Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2015, M. et Mme B... -C..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 avril 2015 ;
2°) de les décharger de ces impositions mises à leur charge au titre des années 2006 à 2010 et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme B... -C... soutiennent que :
Sur la procédure d'imposition relative aux rehaussements effectués au titre des années 2006 et 2007 :
- la procédure relative aux impositions relatives aux années 2006 et 2007 est irrégulière car l'administration n'établit pas que les documents remis à la vérificatrice le 10 février 2009 leur ont été restitués antérieurement à la demande d'éclaircissements ou de justifications alors que ces documents étaient indispensables à leur défense voire à un moment quelconque de la procédure.
Sur la procédure d'imposition relative aux rehaussements effectués au titre des années 2008 à 2010 :
- la procédure d'imposition des rehaussements de 2008 est irrégulière car l'administration ne pouvait évaluer d'office les bénéfices des activités illicites sans une mise en demeure préalable antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, le 1er janvier 2010 ; par ailleurs, le contrôle a effectivement commencé avant le 1er janvier 2010 dès lors l'activité commerciale de M. B...est mentionnée dans la proposition de rectification du 30 novembre 2009 ; les principes généraux de non-rétroactivité, de sécurité juridique et de confiance légitime, qui sont des principes généraux du droit communautaire et de droit français, s'opposent à ce que l'administration applique au rehaussement de 2008, la loi du 30 décembre 2009 ;
- les rectifications de 2008, 2009 et 2010 sont insuffisamment motivées car la proposition de rectification adressée aux époux B...-C... comporte des erreurs, et est dès lors insuffisamment motivée, alors que cette proposition de rectification devait impérativement leur être adressée.
Sur les pénalités :
- les pénalités prévues à l'article 1728-1 et à l'article 1758 du code général des impôts, appliquées aux rehaussements des impositions de 2008, 2009 et 2010 ne sont ni motivées ni bien fondées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête comme étant non fondée.
Par une ordonnance du 16 novembre 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 16 décembre 2016, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Par une lettre en date du 8 février 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que la pénalité de l'article 1758 A du code général des impôts ne peut se cumuler avec la pénalité prévue à l'article 1728 du même code lorsque, comme en l'espèce, les impositions contestées sont des impositions initiales.
Par un mémoire, enregistré le 17 février 2017 le ministre de l'économie et des finances conclut au non lieu à statuer au titre de la pénalité prévue par l'article 1 758 A du code général des impôts, portant sur l'impôt sur le revenu mis à la charge des requérants au titre des années 2008 et 2009, pour des montants respectifs de 1 466 euros et de 1 172 euros.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;
1. Considérant que M. et Mme B... -C... ont fait l'objet, au titre des années 2006 et 2007, d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle ; qu'à l'issue de ce contrôle, ils ont été assujettis à des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de l'imposition, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, de sommes provenant de chèques émis au nom de M. B... par des copropriétés gérées par la société Agimda, en sa qualité de syndic, et dont il était le gérant et, dans catégorie des revenus d'origine indéterminée, de crédits inexpliqués ; que M. B...a fait l'objet, au titre des années 2008 à 2010, d'une vérification de comptabilité ; que suite à ce contrôle, M. et Mme B... -C... ont été assujettis à des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de l'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux de détournements de fonds en provenance de comptes utilisés par la SARL Agimba ; que M. et Mme B... -C... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par décision en date du 21 février 2017, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement de la pénalité prévue par l'article 1 758 A du code général des impôts, portant sur l'impôt sur le revenu mis à la charge des requérants au titre des années 2008 et 2009, pour des montants respectifs de 1 466 euros et de 1 172 euros ; que les conclusions de la requête de M. et Mme B...-C... relatives à ces pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité des procédures d'imposition :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition relative aux années 2006 et 2007 :
3. Considérant que pour le même motif que celui retenu par les juges de première instance, à l'encontre duquel les requérants n'apportent aucune critique utile et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter, le moyen tiré de ce que les relevés bancaires, transmis par les requérants au vérificateur, ne leur auraient pas été remis le 10 février 2009, soit avant la demande d'éclaircissements ou de justifications du 25 juin 2009 et, de ce qu'ainsi ils n'auraient pas été mis à même de se défendre, doit être écarté comme manquant en fait ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition relative aux années 2008, 2009 et 2010 :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 68 du même livre dans sa rédaction issue de l'article 18 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, alors applicable : " La procédure de taxation d'office (...) n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite " ; qu'il résulte du V de l'article 18 de la loi de finances rectificative pour 2009 susmentionnée, que l'extension aux activité illicites des cas dans lesquels l'administration est en droit de mettre en oeuvre une procédure d'imposition d'office sans mise en demeure préalable, s'applique aux procédures de contrôle engagées à compter du 1er janvier 2010 ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B... a fait l'objet, au titre des années 2008, 2009 et 2010, d'une vérification de comptabilité qui s'est déroulée du 14 octobre au 16 décembre 2011 suite à l'avis de vérification qui lui a été adressé le 28 septembre 2011 ; que suite à ce contrôle, l'administration a évalué d'office dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les revenus provenant des détournements de fonds effectués par M.B..., soit d'une activité illicite, sans mise en demeure préalable ; que la circonstance que le requérant ait été imposé au cours de son précédent contrôle, relatif aux années 2006 et 2007, sur des revenus de même nature ne permet pas d'établir que la procédure de contrôle aurait été engagée avant le 1er janvier 2010 alors que l'administration n'a été, en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, informée par le tribunal de grande-instance de Grenoble de ce qu'un dossier était en cours d'instruction pour escroquerie à l'encontre