Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 30 novembre 2020 et le 4 décembre 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 2015852/8 du 16 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une contradiction de motifs, le premier juge ayant entendu statué sur les moyens communs à l'ensemble des décisions édictées mais n'ayant annulé l'interdiction de retour sur le territoire français qu'en conséquence de l'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que le premier juge, qui n'a cité que partiellement les dispositions applicables, a conclu, sans caractériser les motifs d'annulation, à un défaut de motivation, à un défaut d'examen de la situation de M. C..., à une erreur de droit et à une erreur manifeste d'appréciation ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a reconnu comme fondé les moyens tirés du défaut de motivation, du défaut d'examen de la situation de M. C..., de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les arrêtés en litige comportent des éléments de fait et de droit suffisants, que ces arrêtés ont été précédés d'un examen de l'ensemble de la situation de M. C..., que la circonstance que l'intéressé n'ait fait l'objet d'aucune condamnation pénale est sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle n'est pas fondée sur le motif tiré de la menace à l'ordre public, que même à supposer que M. C... disposait d'un titre de séjour italien en cours de renouvellement, il ne justifiait pas de moyens d'existence suffisants et qu'il y a donc lieu de procéder à une substitution de motifs, que la détention par M. C... d'un titre de séjour italien, même à supposer qu'il était en cours de renouvellement, ne faisait pas obstacle à l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la très brève durée de présence de M. C... sur le territoire français ainsi que les conditions de son séjour ne permettent pas de caractériser une erreur manifeste d'appréciation, que si le motif tiré de l'absence de documents d'identité en cours de validité doit être neutralisé, M. C... ne justifiait pas de garanties de représentation suffisantes et qu'ainsi le délai de départ volontaire pouvait lui être refusé, et qu'enfin, et l'arrêté portant interdiction de retour du territoire français ne pouvait être annulé en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;
- les autres moyens soulevés par M. C... en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application des accords de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 et modifiée par le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 abrogeant le règlement (CE) n° 562/2006 établissant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ;
- le décret n° 2000-652 du 4 juillet 2000 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant pakistanais, né le 13 mars 1983 à Sargodha, a été interpellé le 25 septembre 2020 dans le cadre d'une enquête pour tentative d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste. Par un arrêté du 29 septembre 2020, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un second arrêté du même jour, le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour du territoire français pour une durée de trois ans. Le préfet de police relève appel du jugement du 16 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. C..., ses arrêtés du 29 septembre 2020.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Pour annuler les décisions du 29 septembre 2020 par lesquelles le préfet de police a obligé M. C... à quitter le territoire, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination, le premier juge a retenu que ces décisions étaient entachées d'un défaut de motivation, d'un défaut d'examen personnel, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation et en a déduit l'illégalité de la décision portant interdiction de retour du territoire français par voie de conséquence. Toutefois, le jugement attaqué, qui se limite à citer les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la motivation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et les dispositions du III du même article, relatives au prononcé d'une interdiction de retour du territoire français, et qui relève que M. C..., qui est titulaire d'un titre de séjour italien en cours de renouvellement, ne fait l'objet d'aucune poursuite judiciaire, ne permet pas de comprendre le raisonnement du premier juge et ainsi d'en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen tiré de la contradiction de motifs, ce jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. C....
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur le moyen tiré du défaut d'examen de la situation de M. C... soulevé devant le tribunal administratif de Paris :
5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I (...) Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger rejoint le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. (...) ". Aux termes de l'article L. 531-1 du même code : " I. - Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. (...) ". En outre, aux termes de l'article 5 du décret n° 2000-652 du 4 juillet 2000 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997 : " 1. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante pour autant qu'il est établi que ce ressortissant est entré sur le territoire de cette Partie après avoir séjourné ou transité par le territoire de la Partie contractante requise. ".
6. Il ressort des mentions du procès-verbal d'interpellation de M. C... le 25 septembre 2019 que celui-ci a présenté lors de son contrôle par les services de police un passeport pakistanais en cours de validité ainsi qu'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes et que celui-ci était récemment expiré. Lors de son audition du même jour, M. C... a déclaré qu'il devait se rendre en Italie pour régulariser sa situation administrative. L'intéressé soutient que son titre de séjour est en cours de renouvellement. Toutefois, et même s'il n'est pas établi que le titre de séjour de M. C... était bien en cours de renouvellement en Italie, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C... et aurait étudié la possibilité de sa réadmission vers l'Italie avant de prendre la décision contestée l'obligeant à rejoindre le Pakistan alors que le préfet de police fait valoir lui-même que le passeport de M. C..., dont l'autorité administrative avait connaissance lors de l'audition de l'intéressé, comportait un cachet de sortie des autorités frontalières pakistanaises en date du 18 juillet 2020 et un cachet d'entrée des autorités italiennes en date du 19 juillet 2020, de sorte que l'intéressé, qui déclare être arrivé en France dès le 20 ou le 21 juillet 2020 à la faveur de son titre de séjour italien en cours de validité, devait ainsi être regardé comme en provenance directe d'un Etat membre de l'Union européenne. Ce n'est que postérieurement aux décisions obligeant M. C... à quitter le territoire français sans délai et fixant le Pakistan comme pays de renvoi que le préfet de police a contacté les autorités italiennes le 1er octobre 2020 afin d'envisager la possibilité d'une réadmission de l'intéressé dans le cadre de l'accord de réadmission franco-italien du 3 octobre 1997. Par suite, M. C... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et, par voie de conséquence, la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, la décision fixant le Pakistan comme pays de destination et la décision portant interdiction de retour du territoire français pour une période de trois ans.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à demander l'annulation des arrêtés du préfet de police du 29 septembre 2020.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2015852/8 du 16 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les arrêtés du 29 septembre 2020 du préfet de police sont annulés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. B..., président de la formation de jugement,
- Mme Collet, premier conseiller,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2021.
Le président de la formation de jugement,
I. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03643