Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 juin 2015, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400405 du 24 février 2015 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 juin 2014 par lequel le ministre de la santé, de la protection sociale généralisée et de la fonction publique de la Polynésie française a mis fin par anticipation pour faute grave à son détachement en Polynésie française et l'a remis à la disposition de son administration d'origine ;
3°) d'enjoindre à la Polynésie française d'assurer sa rémunération jusqu'au 31 mars 2015 sous astreinte de 5 000 F CFP par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du président du gouvernement de la Polynésie française le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la lettre de convocation à l'entretien préalable ne mentionne pas qu'il a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes, en méconnaissance de l'article 25 de la délibération n° 98-145 APF du 10 septembre 1998 ;
- il n'a pas disposé d'un délai raisonnable pour préparer sa défense dès lors qu'il a reçu sa convocation le mardi 24 décembre 2013 pour un entretien le 26 décembre à 14 heures, ce qui rendait impossible la consultation du dossier ;
- l'administration ne lui a fait part de son intention de mettre fin à ses fonctions que le jour de l'entretien ; la cessation anticipée de ses fonctions n'a pas été évoquée lors de cet entretien ;
- le conseil de discipline n'a pas été consulté alors qu'il a été mis fin à son détachement pour faute grave ;
- la décision du 19 juin 2014 mettant fin de manière anticipée à son détachement ne comporte aucune motivation ;
- l'arrêté du 26 décembre 2013 n'est pas motivé ;
- les griefs retenus à son encontre sont fictifs, il n'a jamais reconnu les faits mentionnés dans le courrier du ministre de l'équipement du 26 décembre 2013 ; il lui appartenait seulement de vérifier la bonne exécution des travaux et non de se substituer au ministère ou aux services compétents ;
- les premiers juges ne précisent pas les clauses du marché qui ont été méconnues alors qu'il avait exposé les clauses du CCTP lui imposant une obligation de prudence dans les opérations de pompage, et notamment celles du fascicule n° 68 ;
- l'administration polynésienne n'a jamais produit l'instruction qu'il aurait reçue et à laquelle il aurait désobéi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2015, le président du gouvernement de la Polynésie française, représenté par la Scp de Chaisemartin-Courjon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par une ordonnance du 19 septembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la loi du 22 avril 1905, notamment son article 65 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux dispositions de détachement, hors cadre, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration ;
- la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique du territoire de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stoltz-Valette,
- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,
- et les observations de Me de Chaisemartin, avocat du gouvernement de la Polynésie française.
1. Considérant que M.A..., ingénieur territorial principal de la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée, a été détaché à sa demande auprès de la direction de l'équipement de la Polynésie française à compter du 1er avril 2011 pour exercer les fonctions de chef de subdivision études et travaux de génie civil de l'arrondissement infrastructures pour une durée de deux ans, renouvelée par arrêté du 27 mars 2013 ; qu'il relève appel du jugement en date du 24 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2014 par lequel le ministre de la santé, de protection sociale généralisée et de la fonction publique de la Polynésie française a mis fin par anticipation à son détachement et l'a remis à la disposition de son administration d'origine ;
2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 64 de la loi 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son cadre d'emploi, emploi ou corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / Il est prononcé sur la demande du fonctionnaire. / Le détachement est de courte durée ou de longue durée. Il est révocable. (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux dispositions de détachement, hors cadre, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration : " (...) il peut être mis fin au détachement avant le terme fixé par l'arrêté le prononçant à la demande soit de l'administration ou de l'organisme d'accueil, soit de l'administration d'origine. (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardés dans leur avancement à l'ancienneté " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier préalablement à cette mesure ;
4. Considérant que la décision du 19 juin 2014, fondée notamment sur l'insuffisance de M. A... dans l'exécution des tâches qui lui avaient été confiées, a été prise en considération de sa personne ; qu'elle ne pouvait donc légalement intervenir qu'après qu'il ait été mis à même de demander la communication de son dossier ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 24 décembre 2013, notifiée le même jour, le ministre de la Polynésie française chargé de l'équipement a convoqué M. A...