Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 août 2016 sous le n° 16LY02872, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour de prononcer, en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1602030 du tribunal administratif de Grenoble du 30 juin 2016.
Le préfet de la Haute-Savoie soutient que :
- les moyens qu'il présente en appel sont sérieux et de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;
- le jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables puisque l'injonction prononcée de délivrer un titre de séjour à l'intéressée alors que le jugement est susceptible d'être annulé est difficilement réparable eu égard à la difficulté de retirer un titre de séjour ; il y a donc lieu de surseoir à l'exécution du jugement attaqué en ce qu'il enjoint au préfet sans fondement légal de délivrer un titre de séjour à l'intéressée et non de réexaminer sa situation en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative et de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entrainer la perte définitive d'une somme de 800 euros qui ne devait pas rester à la charge de l'Etat dans le cas où les conclusions d'appel seraient accueillies sur le fond.
Dans sa requête au fond tendant à l'annulation du jugement, enregistrée le 12 août 2016 sous le n° 16LY02875, le préfet du Rhône soutient que :
- l'appréciation porté par le tribunal administratif de Grenoble est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des faits de l'espèce ;
- l'intéressée n'ayant pas sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le moyen tiré de ce qu'elle remplirait les conditions pour l'attribution d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français est inopérant et ne pouvait fonder l'annulation des décisions litigieuses ;
- une suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité pour ses deux enfants qui a donné lieu à une saisine du procureur de la République le 3 mars 2015, est établie en l'absence de communauté de vie et de preuves de l'existence de liens affectifs et de ce que les pères participeraient de manière effective à l'entretien et à l'éducation des enfants ; cette suspicion devait conduire au rejet de sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement duquel le préfet n'était pas tenu d'examiner sa situation en l'absence de demande expresse, et sans que cette décision de rejet ne soit entachée d'une méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2017, Mme A...B..., représentée par Me Djinderedjian :
1°) conclut à l'irrecevabilité de la requête et en tous cas au rejet de la requête aux fins de sursis à exécution du jugement rendu par la tribunal administratif de Grenoble le 30 juin 2016 ;
2°) et demande de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Elle soutient que :
- le préfet de la Haute-Savoie n'invoque aucun moyen sérieux de nature à conduire à la réformation du jugement déféré ;
- le tribunal administratif de Grenoble n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; elle est mère de quatre enfants dont deux sont nés de pères français et par suite de nationalité française ; que ses enfants résident auprès d'elle sur le territoire français ;
- le préfet a donc commis une erreur d'appréciation ; la décision litigieuse est de nature à entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- la juridiction saisie est en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative en droit d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ainsi que l'a fait le tribunal administratif de Grenoble ;
- les frais irrépétibles auxquels l'Etat a été condamné en première instance ont d'ores et déjà été versés.
Mme A... B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et le protocole de New York du 31 janvier 1967 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller ;
1. Considérant que le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1602030, en date du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 8 mars 2016 refusant de délivrer à Mme B... un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination en cas d'éloignement d'office ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. " ;
3. Considérant qu'en l'état de l'instruction aucun des moyens susvisés invoqués par le préfet de la Haute-Savoie n'est susceptible d'entraîner la réformation du jugement attaqué ; que, par suite, le préfet de la Haute-Savoie n'est pas fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué n° 1602030, en date du 30 juin 2016 ;
4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, le versement à Me Djinderedjian de la somme de 1 000 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Savoie est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Djinderedjian, avocat de MmeB..., la somme de 1 000 euros, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B.... Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mars 2017.
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