Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et des mémoires, enregistrés les 24 mai, 28 juin et 7 novembre 2018, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805772/8 du 14 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant ce Tribunal.
Il soutient que :
- le premier juge a considéré à tort qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la faculté qui lui est ouverte par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 de prendre en charge, à titre dérogatoire, l'examen de la demande d'asile de M. C...;
- les autres moyens soulevés par M. C...en première instance ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 juillet, 3 octobre et 29 novembre 2018, M. C..., représenté par MeD..., conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et demande de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la présente instance a perdu son objet en raison de l'expiration du délai de transfert ;
- le premier juge a considéré à bon droit que le préfet de police avait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ;
- s'agissant des autres moyens, il maintient ses écritures de première instance.
Les parties ont été invitées, le 4 février 2019, à présenter leurs observations sur la substitution de base légale tirée de ce que l'arrêté du 10 avril 2018 portant transfert de M. C...aux autorités danoises pouvait être légalement fondé, avec le même pouvoir d'appréciation et sans priver l'intéressé d'aucune garantie, sur les dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 au lieu des dispositions du b) du 1 du même article.
M. C...a présenté des observations sur le moyen relevé d'office par la Cour le 9 février 2019.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 21 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stoltz-Valette a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant afghan né le 13 septembre 1989, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 21 février 2018 selon ses déclarations et a sollicité le 28 février 2018 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités danoises le 14 novembre 2015. Le 15 mars 2018, le préfet de police a adressé à ces autorités une demande de prise en charge de M. C...en application des dispositions du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par une décision du 24 mars 2018, les autorités danoises ont accepté la reprise en charge de M. C...en application des dispositions du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par des arrêtés en date du 10 avril 2018, le préfet de police a décidé de remettre M. C...à ces autorités et de l'assigner à résidence. Le préfet de police fait appel du jugement du 14 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé ces arrêtés.
Sur l'aide juridictionnelle :
2. M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 septembre 2018. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du requérant tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire, qui ont perdu leur objet.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense :
3. Le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant ".
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale, sous réserve que l'arrêté de transfert n'ait pas fait l'objet d'un commencement d'exécution en étant assorti d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a sollicité l'asile en France le 28 février 2018. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait déjà formé une demande d'asile au Danemark le 14 novembre 2015. Saisies le 15 mars 2018 d'une demande de prise en charge de M.C..., les autorités danoises ont fait droit à cette demande le 24 mars 2018. Par des arrêtés du 10 avril 2018, le préfet de police a ordonné la remise de l'intéressé à ces autorités et son assignation à résidence. Le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder à son transfert à compter de la décision d'acceptation des autorités danoises a été interrompu le 11 avril 2018 par la présentation d'une demande de l'intéressé tendant à l'annulation de ces arrêtés, soumise au Tribunal administratif de Paris. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification du jugement du 14 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé ces arrêtés. Toutefois, l'expiration de ce délai n'a pas privé d'objet la requête de première instance de M.C..., l'arrêté de transfert du 10 avril 2018 ayant reçu un commencement d'exécution en fondant un arrêté d'assignation à résidence du même jour. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer opposée par M. C... doit être écartée.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
7. Le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe au paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre. Cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre. Toutefois, selon le même règlement, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement. Aux termes de l'article 17 de ce même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ". La mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " Les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ".
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du bureau d'appui européen pour l'asile (EASO), publié en décembre 2017, que la situation dans la province de Kapisa en Afghanistan dont est originaire M. C...est susceptible d'être qualifiée de violence généralisée résultant d'un conflit armé interne au sens de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des pièces du dossier que la demande d'asile de
M. C...a été rejetée le 5 février 2018 par les autorités danoises. Toutefois, M. C...n'établit pas avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement ni en tout état de cause qu'il ne pourra pas contester devant les juridictions danoises compétentes la mesure d'éloignement vers l'Afghanistan dont il se prévaut. Par ailleurs, l'intéressé n'allègue ni n'établit qu'il ne pourra pas solliciter des autorités danoises le réexamen de sa demande d'asile afin de faire valoir tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle, compte tenu des conflits qui prévalent dans sa province d'origine. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le transfert de M. C...au Danemark puisse lui faire courir des risques sérieux d'être renvoyé en Afghanistan. Par suite, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de mettre en oeuvre au profit de l'intéressé la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
9. Il résulte de ce qui précède que le Tribunal administratif de Paris ne pouvait retenir ce moyen pour annuler l'arrêté du 10 avril 2018 portant transfert de M. C...aux autorités danoises et, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour d'assignation à résidence.
10. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour.
Sur les autres moyens soulevés par M.C... :
S'agissant de la légalité de l'arrêté de transfert :
11. En premier lieu, aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
12. L'arrêté préfectoral du 10 avril 2018 portant transfert de M. C...aux autorités danoises vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement (UE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, le règlement (CE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que M. C...est entré irrégulièrement sur le territoire français et s'y est maintenu sans être muni des documents et visas exigés par les textes en vigueur, que les autorités danoises ont accepté le 24 avril 2018 de le reprendre en charge en application des dispositions du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation, il ne relève pas des dérogations prévues aux articles 3-2 ou 17 dudit règlement. Il ressort, en outre, des mentions de l'arrêté litigieux que le préfet de police a examiné la situation de M. C...au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en a conclu à l'absence de risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile. Ainsi, l'arrêté portant transfert de M. C...aux autorités danoises est suffisamment motivé, nonobstant la circonstance que le préfet de police n'ait pas mentionné le rejet de la demande d'asile de l'intéressé par ces autorités. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ne peut qu'être écarté. En outre, il ne ressort ni des termes de l'arrêté litigieux qui est suffisamment motivé ni des autres pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M.C....
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur (...). 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ". Il résulte de ces dispositions que les autorités de l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable doivent, afin d'en faciliter la détermination et de vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations prévues par l'article 4 du même règlement, mener un entretien individuel avec le demandeur.
14. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. C...a bénéficié d'un entretien individuel le 28 février 2018 dans les locaux de la préfecture de police. Si le résumé de cet entretien ne comporte pas le nom de l'agent qui l'a conduit, il ressort des pièces du dossier que M. C...a été reçu le 28 février 2018 par un agent du 10ème bureau de la direction de la police générale, en charge de l'asile, de la préfecture de police. L'entretien de M. C...ayant été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé l'intéressé de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles.
15. D'autre part, M. C...a bénéficié lors de son entretien individuel, ainsi que le permettent les dispositions précitées, des services téléphoniques de M. A...B..., interprète en langue dari de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ont été indiqués par écrit à l'intéressé qui n'allègue ni n'établit que l'interprète n'a pas assuré une bonne communication entre lui et l'agent.
16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 et 15 que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des dispositions du 4 et du 5 de l'article 5 du règlement (UE) n° 603-2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.
17. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".
18. Il ressort des pièces du dossier et notamment des brochures signées par l'intimé et produites par le préfet que M.C..., qui a présenté une demande d'asile le 28 février 2018, s'est vu remettre le jour même la brochure intitulée " Les empreintes digitales et Eurodac ", le guide du demandeur d'asile, la brochure A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et la brochure B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " en langue dari qu'il a déclaré comprendre. Ainsi, l'intéressé n'a pas été privé de la garantie prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
19. En quatrième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".
20. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a, lors de son entretien individuel, indiqué aux services préfectoraux qu'il avait formé une demande d'asile le 13 novembre 2015 au Danemark, qui avait été rejetée. Il ressort également des pièces du dossier que si le préfet de police a saisi le 15 mars 2018 les autorités danoises d'une demande de reprise en charge de M. C...sur le fondement des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ces autorités ont fait droit à cette demande le 24 mars 2018 sur le fondement du d) du 1 du même article dès lors qu'elles avaient rejeté la demande d'asile de l'intéressé. Ainsi, l'arrêté portant transfert de M. C...aux autorités danoises ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
21. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
22. En l'espèce, l'arrêté litigieux trouve son fondement légal dans les dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui peuvent être substituées à celles du b) du 1 du même article l'ayant fondé à tort dès lors, d'une part, que M. C...se trouvait dans la situation où, en application du d) du 1 de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013, le préfet de police pouvait décider de son transfert aux autorités danoises, d'autre part, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie, enfin, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.
S'agissant de la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence :
23. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'arrêté portant transfert de M. C...aux autorités danoises n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, l'intéressé ne peut se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cet arrêté, pour demander l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence.
24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 10 avril 2018. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M.C....
Article 2 : Le jugement n° 1805772/8 du 14 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 avril 2019.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01760