Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2018, MB..., représenté par Me Pierre, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1714324/8 du 27 septembre 2017 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 1er septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de le mettre en mesure de saisir l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Pierre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'administration devait faire application de l'article 18-1, b) du règlement du 26 juin 2013 et non de son article 18-1, a) et à celui tiré de l'absence de justification de la saisine des autorités italiennes ;
- l'administration devait faire application de l'article 18-1, b) du règlement du 26 juin 2013 et non de son article 18-1, a) et à celui tiré de l'absence de justification de la saisine des autorités italiennes ;
- il n'a pas reçu l'ensemble des informations exigées par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 dans une langue qu'il comprend ;
- le préfet de police n'a pas produit d'élément de preuve de la saisine des autorités italiennes dans les délais impartis par l'article 21 du règlement du 26 juin 2013 ;
- la décision de transfert lui a été notifiée sans être traduite dans une langue qu'il comprend, en méconnaissance de l'article 25 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Les parties ont été informées le 22 mai 2018, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer, l'arrêté étant devenu caduc à l'expiration du délai de transfert de six mois.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le délai de transfert de six mois a été porté à dix-huit mois et qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 31 mai 2018, MB..., représenté par Me Pierre, répond à l'information donnée par la Cour en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
Il soutient que sa requête n'est pas devenue sans objet dès lors que le préfet de police a estimé qu'il était en fuite.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 4 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE)
n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, en date du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du même code : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. " ;
2. Considérant qu'il ressort du compte rendu de l'entretien individuel daté du 22 mars 2017 que la seule langue comprise par M.B..., de nationalité sénégalaise, est le " mandingue " ; que, toutefois, il est constant que les brochures A et B contenant les informations prévues à l'article 4 précité du règlement communautaire du 26 juin 2013 lui ont été remises dans leur version française ; que, par ailleurs, si l'entretien " s'est déroulé avec un interprète ISM en langue Mandingue par téléphone ", comme l'indique son résumé, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cet interprète aurait traduit à M. B...le contenu de ces brochures ; que la seule circonstance que M. B...a apposé sa signature sur les brochures qui lui ont été remises sans signaler qu'il n'en comprenait pas le contenu n'est pas de nature à infirmer les mentions du compte-rendu d'entretien selon lesquelles il ne comprend pas d'autre langue que le " mandingue " ; que, dans ces conditions, M.B..., qui ne peut être présumé capable de comprendre la version française des brochures du seul fait qu'il est sénégalais, ne peut être regardé comme ayant reçu les informations prévues par le règlement communautaire du 26 juin 2013 dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle est comprise de lui ; que, par suite, la décision de transfert est intervenue sans qu'il ait bénéficié des droits et garanties prévues en pareil cas ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.B..., sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2017 du préfet de police ordonnant son transfert aux autorités italiennes en charge de l'examen de sa demande d'asile ;
4. Considérant qu'eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. B...; qu'il est enjoint au préfet de police de procéder à ce réexamen dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
5. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Pierre, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pierre de la somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1714324/8 du 27 septembre 2017 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris ainsi que l'arrêté du 1er septembre 2017 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. B...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Pierre, avocat de M.B..., à condition qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Me Pierre, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00148