Procédure devant la Cour :
Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés les 21 et 23 janvier, 26 juin et 14 et 15 novembre 2020, Mme B..., représentée par Me E..., demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'infirmer le jugement n°1709922 du 22 novembre 2019 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a seulement reconnu l'existence d'un défaut de prise en charge des suites de son accouchement douloureux qui est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du Grand hôpital de l'Est francilien ;
2°) de déclarer le Grand hôpital de l'Est francilien responsable des dommages dont elle a souffert ;
3°) d'ordonner une expertise médicale et nommer un expert afin d'évaluer les séquelles et préjudices subis à la suite de cette faute ;
4°) d'ordonner le règlement d'une provision de 30 000 euros ;
5°) de condamner le Grand hôpital de l'Est francilien à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) de condamner le Grand hôpital de l'Est francilien aux entiers dépens et dire que les frais de nouvelle expertise devront être mis à la charge du Grand hôpital de l'Est francilien.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, il y a eu une faute médicale du centre hospitalier de Marne-la-Vallée en ce qu'il n'a pas mis en oeuvre tous les moyens d'investigation pour poser un diagnostic face à ses métrorragies ;
- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, l'hôpital de Jossigny a commis une faute engageant la responsabilité du centre hospitalier de Marne-la-Vallée dès lors qu'il a méconnu son obligation d'information s'agissant des raisons pouvant expliquer les métrorragies dont elle a souffert et des éventuelles conséquences sur les suites de sa grossesse puis sur les raisons des douleurs post-accouchement et sur un éventuel suivi médical à apporter ;
- l'hôpital de Jossigny a commis une faute engageant la responsabilité du centre hospitalier de Marne-la-Vallée dès lors qu'il n'a pas mis en place de suivi post-accouchement et qu'il y a eu un défaut de prise en charge dans les suites de l'accouchement ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité du centre hospitalier doit être engagée à raison de l'existence d'un aléa thérapeutique ;
- une expertise médicale est nécessaire pour établir de façon contradictoire l'origine exacte des phénomènes douloureux dont elle a souffert, la date de consolidation de son état de santé, ses préjudices temporaires et les préjudices permanents tenant compte du bouleversement dans sa vie quotidienne et sa vie personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2020, le Grand hôpital de l'Est francilien, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête de Mme B....
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires de la requête qui sont restées non chiffrées malgré la demande du tribunal invitant la requérante à chiffrer ses prétentions sont irrecevables ;
- les conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, devenu Grand hôpital de l'Est francilien, à lui verser une indemnité provisionnelle de 30 000 euros, sont irrecevables ;
- dès lors qu'une expertise contradictoire a déjà été réalisée et que Mme B... n'apporte aucun élément nouveau dont le docteur Vezin n'aurait pas eu connaissance, une nouvelle expertise ne présente aucune utilité ;
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que la responsabilité du Grand hôpital de l'Est francilien ne pouvait être retenue dès lors qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise, qu'aucune faute n'a été commise dans la prise en charge de Mme B... et que les lésions neurologiques obstétricales dont elle a souffert n'ont pas une origine fautive, en effet les troubles dont souffre Mme B... ont pour origine une complication extrêmement rare et imprévisible de l'accouchement par voie basse ;
- si aucun suivi n'a été mis en oeuvre dans le mois suivant l'accouchement compte tenu des douleurs dont se plaignait la patiente et de la difficulté à établir le diagnostic de lésions neurologiques liées à l'accouchement lui-même, aucune faute dans l'établissement du diagnostic ne saurait être retenue à l'encontre du Grand hôpital de l'Est francilien et l'expert n'a pas mentionné qu'un diagnostic précoce aurait permis de réduire les troubles de la patiente ou aurait eu une incidence quant à l'évolution de l'état de santé de la patiente et quant aux séquelles dont elle se plaint ;
- dès lors que l'atteinte neurologique dont a été victime Mme B... constitue une complication exceptionnelle de l'accouchement par voie basse à laquelle le déroulement de sa grossesse et son état de santé ne l'exposaient pas spécialement, aucun manquement au devoir d'information n'est susceptible d'engager la responsabilité du Grand hôpital de l'Est francilien.
La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne qui n'a pas produit d'observations.
Par ordonnance du 15 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 novembre 2020 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de Me E..., représentant Mme B...,
- et les observations de Me C... substituant Me F..., représentant le Grand hôpital de l'Est francilien.
