Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 avril 2018 et le 8 février 2019, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1700183 du 30 janvier 2018 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler la décision et l'arrêté attaqués en première instance ;
3°) d'enjoindre au président du gouvernement de la Polynésie française de le réintégrer dans ses fonctions dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 900 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la sanction disciplinaire n'est pas suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 25 de la délibération n° 95-215 de l'assemblée territoriale de la Polynésie française du 14 décembre 1995 ;
- à supposer que les motifs retenus pour le sanctionner soient ceux mentionnés dans le rapport de saisine du conseil de discipline, qui ne pouvait contenir d'autres griefs que ceux figurant dans le rapport établi par le directeur du centre hospitalier, dans les conditions prévues à l'article 86 de cette délibération, il n'a ni manqué à ses obligations professionnelles ou déontologiques, alors par ailleurs que seul le conseil de l'Ordre des médecins est compétent en la matière, ni nui au bon fonctionnement du service ;
- la sanction est manifestement disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2018, la Polynésie française, représentée par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française et la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 95-215 de l'assemblée territoriale de la Polynésie française du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique du territoire de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me de Chaisemartin, avocat de la Polynésie française.
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l'article 86 de la délibération n° 95-215 de l'assemblée territoriale de la Polynésie française du 14 décembre 1995, le pouvoir disciplinaire sur les fonctionnaires titularisés dans un grade de la hiérarchie de l'administration du territoire de la Polynésie française appartient au président du gouvernement après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline. En vertu de l'article 25 de la même délibération, la décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée.
2. L'autorité qui prononce une sanction disciplinaire a l'obligation de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre du fonctionnaire intéressé, de sorte que ce dernier puisse à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un rapport daté du 20 septembre 2016, le directeur par intérim du centre hospitalier de la Polynésie française a demandé au président du gouvernement d'infliger la sanction disciplinaire de la révocation à M.B..., praticien hospitalier titulaire, exerçant des fonctions de chirurgien vasculaire et thoracique au centre hospitalier de la Polynésie française. Ce rapport, d'une longueur de 29 pages, exposait de manière détaillée de nombreux incidents impliquant ce praticien hospitalier, dans le but de justifier la sanction proposée. Le rapport de saisine du conseil de discipline, signé par le président du gouvernement et daté du 12 décembre 2016, envisage également la révocation de M.B..., en décrivant de manière plus succincte le manquement à ses obligations professionnelle à l'occasion de l'hospitalisation d'un patient le 27 août 2016, en se référant au contenu du rapport daté du 20 septembre 2016 ainsi qu'à un rapport d'audit pour lui reprocher d'adopter vis-à-vis tant des patients que du personnel du centre hospitalier un comportement nuisible au bon fonctionnement du service public et en faisant état d'un nouvel incident impliquant M.B..., survenu le 27 novembre 2016. La commission administrative paritaire compétente à l'égard des praticiens hospitaliers, siégeant en formation disciplinaire, à laquelle ont été lus les rapports datés des 20 septembre et 12 décembre 2016, a été d'avis, à l'unanimité, qu'il convenait d'infliger à M. B...la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de deux ans.
4. Par une décision du 2 mars 2017 et un arrêté du 24 avril 2017, le président du gouvernement a suivi cet avis. Il reproche à M. B...d'avoir manqué au devoir de réserve et au devoir d'obéissance, d'avoir déstabilisé par ses agissements le fonctionnement du bloc opératoire et porté atteinte à la crédibilité des politiques publiques menées par le gouvernement en matière de santé, mettant en péril la continuité du service public des soins. Ni sa décision, ni son arrêté ne comporte de précisions sur les faits ainsi qualifiés, ni même d'ailleurs de renvoi à l'un ou l'autre des rapports dont M. B...avait connaissance, ce qui ne permet pas de savoir quels sont les faits qui ont finalement été retenus par l'autorité exerçant le pouvoir disciplinaire. Dans ces conditions, les décisions attaquées ne peuvent être regardées comme conformes à l'exigence de motivation prévue par les dispositions de l'article 25 de la délibération du 14 décembre 1995. La méconnaissance de cette obligation entraîne l'illégalité de ces décisions, sans qu'il soit besoin de rechercher si M. B...a été privé d'une garantie ou si elle a eu une incidence sur le sens de la décision prise, contrairement à ce que soutient la Polynésie française.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 mars 2017 et de l'arrêté du 24 avril 2017 du président du gouvernement de la Polynésie française. L'annulation de la sanction disciplinaire, qui est toujours en cours d'exécution, implique la réintégration de M.B.... Il y a lieu en conséquence d'enjoindre à la Polynésie française de procéder à cette réintégration, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir immédiatement cette injonction d'une astreinte. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Polynésie française demande à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B...au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700183 du 30 janvier 2018 du Tribunal administratif de la Polynésie française ainsi que la décision du 2 mars 2017 et l'arrêté du 24 avril 2017 du président du gouvernement de la Polynésie française sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la Polynésie française de procéder à la réintégration de M.B..., dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA01365