Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 avril 2016, M. A...B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1520258/6-2 du 8 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2015 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;
- l'avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police est irrégulier au regard des dispositions des articles L. 313-11 11° et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faute d'indiquer la durée du traitement ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait ;
- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté méconnait l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à la gravité de son état de santé et à sa situation de dépendance envers ses proches résidant régulièrement en France ;
- il méconnaît l'article 7 quater de l'accord franco tunisien du 17 mars 1988 ;
- il méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son épouse et ses quatre enfants résident régulièrement en France ;
- il porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux risques pour sa vie en cas d'éloignement ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle ;
- il méconnait l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2016, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une simple erreur de plume et non d'une erreur de fait en ce qu'elle relève à tort que l'épouse du requérant était en situation irrégulière ;
- le moyen pris de la violation de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à son état de santé est inopérant pour contester la légalité du refus de séjour et de la décision d'éloignement ; il est en outre infondé ;
- la décision contestée n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article L. 311-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en tout état de cause le requérant n'avait pas présenté de demande sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni sur l'article 7 quater F de l'accord franco-tunisien ;
- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle du requérant ;
- aucun des autres moyens du requérant n'est fondé.
Un mémoire présenté pour M.B..., tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens, a été enregistré le 8 novembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- et les observations de Me Dujoncquoy, avocat de M.B....
1. Considérant que M. B...ressortissant tunisien, né le 25 août 1957, entré sur le territoire français le 9 octobre 2013, a sollicité le 31 octobre 2014 la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en tant qu'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 2 septembre 2015, le préfet de police a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. B...relève appel du jugement du 8 mars 2016, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, d'une part, qu'il est constant que M. B...est atteint d'une dégénérescence cortico-basale et que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
3. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des nombreux certificats médicaux, notamment hospitaliers, produits par M.B..., qu'eu égard à la gravité de la maladie dégénérative dont il est atteint et à l'importance de la perte d'autonomie en résultant, il a besoin en permanence de l'assistance de son épouse et de ses enfants et se trouve en situation de totale dépendance envers ses proches ; qu'à cet égard, il ressort des pièces du dossier que les trois enfants majeurs de M.B..., lequel est accueilli au domicile de l'un deux, résident régulièrement en France, ainsi que deux frères et une soeur du requérant, tous trois de nationalité française ; que par ailleurs, il est constant devant la Cour que, contrairement aux mentions de la décision contestée aux termes de laquelle elle se trouvait en France en situation irrégulière, l'épouse du requérant se trouvait également en France en situation régulière, où elle réside sous couvert d'un titre de séjour provisoire en tant qu'accompagnante d'enfant malade, leur fille mineure suivant en France depuis 2013 un traitement médical de longue durée à Paris sous couvert d'un titre de séjour en tant qu'étranger malade ; que, dans ces conditions, alors même que le requérant pourrait bénéficier d'un traitement médical approprié en Tunisie et que d'autres membres de sa fratrie résident dans son pays d'origine, le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.B... ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que les motifs du présent arrêt impliquent nécessairement, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet de police délivre à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer ce titre dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à M. B...;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1520258/6-2 du 8 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 2 septembre 2015 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Dalle, président
- Mme Notarianni, premier conseiller,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNI
Le président,
D. DALLE
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01213