Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 avril et 27 août 2018, la société Holding Financière Immobilière, représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1611974/1-2 du 13 février 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions en décharge ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre une somme de 10 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rapport préparé par l'administration fiscale en vue de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était ambigu et l'a induite en erreur ;
- la prise en charge des loyers de l'appartement de la rue Pergolèse trouvait son origine dans les fonctions exercées par son dirigeant ;
- l'administration n'a pas remis en cause la matérialité des prestations rendues par les sociétés ICS et IHF ; en tout état de cause, elle a produit des pièces justifiant que ces prestations ont été réellement exécutées ;
- les rémunérations versées à M. C...n'ont pas le caractère de jetons de présence mais correspondent à la rémunération spécifique du président du conseil de surveillance, prévue au premier alinéa de l'article L. 225-81 du code de commerce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société Holding Financière Immobilière ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de Mme Mielnik Meddah, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme Holding Financière Immobilière est une société holding, qui détient notamment les murs et fonds de commerce de deux hôtels exploités sous l'enseigne Ibis, à Issy-les-Moulineaux et à Paris. Elle relève appel d'un jugement du 13 février 2018 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions en décharge de compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 à la suite d'une vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet en 2013.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La société requérante soutient, s'agissant des honoraires, que le Tribunal n'a " pas examiné les termes du débat " et retenu " un fondement qui ne fait pas partie de la proposition de rectification et ne saurait donc prospérer juridiquement en fondement autre qu'irrégulier ". Elle semble ainsi reprocher au Tribunal d'avoir fondé le redressement sur un moyen relevé d'office dès lors que le service aurait abandonné le motif lié à l'absence de preuve de la réalité des prestations. Ce moyen toutefois ne peut qu'être écarté dès lors que l'administration n'a pas abandonné ce motif. Par ailleurs, si la société requérante fait valoir, s'agissant du logement de fonction et des jetons de présence, que le Tribunal n'a pas répondu à l'argumentaire de la requête, ce moyen est dépourvu de précisions. La société n'explicite pas à quelle argumentation précise le Tribunal n'aurait pas répondu.
Sur les frais de mission :
3. Aux termes de l'article R. 60-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le litige est soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en application de l'article L. 59 A (...) le contribuable est convoqué trente jours au moins avant la date de la réunion. Le rapport et les documents mentionnés à l'article L. 60 doivent être tenus à sa disposition, au secrétariat de la commission, pendant le délai de trente jours qui précède la réunion de cette commission ". Aux termes de l'article L. 60 du même livre : " Le rapport par lequel l'administration des impôts soumet le différend qui l'oppose au contribuable à la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ainsi que tous les autres documents dont l'administration fait état pour appuyer sa thèse, doivent être tenus à la disposition du contribuable intéressé ".
4. La société Holding Financière Immobilière soutient que le rapport préparé par l'administration fiscale en vue de la commission départementale des impôts du 6 octobre 2015 était ambigu car il laissait entendre que l'administration avait admis la déduction de frais de mission s'élevant à 10 958 euros et 7 610 euros au titre respectivement des années 2011 et 2012, alors qu'en réalité le service n'avait pas abandonné ces rectifications. De ce fait, elle aurait été dissuadée de présenter des observations devant la commission, comme l'atteste la note du 22 septembre 2015, qu'elle a elle-même établie à l'intention de la commission. Cependant, s'il est exact que le rapport de l'administration comporte une ambiguïté, il ressort des mentions de l'avis de la commission départementale que la rectification en cause a été discutée en séance, que l'administration n'avait alors manifestement pas entendu renoncer à rejeter la déduction des sommes de 10 958 euros et 7 610 euros et que la société en a été informée dès lors qu'elle a reconnu en séance " ne pas avoir respecté le formalisme exigé pour la déduction de ces dépenses ". Le moyen, dès lors, doit être écarté.
Sur le logement mis à disposition :
5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...) ".
6. La société Holding Financière Immobilière a pris en charge les loyers d'un appartement situé 30 rue Pergolèse à Paris (75016), occupé par son dirigeant, M. A...C.... Cet appartement est proche du siège social 55 rue Marceau à Paris (75016). Cependant, l'administration soutient sans être contredite que cette dernière adresse est de domiciliation et que les bureaux de la société, effectivement utilisés par les salariés de l'entreprise, se trouvent à Issy-les-Moulineaux. L'administration établit par suite que la mise à disposition de ce logement ne se rattache pas aux fonctions exercées par le dirigeant et que les dépenses correspondant à la prise en charge des loyers n'ont pas été exposées dans l'intérêt de l'entreprise. Elle pouvait dès lors réintégrer les dépenses en cause dans les résultats imposables de la société.