à un entretien pour le 26 décembre à 14 h, afin de recueillir ses explications sur les dysfonctionnements constatés dans la conduite des opérations qui lui étaient confiées, et lui a fait part de la possibilité d'obtenir la communication de son dossier auprès du bureau des ressources humaines ; qu'à la suite de cet entretien, le ministre a informé M.A..., par lettre du 26 décembre 2013, de sa décision de mettre fin à ses fonctions de chef de subdivision à compter du 2 janvier 2014 et de son intention de proposer au président de la Polynésie française la fin de son détachement à compter du 30 juin 2014 ; qu'alors même que ni cette lettre, ni aucun autre courrier précédant l'arrêté attaqué n'a rappelé à M. A...la possibilité de consulter son dossier, il en avait connaissance six mois avant la décision prononçant la fin anticipée de son détachement et était ainsi en mesure, s'il l'avait estimé utile, de procéder à cette consultation ; que contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration, qui l'a régulièrement informé de la possibilité d'obtenir la communication de son dossier auprès du bureau des ressources humaines, n'était pas tenue de préciser qu'il pouvait également solliciter la communication de tous les documents annexes à son dossier individuel ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué du 19 juin 2014 vise les dispositions législatives et réglementaires applicables ainsi que les lettres précédemment adressées à M. A...tout au long de la procédure, et notamment celle du 26 décembre 2013 qui expose les fautes retenues par l'administration pour envisager de mettre fin au détachement à compter du 30 juin 2014 ; que cette motivation par référence est régulière dès lors qu'elle permet à l'intéressé de comprendre les motifs de la décision attaquée et d'en discuter utilement le bien-fondé ; que, par suite, la décision attaquée satisfait à l'obligation de motivation prévue à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
6. Considérant, en troisième lieu, que le caractère révocable du détachement permet à l'administration d'accueil d'y mettre fin avant son terme sans engager de procédure disciplinaire, alors même que sa décision est fondée sur des fautes susceptibles de relever d'une telle procédure ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de consultation du conseil de discipline doit être écarté comme inopérant ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que M. A...invoque par voie d'exception l'illégalité de l'arrêté du 26 décembre 2013 par lequel il a été mis fin à ses fonctions de chef de subdivision ; que, toutefois, l'appelant ne peut exciper par voie d'exception de l'illégalité de cet arrêté qui est devenue définitif, ayant été notifié à l'intéressé le 3 janvier 2014 avec mention des voies et délais de recours ; qu'en tout état de cause, cet arrêté est suffisamment motivé et répond aux exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que dans le cadre d'un marché public conclu le 19 mars 2013, le gouvernement de Polynésie française a confié à l'entreprise Boyer les travaux d'aménagement du carrefour dénivelé de la mairie de la commune de Punaauia ; que les stipulations contractuelles prévoient que la maîtrise d'oeuvre de l'opération est assurée par le chef de l'arrondissement infrastructure de la direction de l'équipement ; qu'en sa qualité de chef de subdivision études et travaux de génie civil, M. A...était chargé de représenter la maîtrise d'oeuvre et d'assurer la surveillance des travaux ; que l'administration fait valoir que les fautes commises par M. A...dans l'exercice de ses fonctions sont à l'origine de la mesure mettant fin de manière anticipée à son détachement ; que M. A...ne conteste pas avoir validé et mis en paiement des factures relatives au déplacement des réseaux de concessions électriques pour un montant de plus de 120 millions de F CFP, sans les avoir préalablement soumises à la validation du service de l'énergie ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...n'a jamais contesté les faits devant son administration puis en première instance ; qu'en outre l'intéressé détaché à sa demande auprès de la direction de l'équipement de la Polynésie française à compter du 1er avril 2011 et qui exerçait depuis cette date les fonctions de chef de subdivision, ne peut sérieusement soutenir qu'il ignorait les règles de procédure interne et notamment celles relatives à la compétence du service de l'énergie en la matière ; que, par ailleurs, M. A...a établi un ordre de service demandant à l'entreprise chargée du pompage de la nappe phréatique de suspendre ses travaux jusqu'à ce qu'elle ait justifié de la mise en place d'un contrôle de paramètres non prévu par le marché ; que les stipulations du fascicule 68 relatif à l'exécution des travaux de fondation des ouvrages de génie civil prévoient que " le contrôle du rabattement doit être particulièrement suivi par le maître d'oeuvre au cas où il y a risque de dommages aux tiers. Sauf dispositions différentes du marché, le comportement des nappes est vérifié par l'entrepreneur pendant toute la durée de leur rabattement, selon les dispositions qu'il a soumises au visa du maître d'oeuvre, en ce qui concerne la nature des dispositifs utilisés, la périodicité des relevés. " ; qu'ainsi M. A...a demandé à l'entreprise chargée de la réalisation des travaux d'arrêter immédiatement les opérations de pompage de la nappe aquifère en se fondant sur des valeurs non contractuelles du niveau de la nappe et lui a imposé de se soumettre à l'avis technique du bureau d'études alors que ces opérations de pompage relevaient de la responsabilité de l'entreprise chargée de la réalisation des travaux ; que cette suspension des opérations de pompage a conduit le gouvernement de Polynésie française à faire droit à la demande d'indemnisation présentée par cette entreprise, à concurrence de 7 millions F CFP ; que, dans ces conditions, eu égard aux manquements commis par M.A..., la Polynésie française n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en mettant fin à ce détachement ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du gouvernement de la Polynésie française présentées sur le même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du gouvernement de la Polynésie française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au président du gouvernement de la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Dalle, président,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
D. DALLE
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre des outre mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02555