Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 décembre 2017 et 13 mai 2018, la Sarl Hôtel des Beaux-arts, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1602823/2-2 du 26 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée et de désigner un expert chargé d'apprécier la validité de sa comptabilité ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est viciée dès lors que la motivation de la réponse aux observations de la contribuable du 21 octobre 2011 diffère de celle de la proposition de rectification ; c'est à tort que le service ne lui a donc pas adressé une proposition de rectification complémentaire ;
- c'est à tort que le service a considéré que sa comptabilité était dépourvue de valeur probante ;
- la reconstitution de recettes opérée par l'administration est erronée ; le service a eu une attitude déloyale lors de la séance de la commission départementale des impôts ;
- le service n'a mis en oeuvre qu'une seule méthode de reconstitution des recettes, en méconnaissance de la doctrine administrative, publiée sous la référence 4 G-3342 n° 4 du 25 juin 1998.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stoltz-Valette,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La Sarl Hôtel des Beaux-arts, qui exerce une activité hôtelière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période comprise entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010. Après avoir écarté la comptabilité comme irrégulière et non probante, le service a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, laquelle a donné lieu, selon la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. La Sarl Hôtel des Beaux-arts relève appel du jugement du 26 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ".
3. La société requérante soutient que la réponse à ses observations, en date du 21 octobre 2011, comporte une motivation différente de celle contenue dans la proposition de rectification initiale du 29 juillet 2011 et que l'administration était ainsi tenue de procéder à une nouvelle proposition de rectification, Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration n'a pas modifié le principe même du redressement à l'origine du litige. En outre, contrairement à ce que soutient la société, le service n'a pas retenu de nouveaux motifs conduisant à un redressement supérieur. En effet, le vérificateur a mentionné en pages 3, 5 et 6 de la proposition de rectifications du 29 juillet 2011 les motifs l'ayant conduit à rejeter la comptabilité de la société. Au stade de la réponse aux observations du contribuable du 21 octobre 2011, il a approfondi les arguments précédemment développés afin de répondre à ses observations. Ainsi le moyen relatif à la régularité de la procédure d'imposition doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
4. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) " .
5. Il résulte de l'instruction que l'administration a rejeté la comptabilité de la Sarl Hôtel des Beaux-arts au titre des exercices clos en 2009 et 2010 en se fondant sur la circonstance que les recettes de la société n'étaient justifiées que par des doubles carbonés de notes destinées aux clients, non numérotées ni associées à des souches. De tels justificatifs ne permettent pas de confirmer que toutes les transactions étaient reportées en comptabilité. Lors des opérations de contrôle, le service a également constaté que les recettes, avant consolidation mensuelle, n'étaient retracées que sur un tableau journalier Excel tenu manuellement, qui ne permet pas de garantir un enregistrement chronologique des opérations et est aisément modifiable. En se bornant à soutenir qu'elle n'était tenue à aucune obligation légale concernant la facturation de ses clients privés, la société requérante ne conteste pas sérieusement les graves irrégularités de sa comptabilité relevées par l'administration, laquelle était, par suite, fondée à rejeter la comptabilité de la société qui ne répondait pas aux conditions de l'article 54 du code général des impôts précité.
6. Il résulte de l'instruction que le service a établi les impositions contestées conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lors de sa séance du 8 mars 2012. La comptabilité de la société étant entachée de graves irrégularités, ainsi qu'il vient d'être dit, la charge de la preuve de l'exagération des rehaussements litigieux incombe en principe à la Sarl des Hôtel des Beaux-arts, laquelle soutient toutefois que la procédure suivie devant la commission départementale des impôts était irrégulière.
7. La Sarl Hôtel des Beaux-arts soutient que l'avis émis par la commission départementale des impôts à l'issue de sa séance du 8 mars 2012 est irrégulier en raison de l'attitude déloyale du service qui a produit en séance le rapport de police établi le 26 janvier 2011, sans qu'elle puisse le critiquer utilement. Il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification du 29 juillet 2011 régulièrement adressée à la société que le service, après avoir exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire dans le cadre de l'instruction visant la Sarl Hôtel des Beaux-arts, s'est notamment fondé sur la copie du rapport de police établi le 26 janvier 2011 pour procéder à la reconstitution de ses recettes et notifier les rehaussements litigieux. Il est constant que la société n'a jamais sollicité la communication de ce document dont la teneur et l'origine ont été mentionnés dès l'envoi de la proposition de rectification. Dans, ces conditions, et à supposer même que le rapport établi par l'administration et mis à la disposition du contribuable avant la tenue de la séance de la commission départementale des impôts ne mentionne pas ce rapport de police, la Sarl Hôtel des Beaux-arts n'établit pas qu'elle n'a pas pu présenter des observations circonstanciées sur le rapport précité et que le service s'est comporté de manière déloyale. Dans ces conditions et conformément aux dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il appartient à la société requérante soit de démontrer que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit de proposer une méthode de reconstitution plus précise que celle retenue par l'administration.