de M.B... au titre des années 2008, 2009 et 2010, que le 30 août 2011 ; que, dans ces conditions, l'administration a pu légalement évaluer d'office les revenus provenant de l'activité illicite de M.B..., au titre de l'année 2008, sans mise en demeure préalable, la procédure de contrôle ayant été engagée postérieurement au 1er janvier 2010 ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que l'administration s'est bornée à appliquer les dispositions légales autorisant la mise en oeuvre d'une procédure d'évaluation d'office à des faits antérieurs au 1er janvier 2010 dès lors que la procédure de contrôle afférente à ces faits est postérieure à cette même date ; qu'en faisant valoir que l'administration, en appliquant les dispositions du V de l'article 18 de la loi de finances rectificative pour 2009 au rehaussement effectué au titre de l'année 2008, a violé les principes de non rétroactivité, et de confiance légitime, les requérants mettent en cause la constitutionalité de ces dispositions légales ; que s'ils ont ainsi entendu poser une question prioritaire de constitutionnalité, leur moyen qui n'a pas été présenté par le mémoire distinct et motivé prévu à l'article R. 771-3 du code de justice administrative, ne peut, par suite, qu'être écarté comme irrecevable ; que, par ailleurs, les requérants ne peuvent utilement soutenir que ces dispositions de la loi de finances rectificative pour 2009 du 30 décembre 2009 méconnaissent les principes de confiance légitime et de sécurité juridique dès lors que ces principes communautaires ne régissent pas les impositions litigieuses ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts : " (...) les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles (...) ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédé de la mention "Monsieur ou Madame" " ; qu'aux termes de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales : " (...) chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un deux sont opposables de plein droit à l'autre " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; que l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales précité institue une présomption irréfragable de représentation mutuelle entre les personnes soumises à imposition commune pour la procédure de contrôle de l'impôt dû au titre des revenus perçus au cours de la période d'imposition commune ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé le 19 décembre 2011 une proposition de rectification à M. B...suite à la vérification de comptabilité dont il a fait l'objet ; que, le même jour, une autre proposition de rectification a été adressée à " M. ou Mme B...-C... " portant, notamment, rappel sur les rehaussements de bénéfices non commerciaux effectués dans le cadre de ladite vérification de comptabilité au titre des années 2008, 2009 et 2010 et des conséquences de ces rehaussements au niveau du revenu global d'imposition de M. et Mme B...-C... ; que, par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges, qui ne sont pas utilement critiqués par les requérants, et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter, le moyen des requérants tiré de ce que la procédure d'imposition serait viciée de par l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification qui devait impérativement leur être adressée, doit être écarté ;
Sur les pénalités :
En ce qui concerne la pénalité prévue par l'article 1728 du code général des impôts :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) " ;
10. Considérant que la proposition de rectification du 19 décembre 2011 mentionne que la pénalité de 10 % prévue par le a. de l'article 1728 est applicable aux " rehaussements BNC au titre des années 2008 et 2009 " ; que, par ailleurs l'administration établit que les requérants n'ont pas déclaré les revenus sur lesquels ils ont été supplémentairement imposés au titre des années 2008 et 2009 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que, par suite, les requérants ne sont fondés à soutenir ni que l'application de ces pénalités ne seraient pas suffisamment motivées ni qu'elles ne seraient pas fondées ;
En ce qui concerne la pénalité pour activité occulte :
11. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration (...) comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) " ;
12. Considérant qu'il résulte de la décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 du Conseil constitutionnel que la notion d'activité occulte est définie, en matière d'impôt sur le revenu, par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales " lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ", que la majoration prévue au c du 1 de l'article 1728 ne peut s'appliquer qu'à cette double condition et, enfin, qu'il incombera à l'administration d'apporter la preuve de l'exercice occulte de l'activité professionnelle ;
13. Considérant que la proposition de rectification mentionne que la pénalité prévue par le c. de l'article 1728 pour exercice d'une activité occulte est applicable aux " BNC de l'année 2010 " ; que l'administration établit que les bénéfices non commerciaux ainsi supplémentairement imposés au titre de 2010 sont constitutifs de détournements de fonds qui n'ont pas fait l'objet d'une déclaration et qui sont constitutifs d'une activité non déclarée à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ; que si les requérants avaient déjà fait l'objet de rectifications au titre des années antérieures au titre des bénéfices non commerciaux, il ne résulte pas de l'instruction que l'exercice d'une activité occulte aurait été révélée à l'administration avant l'engagement du contrôle ; que, par suite, M. et Mme B... -C... ne sont pas fondés à demander à être déchargés de la majoration prévue à l'article 1758 A du code général des impôts appliquée aux impositions mises à leur charge ;
14. Considérant que M. et Mme B...-C... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge de la pénalité prévue par l'article 1758 A du code général des impôts appliquée aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été supplémentairement assujettis au titre des années 2008 et 2009 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. et Mme B... -C... d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B... -C... tendant à la décharge de la pénalité prévue à l'article 1758 A du code général des impôts appliquée aux impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2008 et 2009.
Article 2 : Le jugement n° 1205320 du 30 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble en date du 30 avril 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B...-C... une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... -C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme B... -C... et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2015 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mars 2017.
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N° 15LY02203
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