Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 30 octobre, 11 décembre 2020 et 13 septembre 2021, M A..., représenté par Me Bories, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000163 du tribunal administratif de Paris en date du 22 mai 2020, qui a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2019, par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du 4 décembre 2019 est insuffisamment motivé ;
- le préfet devait saisir la commission du titre de séjour ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la durée de son séjour en France ;
- la mesure d'éloignement émane d'une autorité incompétente ;
- la décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-4, compte tenu de son état de santé ;
- elle méconnaît les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par mémoire, enregistré le 17 septembre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens de légalité interne constituent des moyens nouveaux irrecevables en appel ;
- aucun des moyens de la requête de M. A... n'est fondé.
Par une décision du 17 août 2020, le tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Simon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais, né en 1962, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 4 décembre 2019, le préfet de police a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours. M. A... demande l'annulation du jugement du 22 mai 2020, par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2019.
2. L'arrêté préfectoral du 4 décembre 2019 mentionne les éléments de faits et de droit sur lesquels s'est appuyé le préfet de police pour prendre l'arrêté contesté. Celui-ci, qui mentionne ainsi les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement est, en tout état de cause, suffisamment motivé.
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ". L'administration n'est tenue de saisir cette commission que du cas des étrangers qui remplissent les conditions de fond d'octroi de la carte de séjour de plein droit ou de résident, et non du cas de tous ceux qui s'en prévalent.
4. M. A... soutient qu'il justifie d'une présence habituelle en France au moins depuis l'année 2009. Il produit toutefois des attestations d'hébergement établies pour la plupart longtemps après les années qu'elles sont supposées justifier et qui sont pour cette raison dépourvues de valeur probante, un avis d'imposition ne mentionnant aucun revenu, un jugement du tribunal administratif pour une audience à laquelle il n'était pas présent. Il ne justifie ainsi pas du caractère habituel de sa présence en France au titre des années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 2017 et 2018. Ainsi, le moyen tenant à la méconnaissance de l'obligation de saisir la commission du titre de séjour mentionnée à l'article précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. M. A... soutient être présent en France sans discontinuer depuis l'année 1988, mais il n'établit pas, comme il a été dit, le caractère habituel de sa résidence en France. Il ne justifie par ailleurs d'aucune vie privée et familiale sur le territoire français. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le refus de titre de séjour ne peut donc qu'être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
6. L'arrêté est signé de Mme C... B..., cheffe du 9ème bureau, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de police, en date du 18 octobre 2019, publié au bulletin officiel du même jour. Le moyen tenant à l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit, ainsi, être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; ".
8. M. A... ne justifie pas être au nombre des étrangers mentionnés au 10° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Si M. A... entend se prévaloir des stipulations des article 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'assortit ses moyens d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance; 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, a sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de 1'ordre et à la préventions des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Si M. A... établit être entré en France en 1988 et y avoir travaillé, il ne justifie toutefois pas de la continuité de sa présence sur le territoire, notamment entre 1997 et 2011, ainsi que de 2014 à 2018 inclus. Il ne justifie pas non plus d'éléments significatifs d'insertion en France. Célibataire et sans enfant en France, il n'établit pas davantage avoir en France le centre de sa vie privée et de ses intérêts fondamentaux. La décision attaquée n'a donc pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale en France. Le moyen tenant à la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 22 mai 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 4 décembre 2019. Par voie de conséquence doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Soyez, président,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 octobre 2021.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
J.-E. SOYEZLa greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA03174 4