l'Aveyron en sa qualité de curateur et a accordé à M. B... l'aide sociale à l'hébergement pour personnes handicapées pour la période comprise entre le 1er mars 2018 et le 29 février 2020. Il s'ensuit que les conclusions de M. B... tendant à être admis à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes handicapées au titre de cette période sont devenues sans objet et qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la demande d'admission à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes handicapées pour la période comprise entre le 1er juin 2017 et le 28 février 2018 :
3. Aux termes de l'article L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 132-3 du même code : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. Toutefois les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l'aide sociale sont déterminées par décret. La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques dont le bénéficiaire de l'aide sociale peut être titulaire s'ajoutent à cette somme. ". Aux termes de l'article R. 132-1 du même code : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux. ". Enfin, selon l'article D. 344-35 du même code : " Lorsque l'établissement assure un hébergement et un entretien complet, y compris la totalité des repas, le pensionnaire doit pouvoir disposer librement chaque mois : / 1° S'il ne travaille pas, de 10 % de l'ensemble de ses ressources mensuelles et, au minimum, de 30 % du montant mensuel de l'allocation aux adultes handicapés (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que, pour déterminer si le niveau des ressources d'une personne âgée ou d'une personne handicapée accueillie dans un établissement tel un EHPAD justifie son admission à l'aide sociale, le président du conseil départemental doit rechercher si l'acquittement de la totalité des frais d'hébergement et d'entretien par cette personne lui permettrait de conserver la disposition du minimum de ressources prévu par l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles dès l'examen de sa demande d'admission à l'aide sociale.
5. Il résulte de ces dispositions citées au point 3 que les personnes âgées ou les personnes handicapées hébergées en établissement au titre de l'aide sociale doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources. Ces dispositions doivent être interprétées comme devant permettre à ces personnes de subvenir aux dépenses qui sont mises à leur charge par la loi et sont exclusives de tout choix de gestion, telles que les sommes dont elles seraient redevables au titre de l'impôt sur le revenu, des frais de mutuelle ou des frais de tutelle. Il suit de là que la contribution de 90 % prévue à l'article L. 32-3 du code de l'action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée de ces dépenses.
6. Si le président du conseil départemental entend soutenir, en mentionnant devant la Cour le montant des capitaux placés sur le livret A et le livret d'épargne populaire détenus par M. B... ainsi que la somme dont celui-ci dispose sur son compte-courant, que M. B... peut s'acquitter de ses frais d'hébergement, il résulte toutefois des dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles citées au point 3 que seuls peuvent être pris en compte, pour la détermination des ressources d'un postulant à l'aide sociale, d'une part, les revenus tirés des biens qu'il possède, et, d'autre part, s'agissant des biens qu'il possède non productifs de revenu, l'évaluation, effectuée sur la base forfaitaire prévue par les dispositions précitées des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles, des ressources que l'allocataire est supposé pouvoir retirer de biens non productifs de revenu, à l'exclusion du montant du capital lui-même. Ainsi, lorsque le postulant à l'aide sociale dispose, comme en l'espèce, de capitaux qui ont fait l'objet d'un placement, seuls doivent être pris en considération les revenus de ce placement comme au demeurant l'a considéré le président du conseil départemental lors de l'instruction de la demande d'aide sociale de M. B.... Il résulte de l'instruction que les ressources mensuelles de M. B... s'élevaient, à la date de sa demande d'aide sociale, à la somme de 1 616,16 euros, se décomposant en 1 459,08 euros au titre de ses pensions de retraite, en 108,39 euros au titre d'une rente pour accident de travail versée par la caisse primaire d'assurance maladie, de 40 euros d'allocation logement et de 8,69 euros au titre des intérêts de capitaux placés.
7. Par ailleurs, eu égard aux exigences résultant du onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 en vertu duquel la nation garantit à tous la protection de la santé, les dispositions du code de l'action sociale et des familles doivent être interprétées comme imposant également de déduire de l'assiette de ressources des personnes handicapées hébergées en établissement au titre de l'aide sociale soit la part des tarifs de sécurité sociale restant à la charge des assurés sociaux du fait des dispositions législatives et réglementaires et le forfait journalier prévu par l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale soit les cotisations d'assurance maladie complémentaire nécessaires à la couverture de ces dépenses. Il est constant que la cotisation d'assurance complémentaire santé d'un montant mensuel de 67,52 euros dont s'acquittait M. B..., âgé de 68 ans en 2017, n'excédait pas cet objet et que les prestations offertes par l'établissement d'hébergement dans lequel il séjournait ne comprennent pas l'ensemble des soins. En tout état de cause, le règlement départemental d'aide sociale de l'Aveyron prévoyait une prise en charge plafonnée des cotisations d'assurance maladie complémentaire à 80 euros pour les personnes âgées admises à l'aide sociale. Ainsi, les dépenses de mutuelle exposées par M. B... doivent être déduites de l'assiette de la contribution à ses frais d'hébergement. Il y a lieu de déduire également les frais de gestion de la mesure de protection d'un montant de 42,51 euros par mois. Par suite, compte tenu de l'argent de poche (150,61 euros), le montant des ressources nettes des charges obligatoires de M. B... pour assurer le paiement de ses frais d'hébergement s'élève à la date de sa demande d'aide sociale à 1 355,52 euros.
8. Il résulte de l'instruction que le coût total de l'hébergement pour une place habilitée à l'aide sociale au sein de l'EHPAD dans lequel réside M. B... était de 1 610 euros par mois incluant le ticket modérateur. Dès lors, les ressources de M. B... à la date de sa demande d'aide sociale ne lui permettaient pas de couvrir les frais d'hébergement au sein de cet établissement.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'UDAF est fondée à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juin 2017 du président du conseil départemental de l'Aveyron refusant d'accorder à M. B... l'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er juin 2017. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'accueillir les conclusions à fin d'annulation de la décision du 20 juin 2017 du président du conseil départemental de l'Aveyron en tant qu'elle refuse à M. B... le bénéfice de l'aide sociale pour la période du 1er juin 2017 au 28 février 2018.
10. En l'état du dossier, il y a lieu d'admettre M. B... à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes handicapées pour la période du 1er juin 2017 au 28 février 2018 et de le renvoyer devant le département de l'Aveyron pour la détermination, conformément aux motifs du présent arrêt, du montant de cette aide.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission de M. B... à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes handicapées pour la période du 1er mars 2018 au 29 février 2020.
Article 2 : La décision n° 18-2017 du 6 avril 2018 de la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron, et la décision du 20 juin 2017 du président du conseil départemental de l'Aveyron, en tant qu'elles refusent à M. B... le bénéfice de l'aide sociale pour la période du 1er juin 2017 au 28 février 2018, sont annulées.
Article 3 : M. B... est admis à l'aide sociale à l'hébergement pour la période du 1er juin 2017 au 28 février 2018. L'intéressé est renvoyé devant le département de l'Aveyron pour la détermination, conformément aux motifs du présent arrêt, du montant de cette aide.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'Union départementale des associations familiales et au président du conseil départemental de l'Aveyron.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
V. C...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA00511
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