Considérant ce qui suit :
1. Le 25 février 2016, Mme B..., qui était suivie par l'hôpital de Jossigny, qui fait désormais partie du Grand hôpital de l'Est francilien, pour une première grossesse, a été transportée aux urgences de cet hôpital pour des métrorragies au terme de 36 semaines d'aménorrhée et 2 jours. Le 26 février 2016, son accouchement a été déclenché et Mme B... a donné naissance à son enfant le 28 février 2016 en bonne santé après qu'une épisiotomie ait été réalisée. Dès l'issue de l'accouchement, Mme B... a ressenti d'importantes douleurs du périnée, atteignant sa mobilité et sa motricité, la station debout et la marche étant difficiles et la station assise impossible. Le 4 mars 2016, les points de suture de l'épisiotomie étant trop serrés, une ablation de trois fils a été réalisée, sans que toutefois cela n'entraîne une amélioration de ses douleurs. Le 5 mars 2016, malgré la persistance des douleurs, Mme B... sort de l'hôpital sans suivi. Ses symptômes douloureux persistent ce qui l'a conduit à consulter ensuite différents établissements hospitaliers, à ce qu'une intervention chirurgicale de reprise de l'épisiotomie soit réalisée le 30 mars 2016, à ce qu'un traitement médicamenteux, une neurostimulation et de la mésothérapie soient prescrits avant que le 26 septembre 2016, le diagnostic de névrome soit posé conduisant à son exérèse le 11 octobre 2016 apportant quelques améliorations avec toutefois la persistance des douleurs au niveau de l'épisiotomie et l'impossibilité pour Mme B... de reprendre son activité d'hôtesse de l'air. Mme B... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France d'une demande d'indemnisation. Après avoir diligenté une expertise réalisée par le docteur Vezin, la commission de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France a rejeté sa demande par un avis du 9 octobre 2017. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Melun aux fins de déclarer le Grand hôpital de l'Est francilien responsable de la symptomatologie douloureuse qu'elle a subie et d'ordonner une expertise médicale et de nommer un expert afin d'évaluer les séquelles et préjudices subis à la suite de cette faute. Sa demande a été rejetée par jugement n° 1709922 du 22 novembre 2019, dont Mme B... relève appel.
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense par le Grand hôpital de l'Est francilien :
En ce qui concerne les demandes présentées au titre de la responsabilité pour faute :
S'agissant des métrorragies :
2. Si Mme B... soutient qu'il y a eu une faute médicale commise par le centre hospitalier de Marne-la-Vallée en ce qu'il n'a pas mis en oeuvre tous les moyens d'investigation pour poser un diagnostic face à ses métrorragies, il résulte toutefois de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du docteur Vezin que, lorsqu'elle a été hospitalisée en urgence à 36 semaines d'aménorrhée et 2 jours, pour de petites métrorragies, " un bilan a été fait ne retrouvant pas de cause, notamment placentaire, au niveau de ses métrorragies ". Par suite, aucune prise en charge fautive des métrorragies dont souffrait Mme B... ne peut être reprochée au Grand hôpital de l'Est francilien comme l'ont considéré à bon droit les premiers juges. Par ailleurs, s'il est constant que Mme B... n'a reçu aucune information s'agissant des raisons pouvant expliquer les métrorragies dont elle a souffert et des éventuelles conséquences sur les suites de sa grossesse, il résulte de l'instruction, d'une part, que le bilan effectué n'a pas permis de déterminer les causes de ses métrorragies qui préexistaient à son admission au sein de l'hôpital de Jossigny et, d'autre part, que ses métrorragies ont conduit l'équipe médicale à décider un déclenchement de son accouchement qui s'est déroulé dans des conditions conformes aux règles de l'art aboutissant à la naissance d'un petit garçon en parfaite santé. Il s'ensuit que, dans les circonstances de l'espèce, l'absence d'information délivrée à la requérante sur les métrorragies dont elle souffrait lors de son admission au sein du centre hospitalier et sur leurs éventuelles conséquences sur les suites de sa grossesse ne peut être regardée que comme étant uniquement à l'origine d'un préjudice moral, chef de préjudice dont elle ne demande l'indemnisation ni dans ses écritures de première instance ni dans celle d'appel et pour laquelle il ne peut donc lui être alloué aucune somme.
