Par un jugement n° 1506866/3-3 en date du 16 novembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2015, M.G..., représenté par Me I..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1506866/3-3 du 16 novembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 20 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet de police aurait dû examiner sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ainsi saisir la commission du titre de séjour en vertu des dispositions de l'article L. 312-2 du même code préalablement à l'édiction de la décision contestée portant refus de titre de séjour du fait de l'intensité et de l'ancienneté de ses attaches personnelles en France ;
- le préfet de police a entaché la décision contestée portant refus de titre de séjour d'une erreur de droit dès lors qu'il a appliqué les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain qui ne s'appliquaient pas à sa situation, dans la mesure où cet article ne concerne pas la situation des ressortissants marocains déjà intégrés et insérés professionnellement en France au moment de la demande de renouvellement de titre de séjour ; au surplus, le préfet de police, quand bien même il serait fondé à appliquer les stipulations précitées de l'article 3, aurait pu l'inviter à solliciter une autorisation de travail de la part des autorités compétentes afin de poursuivre l'activité professionnelle qu'il exerce déjà sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", dès lors qu'il remplit l'ensemble des autres conditions prévues pour la délivrance d'un tel titre ;
- le préfet de police, en refusant d'user d'un pouvoir d'appréciation qui lui aurait permis de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entaché la décision contestée portant refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a établi sa résidence habituelle et continue en France depuis la fin de 2009, qu'il y a passé l'intégralité de sa vie d'adulte, qu'il justifie d'une parfaite intégration professionnelle en France en tant que pâtissier et que l'intégralité de sa famille y vit aujourd'hui ;
- la décision contestée portant refus de titre de séjour méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de police a entaché sa décision contestée portant refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de celle-ci sur sa situation personnelle ;
- la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a entaché sa décision contestée portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de celle-ci sur sa situation personnelle ;
- la décision concernant le délai de départ volontaire ne comporte aucune motivation spécifique, le seul visa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant insuffisant ;
- le préfet de police, en fixant de manière automatique le délai de départ volontaire à trente jours, a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- la décision concernant le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que ce délai n'a pas été examiné en fonction de la situation personnelle de l'intéressé, en méconnaissance des articles 5 et 7 de la directive 2008/115/CE ; aucune information n'a été portée à sa connaissance quant à sa possibilité, le cas échéant, de solliciter un délai de départ supérieur à trente jours, en méconnaissance de l'article 16 de la loi n° 2000-321.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2016, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. G...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987,
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979,
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Luben été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...G..., né le 16 juillet 1986, de nationalité marocaine, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 mars 2015, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'issue de ce délai. M. G...relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 novembre 2015 par lequel sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejetée.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;(...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. G...a résidé en France depuis septembre 2008, qu'il a quitté le territoire français à une date indéterminée pour y entrer à nouveau, sous couvert d'un visa long séjour valant titre de séjour en qualité de conjoint de français, le 9 mai 2013, qu'il y a épousé une ressortissante française dont il a certes divorcé en décembre 2014, que l'ensemble de sa famille proche réside régulièrement en France (ses parents, M. A...G..., titulaire d'une carte de résident et Mme H...épouseG..., titulaire d'une carte de séjour temporaire, ainsi que toute sa fratrie (M. F...G..., titulaire d'une carte de séjour, M.D... G..., détenteur d'un document de circulation pour étranger mineur, M.E... G..., détenteur d'un document de circulation pour étranger mineur et Mme B...G..., titulaire d'un récépissé de demande de titre de séjour), et qu'il s'est intégré professionnellement puisqu'il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée en tant que pâtissier dans une boulangerie de Bezons. Par suite, nonobstant les circonstances que M. G...est célibataire et sans charge de famille et qu'il a vécu au Maroc jusqu'à l'âge de 23 ans, le préfet de police a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris l'arrêté attaqué et a, par suite, méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le jugement attaqué du 16 novembre 2015 et la décision litigieuse portant refus de titre de séjour en date du 20 mars 2015 doivent être annulées.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :
4. Il résulte de ce qui précède que les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, et sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. G...d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. G...de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1506866/3-3 en date du 16 novembre 2015 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police en date du 20 mars 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. G...dans le délai maximum de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. G...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...G...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mars 2017.
Le président-rapporteur,
I. LUBENLe conseiller le plus ancien,
S. BONNEAU-MATHELOT
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04611