Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juin 2017, la société IHM Technologies, représentée par Me Lenczner, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1512875/1-2 du 18 avril 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de lui accorder la restitution de l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 pour un montant, en base, de 76 680 euros, assortie des intérêts moratoires ;
3°) de mettre une somme dont elle précisera ultérieurement le montant à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le respect de la liberté d'établissement impose que bénéficie de la neutralisation de la quote-part de frais et charges s'applique à l'ensemble des produits de participations reçus par les sociétés du groupe, de filiales établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui rempliraient les conditions pour être membre du groupe si elles étaient soumises à l'impôt sur les sociétés en France ;
- elle établit que ses sous-filiales établies en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suède respecteraient toutes les conditions pour être membres du groupe si elles étaient soumises à l'impôt sur les sociétés en France, hormis celle relative à la coïncidence des exercices mais qui n'est pas essentielle et ne peut lui être imposée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société IHM Technologies ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne,
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
- la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filles d'Etats membres différents,
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 2 septembre 2015, Groupe Steria (C-386/14),
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant que la société IHM Technologies, société mère d'un groupe fiscal intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts, a demandé à l'administration fiscale la restitution d'une fraction de l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles qu'elle a acquittés au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et correspondant à l'imposition de la quote-part de frais et charges réintégrée en application de l'article 216 du code général des impôts dans ses résultats à raison des produits de participations reçus par sa filiale SAS APEM de trois filiales établies dans d'autres pays de l'Union européenne, la société APEM GmbH, établie en Allemagne, la société APEM Components Ltd, établie au Royaume-Uni et la société APEM AB, établie en Suède ; que sa réclamation ayant été rejetée, elle a saisi le Tribunal administratif de Paris en limitant sa demande, dans le dernier état de ses écritures, au seul exercice clos par elle le 30 juin 2012 ; qu'elle relève appel du jugement du 18 avril 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 216 du code général des impôts :
" I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges./ La quote-part de frais et charges (...) est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 A du même code : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou établissements stables membres du groupe (...) Seules peuvent être membres du groupe les sociétés (...) dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun (...)/Les sociétés du groupe et, sous réserve de la réglementation étrangère qui leur est applicable, les sociétés intermédiaires doivent ouvrir et clore leurs exercices aux mêmes dates (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 B du code précité, dans sa rédaction applicable au litige : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 214. / Le résultat d'ensemble est diminué de la quote-part de frais et charges afférente aux produits de participation perçus par une société du groupe d'une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et aux produits de participation perçus par une société du groupe d'une société intermédiaire pour lesquels la société mère apporte la preuve qu'ils proviennent de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et n'ayant pas déjà justifié des rectifications effectuées en application du présent alinéa ou du troisième alinéa (...) " ;
3. Considérant que si, en application des dispositions précitées du 2ème alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, la neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais et charges est limitée aux dividendes perçues de filiales faisant partie d'un groupe fiscalement intégré au sens des articles 223 A et suivants de ce code, lequel ne peut inclure que les filiales de la mère résidente détenues à 95 % et qui sont soumises à l'impôt français sur les sociétés au taux de droit commun, c'est-à-dire aux seules filiales établies en France, la Cour de justice de l'Union européenne, par l'arrêt du 2 septembre 2015, Groupe Stéria n° C-386/14, a dit pour droit que l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à la législation d'un État membre relative à un régime d'intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d'une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l'intégration, alors qu'une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option ;
