Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 novembre 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2114382 en date du 19 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. A..., d'une part, en annulant son arrêté du 8 juin 2021 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et d'autre part, en lui enjoignant de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen tiré des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions du 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tchadien né le 7 août 1996 au Logone Occidental (Tchad) et entré en France le 2 janvier 1998 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour pluriannuel sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 8 juin 2021, après saisine de la commission du titre de séjour, le préfet de police a rejeté sa demande eu égard à la menace représentée pour l'ordre public. Le préfet de police fait régulièrement appel du jugement du 19 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étrangers dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 423-23 du même code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis favorable émis par la commission du titre de séjour le 6 mai 2021 que si M. A... a fait l'objet le 17 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Rennes d'une condamnation à un an et six mois d'emprisonnement dont 9 mois avec sursis probatoire pendant 2 ans pour des faits de vol en réunion et extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien commis le 16 août 2020, dont il a reconnu la culpabilité, l'intéressé est entré en France le 2 janvier 1998, à l'âge de 1 an et 5 mois avec sa mère dans le cadre d'une procédure de regroupement familial et a été scolarisé jusqu'à l'âge de 17 ans. Par ailleurs, il a été mis en possession le 3 juillet 2003 d'un document de circulation pour mineur valable jusqu'au 5 août 2013 puis a été mis en possession d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " valable du 17 avril 2015 au 16 avril 2016, renouvelée jusqu'au 13 novembre 2020. L'intéressé travaille de manière régulière depuis le mois de juillet 2017 et est titulaire depuis le 17 mars 2021 d'un contrat à durée indéterminée pour une activité de livreur et de préparateur de commande dans un libre-service. De plus, en dépit du fait qu'il soit célibataire et sans charge de famille, ses attaches familiales se situent sur le territoire français. Ses parents résident en France de manière régulière ainsi que son frère qui est titulaire de la nationalité française. Au regard de ces circonstances particulières, et compte tenu notamment de l'âge auquel M. A... est entré sur le territoire national, de la durée de son séjour et de ses attaches familiales en France en l'absence de tout lien avec un autre pays, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le préfet de police, en refusant de délivrer à M. A... le titre de séjour qu'il sollicitait, au motif que son comportement constituait une menace à l'ordre public, avait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public et qu'il avait, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 423-23 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 juin 2021 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. A.... Sa requête doit dès lors être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 mars 2022.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA05929