Par un jugement n° 1429621/3-2 du 7 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a d'une part, annulé l'arrêté attaqué et a, d'autre part, enjoint au préfet de police lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2015, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1429621/3-2 du 7 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- il n'a pas méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'ont pas été méconnues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2017, M.D..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le mois suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois et de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans l'attente de ce réexamen, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au bénéfice de Me A...au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 octobre 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- et les observations de M.D....
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant ivoirien, est entré en France le 22 octobre 2001, sous couvert d'un visa C court séjour. Il lui a été délivré une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 13 octobre 2006 au 12 octobre 2007, et renouvelée jusqu'au 27 octobre 2009. Le 13 octobre 2009, l'intéressé a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code. Il se prévalait de sa relation de concubinage avec Mme E... B...et de la présence en France de leur fille, Mahdem Nathalie FatouD..., née le 10 mars 2003. L'intéressé a été mis en possession d'une carte de séjour temporaire valable du 28 octobre 2009 au 27 octobre 2010 laquelle a été renouvelée jusqu'au 28 avril 2012. Le 21 mars 2012, M. D...a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de parent d'enfant français, sa fille étant devenue française à la suite de la naturalisation de Mme B...par décret du 22 juin 2010. Un titre de séjour valable du 18 octobre 2012 au 17 octobre 2013 lui a été délivré. Le 23 juillet 2013, il a, sur le même fondement, demandé le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 3 novembre 2014, le préfet de police a rejeté sa demande. Le préfet de police relève appel du jugement du 7 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 novembre 2014 refusant à M. D...la délivrance d'un titre de séjour.
Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] ; / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; / [...]".
3. Pour annuler l'arrêté en litige, le Tribunal administratif de Paris a jugé que le préfet de police avait méconnu les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que le juge aux affaires familiales avait, dans un jugement du 3 juin 2014, constaté l'exercice conjoint de l'autorité parentale et fixé les jours de garde ainsi que la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation de l'enfant de M. D...à concurrence de la somme de 170 euros, qu'il avait produit cinq mandats cash pour l'année 2014 d'un montant de 100 à 400 euros et que sa fille était bien présente sur le territoire français, étant scolarisée au collège pour l'année 2014-2015.
4. Ainsi que cela ressort des termes de l'arrêté en litige, le préfet de police a estimé que M. D... ne remplissait pas les conditions fixées par les dispositions sus-rappelées du 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il " n'a[vait] pas été en mesure de produire les preuves de présence de l'enfant sur le territoire français lors de ses convocations dans les services de la préfecture de police ; que l'enfant Mahdem D...réside avec sa mère " sans apprécier les conditions dans lesquelles il contribuait effectivement à l'éducation et à l'entretien de sa fille telles que fixées par ces mêmes dispositions. Si l'erreur ainsi commise par le préfet de police dans l'application de ces dispositions est susceptible d'entraîner l'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté litigieux, il ressort, toutefois, et en tout état de cause, des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, M.D..., père d'un enfant, de nationalité française, né le 10 mars 2003, qu'il a reconnu, et séparé de sa mère depuis le mois de novembre 2011, n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'il contribue effectivement à son entretien et à son éducation, soit depuis sa naissance, soit depuis au moins deux ans. En effet, M. D...se borne à produire le jugement du 3 juin 2014 aux termes duquel le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Paris a, après avoir constaté que les parents de l'enfant exerçaient l'autorité parentale conjointe, accordé un droit de visite à M. D...auprès de sa fille les mercredis après 15 heures et un samedi après-midi sur deux, et a fixé une pension alimentaire due par M. D... à la mère de l'enfant à hauteur de 170 euros par mois, les certificats de scolarité du collège Victor Hugo pour l'année 2014/2015 justifiant de la présence de sa fille en France ainsi que cinq mandats cash au bénéfice de la mère de l'enfant pour l'année 2014. Dans ces circonstances, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 novembre 2014.
5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris.
6. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. D...soutient être entré en France au cours de l'année 2001, y avoir résidé régulièrement pendant sept années en qualité d'étranger malade, être le père d'un enfant mineur, de nationalité française, et être intégré professionnellement. Toutefois, à la date de l'arrêté en litige, M. D... était célibataire. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, M. D...ne démontre pas participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans au moins et où résident sa mère ainsi que son fils. Dans ces circonstances, compte tenu des conditions du séjour de M. D...en France et quand bien même il travaillait en qualité d'agent de sécurité, l'arrêté critiqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. M. D...soutient que l'arrêté en litige a pour effet de priver son enfant, de nationalité française, de sa présence, qu'il exerce l'autorité parentale conjointe et qu'il a obtenu du juge aux affaires familiales un droit de visite régulier. D'une part, l'arrêté en litige n'est assorti d'aucune obligation de quitter le territoire. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, M. D...n'établit pas effectivement contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. D...doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées en première instance et en appel et ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1429621/3-2 du 7 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 du code de justice administrative en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mars 2017.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
I. LUBEN
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04548