Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 novembre 2014, 3 février 2015, 28 décembre 2015 et 1er février 2016, M. A..., représenté par Me Mbarki, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1306268/2 du 9 octobre 2014 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de refus de renouvellement de titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de procéder au renouvellement de son titre de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet de Seine-et-Marne était seul compétent en application de l'article 1er du décret modifié n° 82-440 du 26 mai 1982 à la date de la décision attaquée pour abroger l'arrêté ministériel d'expulsion du 16 juillet 1986 et a méconnu sa propre compétence en refusant de renouveler son titre de séjour en l'absence de production d'un arrêté d'abrogation ; la compétence du préfet de Seine-et-Marne résulte de la situation du domicile du requérant en Seine-et-Marne à la date de l'arrêté d'expulsion et non dans l'Essonne et a été confirmée par une ordonnance du Tribunal administratif de Versailles renvoyant au Tribunal administratif de Melun la demande d'abrogation de l'arrêté attaqué ;
- en lui délivrant en 2005 un titre de séjour, en outre régulièrement renouvelé jusqu'en 2011 et en le plaçant sous récépissé, le préfet de Seine-et-Marne a implicitement abrogé cette mesure d'expulsion qui ne pouvait lui être opposée ;
- l'arrêté d'expulsion ne comportant aucune interdiction de retour en France mais seulement une obligation de quitter le territoire qui a été exécutée, il ne faisait en tout état de cause pas obstacle à la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision implicite de refus de renouvellement de titre de séjour ne peut être fondée sur l'absence de production d'un arrêté d'abrogation que l'autorité préfectorale n'a jamais exigé entre 2005 et 2011 ;
- les premiers juges ont méconnu le principe de supériorité des traités sur la loi interne en estimant que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales était inopérant ;
- la décision contestée a méconnu les stipulations de l'article 8 de cette convention dès lors que toutes ses attaches familiales sont en France ;
- la décision implicite de refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
- les nouveaux motifs de refus de renouvellement du titre de séjour invoqués par le préfet pour le première fois devant la Cour, fondés sur des allégations de violences conjugales, sont irrecevables et infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2016, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues dès lors que M. A...est divorcé depuis 2012, n'est entré en France qu'à 14 ans, a été incarcéré quelques années plus tard pour une peine de dix années de réclusion criminelle et est retourné dans son pays d'origine entre 1989 et 2005 ; en outre, par son comportement violent, M. A...ne respecte pas les lois et valeurs de la République ;
- en application de l'article R. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'abrogation d'un arrêté d'expulsion antérieur à l'entrée en vigueur du décret n° 97-24 du 13 janvier 1997 relève du préfet du département dans le ressort duquel l'étranger avait sa résidence à la date de l'arrêté d'expulsion ; en l'espèce, l'abrogation de l'arrêté d'expulsion litigieux relève de la compétence du préfet de l'Essonne devant lequel la demande de M. A...est en cours d'examen.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me Mbarki, avocat de M.A....
1. Considérant que M.A..., ressortissant marocain né le 31 août 1965 à Fès, titulaire d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français, a demandé au préfet de Seine-et-Marne le renouvellement de ce titre ; que dans le cadre de l'instruction de sa demande, le préfet de Seine-et-Marne l'a invité, par un courrier du 18 juin 2013, à produire la décision abrogeant l'arrêté d'expulsion qui avait été pris son encontre le 16 juillet 1986 par le ministre de l'intérieur ; que, faute pour M. A...de justifier avoir obtenu l'abrogation de cet arrêté d'expulsion, le préfet de Seine-et-Marne a implicitement rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour ; que M. A...relève appel du jugement du 9 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le moyen par lequel M. A...soutient que les premiers juges n'auraient pas répondu à son moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut en tout état de cause qu'être écarté comme manquant en fait dès lors que les premiers juges ont répondu à ce moyen en l'écartant expressément comme inopérant ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant, en premier lieu, que M. A...ne peut utilement soulever à l'encontre de la décision du 18 juin 2013, qui constitue une mesure d'instruction de sa demande de renouvellement de titre de séjour, distincte de la décision implicite de refus de titre lui faisant grief, les moyens tirés de l'incompétence du signataire et du défaut de motivation, qui ne peuvent par suite qu'être écartés ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'arrêté d'expulsion peut a tout moment être abrogé (...) " et qu'aux termes de l'article L. 524-2 du même code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté (...) A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger (... " ;
5. Considérant, d'une part, qu'un arrêté d'expulsion a le double effet d'obliger l'étranger qui en fait l'objet à quitter le territoire et de lui interdire d'y revenir aussi longtemps qu'il demeure en vigueur ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et qu'il n'est au demeurant pas soutenu, que M. A...aurait obtenu l'abrogation de l'arrêté d'expulsion en date du 16 juillet 1986 prononcé à son encontre pour menace grave pour l'ordre public ; qu'il résulte au contraire de l'instruction qu'il n'a demandé son abrogation que postérieurement à l'édiction de la décision implicite de refus de renouvellement de titre de séjour qu'il conteste ; que, par ailleurs, si l'autorité administrative est tenue en application des dispositions de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de réexaminer les motifs de l'arrêté d'expulsion tous les cinq ans, il résulte des mêmes dispositions que ce réexamen donne lieu à une décision implicite de rejet à défaut de notification d'une décision explicite d'abrogation ;
7. Considérant, enfin, et en tout état de cause, qu'aux termes de l'article R. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé par l'autorité qui l'a pris. L'abrogation d'un arrêté d'expulsion pris, avant l'entrée en vigueur du décret n° 97-24 du 13 janvier 1997, par le ministre de l'intérieur, sur le fondement des dispositions de l'article 23 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, désormais codifiées à l'article L. 521-1, et après accomplissement des formalités prévues par les dispositions de l'article 24 de la même ordonnance, désormais codifiées à l'article L. 522-1, relève de la compétence du préfet du département dans le ressort duquel l'étranger avait sa résidence à la date de l'arrêté d'expulsion. A Paris, le préfet compétent est le préfet de police " ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la notification de l'arrêté d'expulsion produite en appel, que M. A...était à la date d'édiction de l'arrêté d'expulsion du 13 juillet 1986 incarcéré à ...; que, par l'effet de la modification du domicile de M. A...résultant de cette incarcération, le préfet de l'Essonne avait, en application des dispositions précitées de l'article R. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, seul compétence pour procéder à l'abrogation de cet arrêté d'expulsion ; que, dans ces conditions, et en tout état de cause, M. A...ne saurait utilement soutenir que la circonstance qu'il s'est vu délivrer un titre de séjour en 2005 par le préfet de Seine-et-Marne a pu avoir pour effet d'abroger implicitement l'arrêté d'expulsion litigieux ;
8. Considérant, en troisième lieu, que dès lors que le préfet de l'Essonne avait seul compétence pour abroger l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de M. A..., le préfet de Seine-et-Marne avait compétence liée pour rejeter la demande de M. A... de renouveler le titre de séjour, parvenu à expiration, qui lui avait été délivré en méconnaissance des termes de cet arrêté d'expulsion qui n'avait été ni rapporté, ni annulé ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-14, du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet de Seine-et-Marne en refusant implicitement le renouvellement de son titre de séjour doivent être rejetés comme inopérants ; que, pour le même motif, le moyen tiré par M. A...de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être également écarté comme inopérant dès lors que les stipulations de cet article sont sans incidence sur la répartition des compétences entre les autorités nationales ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNILe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 14PA04771