Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 juillet 2017, 15 mars 2018 et 10 août 2018, M.C..., représenté par Me A...puis par la société d'avocats De Gaulle Fleurance et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1514056/1-2 du 9 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 octobre 2012 et des pénalités correspondantes.
Il soutient que :
- le Tribunal a répondu à un moyen, tiré de l'irrégularité de la procédure de visite et de saisie, qui n'était pas soulevé ;
- il a été privé de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
- la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable sont insuffisamment motivées ;
- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'ont pas été respectées ;
- l'administration ne démontre pas l'existence d'une fraude à la TVA et sa participation en connaissance de cause à cette fraude ;
- la majoration pour manquement délibéré est infondée.
Par des mémoires, enregistrés les 30 octobre 2017, 29 décembre 2017 et 9 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les documents dont la communication a été demandée par M. C...lui ont été transmis ; que cette transmission était suffisante eu égard au contenu des demandes ; les occultations de certains passages sont justifiées par le secret professionnel ;
- les autres moyens du requérant sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Schmitt, avocat de M.C....
1. Considérant que M.C..., qui exerce une activité de commercialisation, revente, import-export, location de matériels photographiques, informatiques, électroniques et PAO sous l'enseigne " BK Photo ", a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 octobre 2012, au terme de laquelle l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures émises par cinq de ses fournisseurs ; que l'administration a, par conséquent, assigné au requérant un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période 1er janvier 2010 au 31 octobre 2012, assorti de pénalités ; que M. C...relève appel du jugement en date du 9 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ce rappel et des pénalités correspondantes ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;
3. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. C...a demandé à l'administration le 25 février 2014, en même temps que le bénéfice du recours hiérarchique et dans le cadre de ce recours, " de bien vouloir nous transmettre l'ensemble des pièces du dossier fiscal de l'entreprise BK Photo qui sont en votre possession et sur lesquelles vous entendez fonder votre " analyse " " ; qu'il doit ainsi être regardé comme ayant entendu demander l'ensemble des pièces utilisées par le service pour établir les redressements litigieux, y compris celles obtenues auprès de tiers et notamment, parmi celles-ci, celles contenant les éléments d'information recueillis lors des vérifications de comptabilité des cinq fournisseurs de l'entreprise " BK Photo ", auxquels la proposition de rectification datée du 8 novembre 2013 fait référence, en particulier pour justifier leur défaillance frauduleuse en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que, compte tenu de la nature des rectifications notifiées à M.C..., auquel il est reproché de ne pouvoir ignorer avoir participé à une fraude de ses fournisseurs consistant à ne pas reverser la taxe sur la valeur ajoutée due à raison de livraisons de biens, les propositions de rectification adressées à ces derniers, desquelles le vérificateur doit être regardé comme ayant extrait certains des éléments d'information opposés au contribuable, constituent des documents devant en principe lui être communiqués sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, sous réserve des dispositions de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales ; qu'en réponse, par un courrier du 18 mars 2014, l'administration ne lui a transmis que les propositions de rectification adressées aux fournisseurs Mor Info et Ben Technologies, à l'exclusion des propositions de rectification envoyées aux trois autres fournisseurs Natitech, Abbache et Famedia ; que, par ailleurs, les copies transmises des propositions de rectification concernant les sociétés Mor Info et Ben Technologies étaient presque entièrement occultées et ne pouvaient être exploitées ; que si l'administration justifie l'importance de ces occultations par la nécessité de préserver le secret professionnel, elle n'apporte aucun élément d'information approprié quant à la nature des passages occultés et quant aux raisons pour lesquelles elle estime que ces informations sont couvertes par un secret ; que le requérant est en conséquence fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions en litige ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1514056/1-2 du 9 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Il est accordé à M. C...la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 octobre 2012 et des pénalités correspondantes.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction nationale d'enquêtes fiscales.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02356