Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 20PA02309 le 17 août 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003128/3-1 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris dans toutes ses dispositions ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu comme fondés les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 20PA02327 le 19 août 2020, le préfet de police demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2003128/3-1 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a reconnu comme fondés les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation.
- les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies.
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant bangladais, né le 10 juillet 1963 à Sylhet et entré en France le 5 octobre 2011 selon ses déclarations, a sollicité le 14 novembre 2019 son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 janvier 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Le préfet de police relève appel du jugement du 21 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. A..., son arrêté du 8 janvier 2020 et demande, en outre, à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes susvisées n° 20PA02309 et n° 20PA02327, présentées par le préfet de police tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 20PA02309 :
- Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ". En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des motifs exceptionnels exigés par la loi. En effet, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
4. Pour annuler l'arrêté du 8 janvier 2020 du préfet de police, les premiers juges ont retenu que compte tenu de l'ancienneté sur le territoire français de M. A..., qui justifie de sa présence depuis octobre 2011, de la durée et de la stabilité de son activité professionnelle, l'intéressé étant employé depuis janvier 2018 par la même société dans un commerce en détail, à temps partiel jusqu'en septembre 2019 puis à temps complet, et de sa maitrise suffisante de la langue française, le préfet de police, ne pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer que M. A... ne démontrait pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre du travail sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Toutefois, si M. A... justifie d'une ancienneté sur le territoire français depuis plus de huit années et qu'il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel en tant qu'employé polyvalent au sein de la société Sumiya depuis le 1er janvier 2018, transformé en temps complet à compter du 1er septembre 2018, ces seules circonstances ne sauraient suffire, à elles seules, à caractériser un motif exceptionnel d'admission au séjour pour la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre l'attestation établie par l'employeur de M. A... n'est pas suffisante pour établir l'intégration linguistique dont il se prévaut. Dans ces conditions, et compte tenu en particulier du caractère relativement récent de l'expérience professionnelle dont justifie M. A... à la date de la décision en litige, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 8 janvier 2020 au motif qu'il méconnaissait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile volet " salarié " et était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
- Sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris :
7. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-00999 du 31 décembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du même jour, le préfet de police a donné à M. François Lematre, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 10ème bureau au sein de la direction de la police générale de la préfecture de police et signataire de l'arrêté contesté, délégation à effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.
8. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre dispositions de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a pas présenté sa demande de titre sur le fondement du 7° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.
9. En troisième lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est sans charge de famille en France, qu'il ne dispose d'aucun logement personnel et ne justifie d'aucune intégration particulière, l'intéressé ne justifiant que d'une précédente expérience professionnelle à temps partiel en tant que cuisinier pour une durée de quatre mois. De même, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'est pas démuni d'attaches personnelles dans son pays d'origine où il y a vécu jusqu'à l'âge de 48 ans et où résident son épouse, ses neufs enfants, sa mère ainsi que cinq frères et soeurs. Dans ces conditions, M. A..., qui ne justifie pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels permettant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ni, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile volet " vie privée et familiale ". Par suite, le moyen doit être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 10 du présent arrêt, M. A..., qui ne justifie d'aucune intégration particulière et qui est sans charge de famille en France, n'est pas dépourvu d'attaches personnelles au Bangladesh où il a vécu jusqu'à l'âge de 48 ans et où résident son épouse, ses neufs enfants, sa mère ainsi que cinq frères et soeurs. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. En cinquième lieu, et compte tenu de ce qui a été dit aux 5, 10 et 12 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité et en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 8 janvier 2020 et lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement :
15. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20PA02309 du préfet de police tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 21 juillet 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA02327 par laquelle le préfet de police sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA02327 du préfet de police.
Article 2 : Le jugement n° 2003128/3-1 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président de la formation de jugement,
- Mme C..., premier conseiller,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2021.
Le président de la formation de jugement,
I. LUBEN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 20PA02309, 20PA02327