Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2018, la SELARL Gauthier-Sohm, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Avenir Energie, représentée par Me Naim, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1503786 du 21 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge de l'amende litigieuse ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la vérification de comptabilité se rapportant à la période du 1er mars 2011 au 30 juin 2011 est irrégulière car il n'a pas été fait droit à sa demande, formulée dans un courrier du 4 décembre 2012, de transmission des documents obtenus par le service dans l'exercice de son droit de communication et de rencontre avec le supérieur hiérarchique du vérificateur ;
- la vérification de comptabilité se rapportant à la période postérieure au 1er mars 2012 est irrégulière ;
- l'administration ne démontre pas que les factures litigieuses, qu'elle a refusé de prendre en compte pour le calcul de sa taxe déductible, auraient eu le caractère de factures de complaisance ;
- la qualification de factures de complaisance a été écartée par le juge pénal ;
- dans un arrêt du 25 janvier 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a admis que la taxe facturée par les agents commerciaux auxquels elle recourait était déductible ;
- que s'agissant de la société " To Be Continued ", elle n'avait aucune connaissance de ce que cette société pouvait ne pas être le réalisateur de la prestation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que :
- la demande de communication de pièces formulée à la suite du contrôle portant sur la période du 1er mars 2011 au 30 juin 2011 était imprécise et l'administration n'était pas tenue d'y faire droit ;
- s'agissant de la demande présentée par la société lors du même contrôle et tendant à pouvoir bénéficier des voies de recours prévues par l'avis de vérification, aucune énonciation de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n'impose à l'administration de répondre aux observations du contribuable sur les sanctions qu'elle envisage de mettre à la charge de ce dernier, ni, par suite, que l'inspecteur principal fournisse des éclaircissements supplémentaires sur ces sanctions ou qu'il soit fait appel à l'interlocuteur départemental sur des divergences sur ces dernières ;
- l'amende n'est maintenue qu'en ce qui concerne les sommes versées à la société To Be Continued ;
- l'amende restant en litige, assise sur les sommes versées à la société To Be Continued, est fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant que la société Avenir Energie relève appel du jugement en date du 21 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en décharge de l'amende d'un montant de 485 724 euros à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er mars 2011 au 30 juin 2011, sur le fondement du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par décision en date du 2 juillet 2018, postérieure à l'introduction de la présente requête d'appel, le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a dégrevé à hauteur de la somme de 81 440 euros l'amende mise à la charge de la société Avenir Energie ; que les conclusions en décharge de la société Avenir Energie sont donc, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur l'amende restant en litige :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : /1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom (...) " ;
4. Considérant que la société Avenir Energie exerçait une activité de vente d'installation de pompes à chaleur et de panneaux photovoltaïques ; qu'elle recourait à des agents commerciaux pour commercialiser ses produits auprès de sa clientèle de particuliers ; qu'il ressort de la proposition de rectification du 20 avril 2012, consécutive à la vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er mars 2011 au 30 juin 2011, que l'administration a refusé à la société Avenir Energie le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures d'honoraires établies par les agents commerciaux et rejeté par voie de conséquence les demandes de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentées par la société Avenir Energie, au motif que ces factures étaient de complaisance ; que, pour le même motif, l'administration a mis à la charge de la société Avenir Energie l'amende prévue par les dispositions précitées de l'article 1737 du code général des impôts ; que, compte tenu du dégrèvement prononcé au point 2 qui précède, le litige ne porte plus que sur la fraction de l'amende correspondant aux sommes versées à la société To Be Continued, laquelle serait intervenue en qualité d'agent commercial au profit de la société Avenir Energie ;
5. Considérant que la société Avenir Energie reprend en appel le moyen tiré de ce que, lors de la vérification de comptabilité ayant précédé l'infliction de l'amende litigieuse, l'administration n'a pas donné suite à sa demande tendant à pouvoir bénéficier des voies de recours mentionnées par l'avis de vérification ; que ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 8 et 9 du jugement, en l'absence de tout élément nouveau de droit ou de fait produit en appel ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; que la proposition de rectification du 20 avril 2012 mentionnait précisément la teneur et l'origine des documents obtenus de tiers, notamment par le biais d'une enquête par courrier auprès des particuliers ; que, cependant, dans sa lettre du 4 décembre 2012 par laquelle elle demandait la communication des documents qui " auraient servi à fonder les redressements ", la société n'a pas précisé à laquelle des deux procédures en cours à la date de sa demande elle entendait se référer, ni les pièces dont elle demandait la communication, comme la vérificatrice le lui a d'ailleurs fait observer dans une lettre du 28 janvier 2013, à laquelle elle n'a pas répondu ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B doit, dès lors, être écarté, en tout état de cause, à supposer que ce texte soit applicable en l'espèce, la somme en litige n'étant pas une imposition mais une amende ;
7. Considérant que le moyen tiré de ce que la vérification de comptabilité se rapportant à la période postérieure au 1er mars 2012 serait entachée d'irrégularités est inopérant et ne peut qu'être écarté, en tout état de cause, dès lors que l'amende en litige ne procède pas de cette vérification mais, comme il a été dit, de la vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er mars 2011 au 30 juin 2011 ;
8. Considérant qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en recouvrement une amende fiscale sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1737 du code général des impôts, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans leurs prévisions ; que l'administration a relevé dans la proposition de rectification du 20 avril 2012 que la société To Be Continued ne disposait d'aucun salarié et d'aucune ligne téléphonique et que son siège social à Paris était une domiciliation commerciale ; que, par ces éléments, qui ne sont pas contestés par la société requérante, l'administration établit que la société To Be Continued n'a pu réaliser elle-même les prestations de démarchage qu'elle a facturées à la société Avenir Energie et que celle-ci ne pouvait l'ignorer ; qu'elle établit par suite le bien-fondé de l'amende assignée à la société Avenir Energie, en application des dispositions précitées du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts ;
9. Considérant que les extraits que cite la société requérante d'un jugement rendu le 24 avril 2017 par le tribunal correctionnel de Meaux ne font pas apparaître que les factures émises par la société To Be Continued n'auraient pas eu le caractère de factures de complaisance ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Avenir Energie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande en décharge ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Avenir Energie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Avenir Energie est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Gauthier-Sohm, en qualité de mandataire liquidateur de la société Avenir Energie et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00460