Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2015, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1504754/5-3 du 1er juillet 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il avait fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors, d'une part, que le défaut de prise en charge de l'état de santé de Mme E...ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, qu'elle peut recevoir un traitement approprié dans son pays d'origine, les pièces produites en première instance n'étant pas de nature à établir qu'elle y aurait vécu des événements traumatisants à l'origine de sa pathologie ;
- l'arrêté annulé n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme E... ;
- s'agissant des autres moyens soulevés en première instance, il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 26 novembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 20 décembre 2015.
Un mémoire en défense a été produit le 11 janvier 2016 par MmeE..., représentée par MeD....
Le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, par une décision du 20 novembre 2015, a constaté le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale accordée à Mme E...le 12 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article
R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour des raisons de santé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
1. Considérant que Mme E..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 28 juillet 1977, qui serait entrée en France le 28 juin 2010 sous couvert d'un faux passeport, a demandé la reconnaissance de la qualité de réfugié, ce que lui a refusé le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 12 août 2011, puis la Cour nationale du droit d'asile, le 24 septembre 2012 ; qu'elle a ensuite sollicité par voie postale le 14 novembre 2012 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le Tribunal administratif de Paris, par un jugement du 29 octobre 2013, a annulé la décision du 18 décembre 2012 du préfet de police l'obligeant à quitter le territoire français au motif que cette mesure d'éloignement ne pouvait légalement être édictée faute d'examen de la demande de titre de séjour ainsi formulée et a fait injonction à l'administration de réexaminer la situation de MmeE... ; que, par un arrêté du 13 novembre 2014, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait à nouveau obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination ; qu'il relève appel du jugement n° 1504754/5-3 du 1er juillet 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11°: A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis (...), à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a estimé, dans son avis du 14 avril 2014, dont le préfet de police s'est approprié les termes pour rejeter la demande de titre de séjour, que l'état de santé de Mme E..., stabilisé, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le docteur Pignier, praticien hospitalier du 24ème secteur de psychiatrie générale de Paris, qui certifie prendre en charge Mme E... depuis 2011, explique, notamment dans un certificat médical daté du 23 mars 2015, que la patiente garde des " séquelles physiques et psychologiques " des viols par les soldats gouvernementaux qu'elle a subis dans son pays d'origine, qu'elle doit prendre un traitement antidépresseur, que la perspective d'un retour dans son pays la met dans un état d'angoisse majeure et que " le pronostic vital est engagé " ; que, toutefois, ni les certificats médicaux de ce praticien ni aucune autre pièce du dossier ne décrivent plus précisément le traitement médical qu'elle suit et n'explicitent les conséquences d'un défaut de prise en charge de son état de santé ; que, de surcroît, si la Cour nationale du droit d'asile n'a pas exclu que Mme E... ait subi une agression sexuelle, elle a en revanche jugé que le récit de l'intéressée relatif aux persécutions dont elle aurait fait l'objet en raison de son engagement politique manquait de crédibilité ; que, dans ces conditions, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif, il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut de traitement de l'état de santé de Mme E... pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le préfet de police est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté du 13 novembre 2014 au motif qu'il avait fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E...en première instance ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
5. Considérant que l'arrêté n° 2014-00739 du 1er septembre 2014 portant délégation de signature du préfet de police, que vise l'arrêté contenant la décision attaqué, a été régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la VVille de Paris du 5 septembre 2014 ; pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de publication de cet arrêté manque en fait ;
6. Considérant que l'avis du 14 avril 2014, produit devant les premiers juges par le préfet de police, signé par le DrB..., médecin, chef du service médical de la préfecture de police, comporte les mentions prévues par les dispositions de l'arrêté du 9 novembre 2011 ; que, par suite le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant que la seule circonstance que Mme E...suit un traitement médical en France n'est pas de nature à établir que la décision attaquée est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant que Mme E...ne peut utilement se prévaloir des menaces qui pèserait sur elle en cas de retour dans son pays d'origine pour contester la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour, qui n'a pas par elle-même pour effet de la contraindre à y retourner ; que la fin du traitement médical qu'elle suit en France ne suffit pas à entacher la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas illégale ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; que, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, le moyen tiré de la violation de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de Mme E...doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 7 et 8 ;
Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :
12. Considérant que l'arrêté portant délégation de signature du préfet de police mentionné au point 5 habilitait M. C...à signer la décision attaquée au nom de cette autorité ;
13. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ; que MmeE..., qui se borne à faire référence au récit qu'elle avait soumis aux autorités chargées d'examiner sa demande d'asile, n'établit pas l'existence d'un risque de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour dans son pays d'origine ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 novembre 2014 et à demander à la Cour de rejeter la demande présentée par Mme E... devant le Tribunal administratif de Paris ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1504754/5-3 du 1er juillet 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- M. Blanc, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 février 2016.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur,
C. JARDINLe greffier,
C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03251