Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 novembre 2016, M.D..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1507625 du 12 mai 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 27 août 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat, Me B..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux a été pris par une autorité incompétente ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen sérieux et réel de sa situation ;
- cette décision méconnait les dispositions de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2017, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 octobre 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Congo relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Brazzaville le 31 juillet 1993,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Bonneau-Mathelot a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., de nationalité congolaise, relève appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 27 août 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Sur le moyen commun à toutes les décisions :
2. Par arrêté n° 2014/PCAD/220 du 7 novembre 2014, publié le 10 novembre 2014 au recueil des actes administratifs n°46 de la préfecture de Seine-et-Marne, le préfet de Seine-et-Marne a donné délégation à Mme C...A..., attachée d'administration principale, cheffe du bureau des étrangers, pour signer les refus d'admission au séjour, les décisions portant obligation de quitter le territoire ainsi que celles fixant le pays de renvoi, en cas d'absence ou d'empêchement de l'autorité administrative supérieure. Par suite, MmeA..., signataire de l'arrêté contesté, était autorisée à signer les décisions contestées. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit donc être écarté comme manquant en fait.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, il ressort de la décision en litige que le préfet de Seine-et-Marne a précisé, d'une part, que M. D...s'était vu délivrer un visa long séjour étudiant valant titre de séjour en septembre 2012, lequel avait été renouvelé jusqu'au 19 novembre 2013, d'autre part, qu'à défaut de justifier de la poursuite de sa scolarité au moment du renouvellement de ce titre, le préfet de Seine-Saint-Denis avait pris à son encontre, le 3 janvier 2014, un refus de titre de séjour et que, depuis cette date, il n'avait pu justifier avoir poursuivi ses études et qu'il avait exercé l'activité d'animateur péri-scolaire et, enfin, qu'à l'appui de sa nouvelle demande de titre de séjour, il ne justifiait pas avoir été admis dans une formation et qu'il ne remplissait donc pas les conditions d'obtention d'un titre de séjour en qualité d'étudiant. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient le requérant, il ne peut être reproché au préfet de Seine-et-Marne de ne pas avoir procédé à un examen de sa situation. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux et réel de la demande de M. D... ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine, [...]. / Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales. / [...] ". Aux termes de l'article 9 de la convention franco-congolaise susvisée : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". [...] ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de M.D..., tant le préfet de Seine-et-Marne que les premiers juges ont fait application des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. D'une part, il résulte des stipulations sus-rappelées de l'article 13 de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993 que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont applicables aux ressortissants congolais lorsqu'il n'existe pas de stipulations de la convention ayant le même objet. En l'espèce, les articles 4 et 9 de cette convention fixent les conditions dans lesquelles il est délivré aux ressortissants congolais désireux de suivre des études supérieures en France un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ces stipulations faisaient, dès lors, obstacle à ce que le tribunal administratif fasse application à la situation de M. D... des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ont le même objet.
7. D'autre part, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
8. Pour rejeter la demande de titre de séjour, le préfet de Seine-et-Marne s'est fondé sur la circonstance que M. D... n'établissait pas suivre des études en France. Ce refus trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles de l'article 9 de la Convention précitée dès lors que ces stipulations exigent, notamment, la justification d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi. En outre, cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. D...est entré en France le 29 septembre 2012, sous couvert d'un visa Schengen long séjour en qualité d'étudiant valant titre de séjour " étudiant élève " renouvelé jusqu'au 19 novembre 2013. Par un arrêté du 3 janvier 2014, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui accorder le renouvellement de ce titre de séjour dès lors que l'intéressé ne démontrait poursuivre aucune étude. A l'appui d'une nouvelle demande auprès du préfet de Seine-et-Marne, M. D...a produit une attestation de dépôt d'une candidature en master 2 " Sciences de la production et des organisations " (SPO) à l'université d'Evry. A la date de la décision en litige, le préfet de Seine-et-Marne était en possession de ce seul document pour se prononcer sur la demande de titre de séjour de l'intéressé. Si le requérant démontre avoir effectivement suivi le master 2 SPO à l'université d'Evry, au titre de l'année scolaire 2015/2016 en produisant un certificat de scolarité, un relevé de note, une appréciation d'un de ses professeurs sur un travail accompli, une attestation de réussite à ce master et des attestations de l'Université attestant de son assiduité, il n'en demeure pas moins qu'à la date de la décision critiquée, le préfet de Seine-et-Marne ne disposait que de l'attestation de dépôt de candidature au master 2. Or, un tel document ne saurait constituer la preuve d'une inscription ou préinscription au sens des stipulations susvisées de l'article 9 de la convention franco-congolaise dès lors que cette candidature peut être refusée par l'Université et qu'elle ne présume en rien d'une inscription future. Par suite, en l'absence d'un document établissant une inscription ou préinscription dans un établissement d'enseignement, le préfet de Seine-et-Marne était tenu de rejeter la demande de M.D....
10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 ci-dessus, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour porterait atteinte à la vie privée et familiale de l'intéressé en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour demandé en qualité d'étudiant.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
12. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. D... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
13. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. M. D...fait valoir qu'il réside en France depuis septembre 2012, qu'il y a noué de nombreux liens amicaux, qu'il maîtrise la langue et qu'il est bénévole depuis août 2015 dans l'association "Initiative Dialogue". Toutefois, M.D..., célibataire et sans charges de famille, ne conteste pas être dépourvu d'attaches familiales en République Démocratique du Congo où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 31 ans. Dans ces conditions, M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. Les moyens dirigés contre les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire ayant été écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions invoquée par M. D... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mars 2017.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
I. LUBEN
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03246