Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 22 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 1613187/2-1 du 14 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rétablir la société SBH Company dans les compléments d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source au titre des années 2012 et 2013, les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et l'amende pour distributions occultes des années 2012 et 2013.
Il soutient que :
- le courriel du 14 avril 2015 par lequel la société SBH demande au vérificateur que les " courriers concernant le contrôle " soient envoyés chez son comptable, vaut mandat emportant élection de domicile ;
- le service était donc tenu d'envoyer les propositions de rectification au cabinet comptable ;
- le fait que le mandat soit intervenu au cours des opérations de contrôle ne saurait limiter sa portée ;
- le gérant de la société, qui était en copie d'un courriel envoyé le 28 septembre 2015 par le cabinet comptable au vérificateur, mentionnant la proposition de rectification du 5 août 2015, était informé de l'existence de cette proposition de rectification ;
- la société SBH n'a pas mis en cause la responsabilité de son expert-comptable pour avoir omis de lui transmettre cette proposition ;
- même en l'absence de mandat emportant élection de domicile, la société SBH doit être regardée comme ayant eu connaissance des propositions de rectification ;
- s'agissant des moyens soulevés par la société SBH Company, devant être examinés dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, il se réfère à ses écritures de première instance.
Par un mémoire, enregistré le 29 mars 2018, la société SBH Company, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours du ministre de l'action et des comptes publics et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le recours du ministre est infondé ;
- les redevances étaient justifiées par la production du contrat de franchise et de promotion publicitaire ;
- les redevances comptabilisées ont été effectivement payées et leur montant représente bien 12,5 % du chiffre d'affaires hors taxes ;
- ces dépenses ont été exposées dans l'intérêt de l'entreprise.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant que la société SBH Company exploite un point de restauration rapide sous la marque SUBWAY dans le 15ème arrondissement de Paris ; qu'elle a fait l'objet en 2015 d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2012 et 2013, à l'issue de laquelle des compléments de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source et l'amende pour distributions occultes prévue à l'article 1759 du code général des impôts ont été mis à sa charge ; que le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 14 novembre 2017 du Tribunal administratif en tant que, par ce jugement, le Tribunal a prononcé la décharge de ces impositions supplémentaires et de cette amende ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ;
3. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable, personne physique ou morale, pour recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et y répondre emporte, sauf stipulation contraire, élection de domicile auprès de ce mandataire ; que lorsqu'un tel mandat a été porté à la connaissance du service en charge de la procédure d'imposition, celui-ci est en principe tenu d'adresser au mandataire l'ensemble des actes de cette procédure ; qu'en revanche, lorsque le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable pour l'assister dans ses relations avec l'administration ne contient aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition, ce mandat n'emporte pas élection de domicile auprès de ce mandataire ; que, dans ce cas, l'administration doit notifier l'ensemble des actes de la procédure au contribuable, alors même que le mandat confie au mandataire le soin de répondre à toute notification de redressements, d'accepter ou de refuser tout redressement ; que si, cependant, l'administration procède à une notification non au contribuable lui-même, mais à une personne qui se présente comme son mandataire, il appartient au juge d'apprécier, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, si la notification est parvenue au contribuable et si, par suite, elle peut être regardée comme régulière ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société SBH Company a donné mandat le 25 mars 2015 à son expert-comptable afin qu'il l'assiste et la représente lors des opérations de vérification de comptabilité ; que, toutefois, à cette occasion, elle n'a pas élu domicile chez ce mandataire ; que le courriel en date du 14 avril 2015 par lequel son dirigeant demande au vérificateur que " les courriers concernant le contrôle " soient envoyés chez son expert-comptable n'a pas le caractère d'un mandat exprès donné par la société SBH Company à son cabinet comptable ; qu'en tout état de cause, en admettant que ce courriel révèle l'existence d'un mandat donné par la société SBH Company à son cabinet comptable à l'effet de recevoir son courrier, il n'est pas dépourvu d'ambiguïté dès lors qu'il ne mentionne pas précisément quels actes de la procédure d'imposition sont concernés ; que la société soutient à cet égard, en en justifiant, que ce courriel constitue sa réponse à des questions d'ordre technique soulevées par le service vérificateur lors du contrôle et que sa portée est limitée à ces questions ; que, dans ces conditions, la société SBH Company ne peut être regardée comme ayant entendu élire domicile chez son expert-comptable, pour les actes de la procédure d'imposition restant à venir ;
5. Considérant qu'il est constant que les propositions de rectification des 5 août 2015 et 24 septembre 2015, dont procèdent les impositions et l'amende en litige, n'ont pas été notifiées à la société SBH Company ; qu'il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que, bien que notifiées au seul cabinet comptable, ces deux propositions de rectification seraient néanmoins parvenues à la société ; que la circonstance que le dirigeant de la société SBH Company était en copie d'un courriel envoyé le 28 septembre 2015 par l'expert-comptable au vérificateur, faisant allusion à l'une des deux propositions de rectification en cause, n'implique pas que ces propositions seraient parvenues à la société ; qu'il en va de même du fait que celle-ci n'a pas mis en cause la responsabilité de son expert-comptable pour avoir omis de lui transmettre les propositions ; qu'il s'ensuit que les propositions de rectification des 5 août 2015 et 24 septembre 2015 ne peuvent être regardées comme ayant été régulièrement notifiées à la société SBH Company ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des impositions et de l'amende en litige ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que la société SBH Company demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société SBH Company une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société SBH Company.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 octobre 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA03922