Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juin 2017 et 14 mars 2018, M. et MmeA..., représentés par Me Sebbah, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1513237/1-1 du 3 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le délai de reprise était expiré en ce qui concerne l'année 2009 ;
- la procédure devant la commission départementale des impôts était irrégulière ;
- l'administration a refusé à tort de proroger le délai de deux mois qui leur avait été imparti pour répondre aux demandes de justifications ;
- le vérificateur n'a pas engagé avec eux de dialogue contradictoire en ce qui concerne la question de leur domiciliation fiscale en France ; ils n'ont pas eu connaissance avant la proposition de rectification des documents relatifs à la domiciliation fiscale, obtenus par l'administration par l'exercice de son droit de communication ;
- ils n'étaient pas fiscalement domiciliés en France ;
- ils ne peuvent être imposés à raison de la plus-value de cession de valeurs mobilières d'un montant de 487 244 euros, réalisée en 2009, dès lors qu'ils n'étaient pas fiscalement domiciliés en France ;
- l'administration ne pouvait imposer en tant que revenus d'origine indéterminée les sommes de 7 000 euros et 10 000 euros, créditées respectivement les 1er septembre 2009 et 6 février 2010 sur leurs comptes bancaires et qui correspondent au remboursement, par les SCI Melyonis et Geo Marie, d'avances en compte courant qu'ils leur ont consenties, sans avoir recherché préalablement si les sommes en cause proviennent d'une autre source que des prélèvements sur les résultats sociaux des SCI ;
- la nature et l'importance des redressements ne sauraient à elles seules justifier l'application des majorations pour manquement délibéré.
Par des mémoires, enregistrés le 30 octobre 2017 et le 12 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que :
- l'imposition des sommes de 7 000 euros et 10 000 euros, créditées respectivement les 1er septembre 2009 et 6 février 2010 sur les comptes bancaires de M.A..., doit être confirmée dans la catégorie des revenus fonciers par voie de substitution de base légale et la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts en cas d'inexactitudes ou d'omissions dans les déclarations doit être substituée à la majoration de 40 % en cas de manquement délibéré prévue par l'article 1729 du même code.
- les autres moyens des requérants sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Sebbah, avocat de M. et MmeA....
1. Considérant que M. et Mme A...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle à l'issue duquel l'administration fiscale a mis à leur charge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, correspondant à l'imposition, au titre de l'année 2009, d'une plus-value de cession de valeurs mobilières et de revenus de capitaux mobiliers et, au titre des années 2009 et 2010, de revenus d'origine indéterminée ; qu'ils relèvent appel du jugement en date du 3 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités dont elles ont été assorties ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par une décision en date du 31 octobre 2017, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France a prononcé un dégrèvement à concurrence d'une somme totale de 321 456 euros en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. et Mme A...au titre de l'année 2009, les pénalités dont ces cotisations ont été assorties et les majorations pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires des années 2009 et 2010 ; que les conclusions de la requête de M. et Mme A...sont donc, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 60-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le litige est soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en application de l'article L. 59 A, ou à la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en application de l'article L. 59 C, le contribuable est convoqué trente jours au moins avant la date de la réunion. Le rapport et les documents mentionnés à l'article L. 60 doivent être tenus à sa disposition, au secrétariat de la commission, pendant le délai de trente jours qui précède la réunion de cette commission " ; qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A...ont été convoqués par lettre du 17 septembre 2013 à la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 6 novembre 2013, devant examiner le litige les opposant à l'administration fiscale à propos des revenus d'origine indéterminée ; qu'ils ont reçu une autre convocation, en date du 22 octobre 2013, à une séance de la commission prévue le 2 décembre 2013 ; que le ministre de l'action et des comptes publics soutient que cette seconde convocation procède d'une erreur et qu'elle a fait l'objet d'un courrier d'annulation du 28 octobre 2013, reçu par les intéressés ; que, toutefois, M. et Mme A...contestent avoir reçu ce dernier courrier et le ministre n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait fait l'objet d'une notification régulière ; que, dans ces conditions, M. et Mme A...ne peuvent être regardés comme ayant été régulièrement convoqués à la séance de la commission départementale des impôts du 6 novembre 2013, laquelle s'est du reste tenue en leur absence ; qu'il y a lieu en conséquence d'accorder à M. et Mme A...la décharge des impositions établies au titre des années 2009 et 2010 à la suite de cette procédure irrégulière, c'est-à-dire des impositions établies dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ;
Sur la prescription du délai de reprise :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) " ; que M. et Mme A...soutiennent qu'en ce qui concerne les impositions de l'année 2009, le délai de reprise était expiré, l'administration ne justifiant pas avoir notifié antérieurement au 1er janvier 2013 la proposition de rectification du 17 décembre 2012 ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a informé le service des impôts, par une lettre en date du 23 juillet 2012, qu'il résidait au Maroc et demandé que les courriers relatifs à son dossier soient adressés à son adresse marocaine ; que le ministre de l'action et des comptes publics soutient qu'une copie de la proposition de rectification du 17 décembre 2012 a été adressée le même jour que l'original, soit le 17 décembre 2012, à l'adresse signalée par le contribuable au Maroc mais que la lettre recommandée portant la pièce incriminée est revenue au service avec la mention " non réclamé " ; qu'en réponse au supplément d'instruction ordonné par la Cour il a produit une copie de l'enveloppe expédiée à cette occasion par le service au Maroc ; que toutefois cette pièce ne permet pas d'établir que le pli aurait été présenté antérieurement au 1er janvier 2013 à l'adresse indiquée par les contribuables ; que ceux-ci sont en conséquence fondés à soutenir que le délai de reprise était expiré, s'agissant des impositions de l'année 2009 ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de leur demande en décharge ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il a lieu de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat en remboursement des frais exposés par M. et Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête, à concurrence du dégrèvement d'un montant total de 321 456 euros, en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. et Mme A...au titre de l'année 2009, les pénalités dont ces cotisations ont été assorties et les majorations pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires des années 2009 et 2010.
Article 2 : Il est accordé à M. et Mme A...la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, restant en litige, et des pénalités correspondantes.
Article 3 : Le jugement n° 1513237/1-1 du 3 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02168