Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 juillet 2015, 6 avril 2016, 29 juin 2016, 6 septembre 2016 et 15 septembre 2016, la société Cercle Bolivar, représentée par Me Richard, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1408704/2-2 du 1er juin 2015 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions en décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2006, 2007 et 2008, d'autre part, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant ces trois années et des pénalités restant en litige ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en ce qui concerne l'année 2006, le délai de reprise de l'administration était expiré dès lors que la proposition de rectification de l'administration lui a été notifiée le 6 janvier 2010 ;
- en ce qui concerne la reconstitution des recettes, le nombre de 5 425 adhérents " comptoir " ressortant des listings retenu par l'administration correspond à un chiffre d'affaires de 1 884 832 euros alors qu'elle a déclaré pour ces abonnés un chiffre d'affaires de 2 000 191 euros ; ce différentiel de chiffre d'affaires (115 359 euros) correspond à 332 adhérents, que l'administration devrait par suite nécessairement ajouter aux 5 425 adhérents " comptoir " ;
- le nombre d'abonnés " comités d'entreprise " est non pas de 535 mais de 950 ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré est injustifiée car elle n'a pas eu la volonté d'éluder l'impôt.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 janvier 2016 et 1er juillet 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré ne résulte pas de simples anomalies relevées dans la tenue de la comptabilité mais de la constatation de minorations de recettes importantes au cours des trois années vérifiées ;
- les autres moyens de la requérante sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,
- et les observations de Me Richard, avocat de la société Cercle Bolivar.
1. Considérant que la SARL Cercle Bolivar, qui exploite un club de sports, danse et arts martiaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle ont été mis à sa charge, selon la procédure de rectification contradictoire, d'une part, des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des années 2006, 2007 et 2008, et, d'autre part, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période couvrant ces trois années ; que, par un jugement du 1er juin 2015, le Tribunal administratif de Paris l'a déchargée de l'amende qui lui avait été infligée, à la suite de ce contrôle, sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts et rejeté le surplus de ses conclusions en décharge des impositions mises en recouvrement à l'issue de cette procédure ; que, par la présente requête, la société Cercle Bolivar relève appel de ce jugement, en tant qu'il lui est défavorable ;
Sur la prescription du droit de reprise de l'administration pour l'année 2006 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu (...), le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce (...) jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due " ; et qu'aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (...) " ; qu'il incombe à l'administration d'établir que le pli contenant la proposition de rectification est parvenu en temps utile au contribuable ; que cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve ;
3. Considérant que la société requérante soutient que la proposition de rectification afférente aux impositions contestées, en date du 21 décembre 2009, ne lui est parvenue que le 6 janvier 2010, soit postérieurement au 31 décembre 2009, terme du délai de reprise de l'administration ; qu'il ressort toutefois d'un courrier émanant du centre de distribution postale de Paris 19ème, que le pli recommandé contenant la proposition de rectification litigieuse a été " mis en distribution " le 30 décembre et qu'" à la demande insistante du destinataire [il] a été mis[...] à représenter ", cette nouvelle présentation n'intervenant, à la suite d'un dysfonctionnement du service, que le 6 janvier suivant ; que, dans ces conditions, la proposition de rectification litigieuse doit être réputée avoir été notifiée à l'intéressée le 30 décembre 2009 et, dès lors, avant l'expiration du délai de reprise de l'administration ;
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la comptabilité de la société Cercle Bolivar comportait diverses irrégularités, dont notamment le défaut d'enregistrement détaillé des recettes et l'absence de pièces justificatives de celles-ci ; que le service était par suite fondé à écarter la comptabilité pour reconstituer les recettes réelles de la société ; que les impositions ayant été établies par l'administration conformément à l'avis rendu le 4 décembre 2011 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la preuve de l'exagération des impositions supplémentaires incombe à la société Cercle Bolivar, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;
5. Considérant que l'administration a reconstitué le nombre de clients de la société à partir des achats des rubans d'impression utilisés pour imprimer les cartes d'adhérents ; qu'elle a constaté que le nombre de clients ainsi reconstitué était plus important que celui ressortant des listings de clients fournis par la société ; qu'en conséquence, elle a estimé que ces listings étaient incomplets et a reconstitué le chiffre d'affaires correspondant aux clients " manquants " ; qu'elle a ensuite additionné ce chiffre d'affaires à deux autres chiffres d'affaires, qu'elle a également reconstitués, celui des abonnements " vitalité " et celui des ventes de " boissons et barres énergétiques " ;
6. Considérant que, s'agissant de la reconstitution du chiffre d'affaires des clients " manquants ", seule contestée en l'espèce par la requérante, l'administration avait évalué dans la proposition de rectification à 8 280 le nombre total de clients, pour les trois années en litige 2006, 2007 et 2008, ce qui, compte tenu du nombre de clients figurant sur les listings fournis au vérificateur, c'est-à-dire 5 960, soit 5 425 clients " comptoir " et 535 clients " comités d'entreprise ", correspondait à un nombre de clients manquant de 2 320 ; qu'après discussion, les parties sont convenues que le nombre d'adhérents reconstitué pour les trois années devait être fixé à 6 756 au lieu de 8 280, d'où en est résulté une diminution du nombre des adhérents manquants, de 2 320 à 796 et, corrélativement, du montant des redressements notifiés ;
7. Considérant que, pour contester cette reconstitution de recettes, la requérante soutient que le nombre de 5 425 adhérents " comptoir " ressortant des listings fournis au vérificateur correspond à un chiffre d'affaires de 1 884 832 euros, comme l'administration l'a admis, alors qu'elle a déclaré pour ces abonnés un chiffre d'affaires de 2 000 191 euros ; que ce différentiel de chiffre d'affaires de 115 359 euros correspondrait, selon elle, à 332 adhérents, que l'administration devrait par suite ajouter aux 5 425 adhérents " comptoir " pour déterminer le nombre d'abonnés manquants ; que, cependant, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que, la comptabilité de la société étant non probante, ainsi qu'il a été dit, le chiffre d'affaires déclaré de 2 000 191 euros est par hypothèse réputé inexact ;
8. Considérant que la société Cercle Bolivar soutient également que le nombre d'abonnés " comités d'entreprise " n'est pas de 535 mais de 950 ; que ce moyen ne peut toutefois qu'être écarté dès lors qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que le nombre d'adhérents " comités d'entreprise " ressortant des listings fournis au service est de 535 ;
Sur les majorations pour manquement délibéré :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ;
10. Considérant qu'en retenant que les graves irrégularités comptables révélées par les opérations de contrôle ne résultaient pas de simples erreurs mais d'une intention délibérée d'éluder partiellement l'impôt eu égard notamment à l'importance des insuffisances déclaratives, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve des manquements délibérés de la société requérante, laquelle n'est dès lors pas fondée à demander la décharge des majorations mises à sa charge au titre des trois années en cause ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Cercle Bolivar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à ses conclusions en décharge ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Cercle Bolivar est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cercle Bolivar et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux est).
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02730