4. Considérant qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que l'administration n'est pas fondée à refuser à une société mère intégrante le bénéfice de la neutralisation de la quote-part pour frais et charges, instituée par l'article 223 B du code général des impôts en faveur des groupes fiscalement intégrés, à raison des dividendes qui lui sont distribués par ses filiales établies dans un autre Etat membre pour autant que ces filiales, si elles avaient été résidentes, auraient été objectivement éligibles au régime d'intégration fiscale, sur option, en vertu de l'article 223 A de ce code ; que toutefois, pour l'application de ce principe, il incombe au contribuable, seul à même de pouvoir apporter des éléments pertinents en ce sens, de justifier non seulement du respect des conditions fixées pour l'exercice de cette option mais aussi de l'origine et du montant des distributions susceptibles d'ouvrir droit au bénéfice de la neutralisation de la quote-part pour frais et charges, sous réserve que la production des éléments de preuve ne s'avère pas pratiquement impossible ou excessivement difficile ; qu'au demeurant, ainsi que le souligne le ministre, il résulte des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales qu'il appartient à un contribuable qui présente une réclamation dirigée contre une imposition établie d'après les bases indiquées dans la déclaration qu'il a souscrite de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'il conteste pour en obtenir la décharge ou la réduction ; que si le juge n'est pas tenu de prendre en considération, à titre d'éléments de preuve, des documents rédigés en langue étrangère et non traduits en langue française, aucun texte ni aucune règle générale de procédure ne lui interdisent de tenir compte d'une pièce produite rédigée dans une langue autre que le français ;
5. Considérant qu'il est constant que les sociétés APEM GmbH, APEM Components Ltd et APEM AB n'ouvraient pas et ne clôturaient pas leurs exercices aux mêmes dates que les sociétés françaises du groupe, contrairement à ce que prévoient les dispositions précitées de l'article 223 A ; que s'il résulte des pièces du dossier que la SAS APEM détenait indirectement la société APEM Components Ltd, par l'intermédiaire de la société Contact Technologies UK Ltd, laquelle avait ainsi la qualité de " société intermédiaire ", au sens de l'article 223 A, il n'est pas établi ni, d'ailleurs, allégué par la société requérante que la réglementation du Royaume-Uni aurait fait obstacle à ce que les sociétés Contact Technologies UK Ltd et APEM Components Ltd ouvrent et clôturent leurs exercices aux mêmes dates que les sociétés du groupe intégré ; qu'ainsi, la condition relative à la coïncidence des exercices n'étant pas remplie, l'administration pouvait, pour ce seul motif, refuser d'imputer sur le résultat d'ensemble du groupe la quote-part des frais et charges afférente aux dividendes distribués par les sociétés APEM GmbH, APEM Components Ltd et APEM AB, sans que la société requérante puisse se prévaloir de ce qu'en 2012, les restrictions apportées à la liberté d'établissement par le deuxième alinéa de l'article 223 B n'ayant pas encore été révélées par l'arrêt susmentionné du 2 septembre 2015 de la Cour de justice de l'Union européenne, ses filiales européennes n'auraient pas été en mesure de modifier la date d'ouverture et de clôture de leurs exercices pour les faire coïncider avec les siens ; qu'elle ne peut pas non plus se prévaloir de ce que les résultats desdites filiales n'étaient pas agrégés à ceux du groupe intégré, ni invoquer les dispositions de l'article 223 A, issues de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014, permettant la constitution de groupes intégrés " horizontaux ", ou encore une décision du Conseil constitutionnel QPC 2016-571 du 30 septembre 2016, relative à la conformité à la Constitution des dispositions du 1° du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts ;
6. Considérant, en outre, qu'en se bornant à produire, pour chacune des trois sociétés concernées, un extrait de la directive mère-fille n° 2011/96/UE mentionnant en annexe 1 des formes sociales correspondant à celles des sociétés APEM GmbH, APEM Components Ltd et APEM AB, la société requérante n'établit pas que ces sociétés auraient été soumises dans leurs pays respectifs, au titre des années 2011 et 2012, à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés français ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, deux conditions au moins auxquelles l'article 223 A du code général des impôts soumet l'exercice de l'option pour un régime d'intégration n'étant pas remplies, c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé à la société IHM Technologies la possibilité d'imputer sur son résultat d'ensemble de l'exercice clos le 30 juin 2012 la quote-part de frais et charges afférente aux distributions opérées par les sociétés APEM GmbH, APEM Components Ltd et APEM AB ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société IHM Technologies n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'octroi d'intérêts moratoires et à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais qu'elle a exposés ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société IHM Technologies est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société IHM Technologies et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02030