Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, M. A... C..., représenté par Me Dujoncquoy, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003475 du 22 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté litigieux ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, aux mêmes conditions, un titre de séjour en qualité de salarié ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'arrêté litigieux :
- est insuffisamment motivé et que sa situation n'a pas été examinée ;
- est entaché d'un vice de procédure, faute de consultation de la commission du titre de séjour ;
- méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- contrevient au 10ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- méconnaît l'article 9 du code civil ;
- méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code déjà mentionné ;
- méconnaît la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- est entaché de détournement de pouvoir.
Par une ordonnance du 11 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juillet 2021.
Un mémoire, enregistré le 11 octobre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction, a été présenté pour M. A... C... par Me Dujoncquoy.
Un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction, a été présenté par le préfet de police de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- la Constitution du 27 octobre 1946 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez,
- et les observations de Me Dujoncquoy, représentant M. A... C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant tunisien, entré en France en 2011 selon ses déclarations, a sollicité la régularisation de sa situation au regard des règles de séjour en France. Par arrêté du 23 janvier 2020, le préfet de police de Paris a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a assigné un pays de destination. Le tribunal administratif de Paris a rejeté son recours en excès de pouvoir contre cet arrêté par un jugement n° 2003475 du 22 juillet 2020, dont appel.
2. En vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques et de manière générale constitue une mesure de police. Et en vertu des dispositions de l'article L. 211-5 du même code, la motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constitue le fondement de la décision.
3. L'arrêté litigieux mentionne précisément les articles sur le fondement desquels le préfet de police de Paris s'est fondé pour refuser la régularisation du séjour de M. A... C.... Il s'est explicitement prononcé sur le bénéfice des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont s'est prévalu le requérant. S'il n'a pas mentionné la circulaire du ministère de l'intérieur du 28 novembre 2012, il n'était pas tenu de le faire. Contrairement aux allégations du requérant, il a fait explicitement état de l'activité salariée en France de ce dernier et de ses bulletins de salaire. Enfin, pour estimer que le refus de titre ne portait pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A... C..., le préfet de police de Paris s'est fondé sur sa qualité de célibataire, son âge lorsqu'il a quitté la Tunisie, et la présence dans ce pays de ses parents et de frères et sœurs. Les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté attaqué et d'examen approfondi de la situation du demandeur de titre ne peuvent donc qu'être écartés.
4. En vertu des dispositions de l'article L. 312-1 du code mentionné ci-dessus, la commission du titre de séjour est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par ailleurs, en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du même code, l'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à cette commission une demande d'admission exceptionnelle au séjour formé par l'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de 10 ans.
5. D'une part, à supposer que M. A... C... se soit effectivement prévalu à l'appui de sa demande de régularisation, des dispositions du 7° de séjour L. 313-11 du même code, l'administration n'est tenue de saisir la commission que du cas des étrangers qui remplissent les conditions de fond d'octroi d'un titre de séjour de plein droit, et non du cas de ceux qui s'en prévalent. À cet égard, et alors même que le requérant exerce une activité salariée d'employé polyvalent dans la restauration, sa situation en France ne révèle aucunement qu'il y ait établi des liens personnels et affectifs tels qu'il remplisse les conditions de délivrance de plein droit du titre prévu au 7° de l'article L. 313-11 de ce code, comme il a été dit au paragraphe 3. Ainsi, le préfet de police de Paris n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour de la demande de régularisation de M. A... C... au titre de la vie privée et familiale.
6. D'autre part, l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 stipule que : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (....) ". Et aux termes de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord.
7. Il suit de là que M. A... C..., qui relève des stipulations de l'article 3 précité de l'accord franco-tunisien visé ci-dessus, ne pouvait valablement se prévaloir de l'admission exceptionnelle au séjour instituée par l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, à supposer même que l'intéressé justifiât d'une durée de séjour ininterrompue de plus de 10 ans en France, le préfet de police de Paris n'était pas tenu de saisir cette commission sur le fondement de cet article.
8. Aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. " Et en vertu du 10ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : " La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ". Aux termes de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Et aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
9. À l'appui de sa contestation du refus d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale, M. A... C... ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions à valeur constitutionnelle mentionnées ci-dessus, qui tendent de manière générale à la protection de la liberté et l'épanouissement individuel, ni de l'article 9 du code civil qui tend à la protection de la vie privée.
10. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 18 et 19 du jugement attaqué, d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, moyens repris sans changement en appel, ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur la situation de M. A... C....
11. Il résulte de ce qui a été dit aux paragraphes 6 et 7 du présent arrêt que
M. A... C... ne pouvait utilement se prévaloir du bénéfice des dispositions de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié.
12. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 13 du jugement, le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, dont se prévaut à nouveau en appel le requérant.
13. Enfin, en l'absence de toute précision, le moyen tiré du détournement de pouvoir dont serait entaché l'arrêté litigieux, doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté son recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du 23 janvier 2020 pris à son encontre par le préfet de police de Paris. Par voie de conséquence, doivent être écartées ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête M. A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. Simon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 5 novembre 2021.
Le rapporteur,
J.-E. SOYEZLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02021