8. Il résulte de l'instruction que pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la Sarl Hôtel des Beaux-arts provenant de la location de chambres à des prostituées, l'administration s'est fondée sur le rapport de police établi le 26 janvier 2011 ainsi que sur les déclarations des membres du personnel et des prostituées obtenues grâce au droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire. Conformément aux renseignements dont il disposait, le vérificateur a retenu les tarifs de 20 euros et de 30 euros indiqués par les notes de client relatives à cette activité, et signalées par la mention " RV ". Il a ainsi fixé le nombre de rendez-vous journaliers à dix, se conformant ainsi à l'avis émis par la commission départementale des impôts et a déduit des recettes résultant de ce calcul les recettes issues de la location de chambres à des prostituées et effectivement comptabilisées par la société sur la base des notes portant la mention " RV ". Contrairement à ce que soutient la société, le service a, dans sa réponse aux observations de la contribuable, tenu compte de la diminution de l'activité résultant des travaux réalisés durant quatre mois en 2009. Par ailleurs, la circonstance, au demeurant non établie, que l'hôtel ait affiché complet n'empêchait nullement le déroulement des activités de " rendez-vous " comme le prétend la société, dès lors que cette activité de prostitution se déroulait essentiellement la journée, avant l'arrivée de la clientèle classique. Si elle demande également la prise en compte des dimanches ainsi que des jours durant lesquels son établissement était fermé, elle se borne à produire un tableau qui n'est pas de nature à établir ses allégations quant à l'absence d'activité hôtelière. Par ailleurs, le service a pris en compte les dates de fermeture de l'établissement en août et décembre. Si la société se prévaut également de ce que l'activité litigieuse n'aurait débuté qu'au cours de l'été 2010, concomitamment à la fermeture d'un hôtel voisin, il est constant que la société a elle-même produit des notes de clients portant notamment sur les exercices 2009 et 2010. Par conséquent, elle ne peut utilement soutenir qu'aucune activité de prostitution ne peut être retenue au titre de l'exercice 2009. L'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 novembre 2015 et les procès-verbaux des surveillances policières qui font état de trois rendez-vous environ par après-midi, ne permettent de remettre en cause le chiffre retenu par l'administration, faute pour la société d'établir que l'activité de location de chambres à des prostituées se limiterait à l'après-midi ou aux plages horaires pendant lesquelles l'hôtel a fait l'objet d'une surveillance policière. La circonstance que l'une des salariées dont l'administration a utilisé le témoignage ait été, postérieurement à la vérification de comptabilité, en litige avec ses employeurs ne suffit pas à faire regarder son témoignage comme dénué de toute valeur probante, ni n'ôte rien au caractère probant du témoignage concordant, également relevé par l'administration, d'une seconde employée qui n'a, quant à elle, pas connu de litige avec ses employeurs. Si la société requérante soutient également qu'en ne prenant pas en compte les chambres facturées à 40 ou 50 euros le service a sous-évalué le nombre de rendez-vous déjà comptabilisés, il résulte toutefois de l'instruction que le service s'est fondé sur les notes de clients mentionnant un tarif de 20 ou 30 euros et a également tenu compte des notes sur lesquelles était mentionné le tarif de 39 euros. Par suite, la Sarl Hôtel des Beaux-arts n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la méthode retenue par l'administration serait excessivement sommaire ou radicalement viciée.
9. La Sarl Hôtel des Beaux-arts ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation de base 4-G-3342 du 25 juin 1998 qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale invocable.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire de procéder à la désignation d'un expert pour apprécier la régularité de sa comptabilité, que la Sarl Hôtel des Beaux-arts n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Sarl Hôtel des Beaux-arts est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Hôtel des Beaux-arts et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03934