Sur les honoraires versés aux sociétés ICS et HIF :
7. La société Holding Financière Immobilière a versé des honoraires s'élevant à 78 320 euros, 95 000 euros et 105 000 euros, respectivement au titre des années 2010, 2011 et 2012 aux sociétés de droit belge ICS et HIF, pour des prestations de conseil et d'assistance rendues par leur dirigeant M. B...C.... L'administration a rejeté la déduction de ces honoraires au motif que la réalité des prestations rendues par M. C...n'était pas établie.
8. L'administration a relevé que M. B...C...est le père de M. A...C..., dirigeant de la société Holding Financière Immobilière et qu'il est par ailleurs président du conseil de surveillance de cette dernière société. Elle a également relevé qu'invitée à produire des pièces attestant de la réalité des services rendus par M. B...C..., la société Holding Financière Immobilière s'est contentée de produire la convention conclue le 30 juin 2008 avec la société ICS, laquelle convention définit dans des termes particulièrement vagues tels que " identification des acteurs clés ", " consolidation des acquis ", " mise en place des leviers de l'accroissement de profit à court terme ", les missions que M. B...C...est censé accomplir au profit de la société Holding Financière Immobilière. Dans ces conditions et faute pour la société requérante d'apporter le moindre élément de nature à établir la réalité des prestations facturées par les sociétés ICS et IHF, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que ces prestations n'ont pas été réellement exécutées.
Sur les jetons de présence :
9. Aux termes de l'article 210 sexies du code général des impôts : " Les jetons de présence alloués au titre d'un exercice aux membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des sociétés anonymes sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés dans la limite de 5 % du produit obtenu en multipliant la moyenne des rémunérations déductibles attribuée au cours de cet exercice aux salariés les mieux rémunérés de l'entreprise par le nombre des membres composant le conseil. Pour l'application de cette disposition les personnes les mieux rémunérées s'entendent de celles mentionnées au 5 de l'article 39. /Pour les sociétés anonymes qui, employant moins de cinq personnes, ne satisfont pas aux conditions définies au 5 de l'article 39, les jetons de présence alloués au titre d'un exercice aux membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés dans la limite de 457 par membre du conseil d'administration ou du conseil de surveillance ". Aux termes de l'article L. 225-83 du code de commerce : " L'assemblée générale peut allouer aux membres du conseil de surveillance, en rémunération de leur activité, à titre de jetons de présence, une somme fixe annuelle que cette assemblée détermine sans être liée par des dispositions statutaires ou des décisions antérieures. Le montant de celle-ci est porté aux charges d'exploitation. Sa répartition entre les membres du conseil de surveillance est déterminée par ce dernier ". Aux termes de l'article L. 225-81 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le conseil de surveillance élit en son sein un président et un vice-président qui sont chargés de convoquer le conseil et d'en diriger les débats. Il détermine, s'il l'entend, leur rémunération.".
10. Lors de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société Holding Financière Immobilière, le service a constaté qu'elle avait comptabilisé en charges, au titre de chacun des exercices clos en 2011 et 2012, une rémunération de 120 000 euros versée au président du conseil de surveillance, M. B...C.... Le service a estimé que cette rémunération, inscrite au compte de charges n° 653 " Jetons de présence ", n'était fiscalement déductible que dans la limite prévue par les dispositions précitées de l'article 210 sexies du code général des impôts, soit 2 742 euros par an (6 x 457 euros) pour une société anonyme qui, comme la société Holding Financière Immobilière, emploie moins de cinq personnes et a un conseil de surveillance comptant six membres.
11. La société Holding Financière Immobilière fait valoir que la rémunération versée à M. B...C...n'a pas le caractère de jetons de présence mais correspond à la rémunération spécifique prévue par l'article L. 225-81 du code de commerce au bénéfice du président du conseil de surveillance en contrepartie des fonctions de direction qu'il exerce à l'égard de ce conseil qu'il convoque et dont il dirige les débats, rémunération différente des jetons de présence qui, visés à l'article L. 225-83 du même code et à l'article 210 sexies du code général des impôts, peuvent être alloués à l'ensemble des membres du conseil de surveillance sur décision de l'assemblée générale. Cependant, ses allégations quant à la nature de la rémunération versée à M. C...ne sont assorties d'aucune justification. Elle ne produit notamment pas la résolution du conseil de surveillance qui aurait proposé l'attribution d'une rémunération spécifique à l'intéressé. Elle n'établit donc pas que l'inscription en comptabilité comme jetons de présence des rémunérations versées à
M. C...serait erronée.
12. Il résulte de ce qui précède que la société Holding Financière Immobilière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Holding Financière Immobilière est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Holding Financière Immobilière et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique ouest).
Délibéré après l'audience du 11 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 avril 2019.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA01211