S'agissant des douleurs post-accouchement :
3. Il résulte de l'instruction que, lors de son accouchement, Mme B... a dû subir une épisiotomie et que les premières heures suivant l'accouchement ont été marquées par des douleurs du périnée rendant difficile la station debout et la marche et impossible la station assise. Bien que l'ablation des fils pratiquée le 4 mars 2016 au niveau de l'épisiotomie, fils qui étaient trop serrés, n'ait pas permis d'atténuer les douleurs ressenties par Mme B..., aucun suivi n'a été mis en place à sa sortie de l'hôpital alors que, dans les circonstances de l'espèce, cela aurait dû être le cas comme le relève le rapport d'expertise du docteur Vezin. Par ailleurs, elle n'a pu bénéficier d'une nouvelle consultation au sein de cet hôpital uniquement plus d'un mois après l'accouchement. De plus, aucune information n'a été donnée à Mme B... sur les raisons des douleurs post-accouchement. Par suite, ce défaut de prise en charge de Mme B... dans les suites de son accouchement douloureux et d'information sur les raisons pouvant expliquer ses douleurs post-accouchement est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du Grand hôpital de l'Est francilien. Toutefois, dès lors que la requérante n'identifie pas dans ses écritures l'existence d'un préjudice précis lié à cette faute, aucune indemnisation ne peut lui être allouée à ce titre.
En ce qui concerne les demandes présentées au titre de l'aléa thérapeutique :
4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique " (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème ". Et aux termes de l'article D.1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. ".
5. Si Mme B... soutient, à titre subsidiaire, que la responsabilité du Grand hôpital de l'Est francilien doit être engagée à raison de l'existence d'un aléa thérapeutique, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du docteur Vezin que " le dommage subi par la patiente n'a pas été occasionné par la survenue d'un élément indésirable ou d'une complication imputable à un acte de prévention de diagnostic ou de soins " mais est lié à une complication imprévisible et extrêmement rare due aux pressions exercées par la tête foetale qui a comprimé les structures pelviennes pendant le travail de l'accouchement par voie basse. Les conditions d'indemnisation d'un aléa thérapeutique sur le fondement de la solidarité nationale ne sont donc pas remplies comme l'ont considéré à bon droit les premiers juges.
En ce qui concerne la demande d'expertise :
6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du docteur Vezin que les douleurs persistantes dont souffrent Mme B... ne sont pas liées à la suture de l'épisiotomie puisque sa reprise un mois plus tard n'a entraîné aucun changement et qu'au contraire a pu ensuite être identifiée 5 mois après l'accouchement par le docteur Djedid de l'hôpital Saint Camille une origine neuropathique de ses douleurs qui sont liées à une complication imprévisible et extrêmement rare due aux pressions exercées par la tête foetale qui a comprimé les structures pelviennes pendant le travail et donc à l'accouchement par voie basse et non à une faute qui aurait été commise par le Grand hôpital de l'Est francilien. D'autre part, s'agissant du névrome, le docteur Vezin relève dans son rapport que si ce dernier a pu engendrer des douleurs, ce névrome n'a pu se former qu'après la deuxième intervention chirurgicale consistant en une reprise de l'épisiotomie avec une résection des tissus cicatriciels pratiquée par le docteur Kamoun, gynécologue obstétricien au sein de la polyclinique Vauban à Livry-Gargan le 30 mars 2016 qui n'a, d'ailleurs, entraîné aucune amélioration des douleurs. Les douleurs liées à ce névrome ne peuvent donc, en tout état de cause, pas être imputables au Grand hôpital de l'Est francilien. Si Mme B... soutient qu'une expertise médicale est nécessaire pour établir de façon contradictoire l'origine exacte des phénomènes douloureux dont elle a souffert, la date de consolidation de son état de santé, ses préjudices temporaires et les préjudices permanents tenant compte du bouleversement dans sa vie quotidienne et sa vie personnelle, elle se borne à produire le rapport du 7 juin 2017 du docteur Beydoun, son conseil dans le cadre de la protection juridique dont elle bénéficie par son assureur, antérieur aux conclusions précitées du rapport d'expertise du docteur Vezin remis le 29 juin 2017 à la CCI et qu'il ne contredit pas utilement. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, dès lors que le rapport d'expertise du docteur Vezin, établi dans le cadre de la procédure devant la CCI, permet de statuer sur la responsabilité du centre hospitalier, sur l'aléa thérapeutique ainsi que sur les préjudices résultant de la faute qui a été préalablement reconnue, il n'y a pas lieu d'ordonner le déroulement d'une nouvelle expertise.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête. L'ensemble des conclusions de sa requête d'appel ne peuvent donc qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme D... B..., au Grand hôpital de l'Est francilien et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOTLa République mande et ordonne au ministre de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00197