Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 26 mai 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1602514/5-1 du 16 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé sa décision du 23 juillet 2015, lui a enjoint de verser à M. A... l'indemnité dite " forfaitaire dégressive " à compter du 1er janvier 2012 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter dans cette limite les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- dès lors qu'aucun fonctionnaire ne peut plus légalement prétendre au versement de l'indemnité forfaitaire dégressive prévue par le décret n° 61-1226 du 6 novembre 1961, le maintien de cet avantage à certains fonctionnaires constitue une dérive à laquelle l'administration a entrepris de mettre progressivement fin en ne l'attribuant pas aux agents changeant d'affectation ou aux agents nouvellement recrutés, de sorte que la différence de traitement entre ces agents et ceux qui continuent à bénéficier de cet avantage répond à un motif d'intérêt général et n'est dès lors pas contraire au principe d'égalité ;
- les premiers juges ne pouvaient faire remonter le droit au versement de cette indemnité au 1er janvier 2012 dès lors que M. A...n'a été titularisé qu'à compter du 1er juillet 2012.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 novembre 2017, 4 juin et 9 novembre 2018, M.A..., représenté par Me Baisecourt, conclut, à titre principal, au rejet du recours du ministre de l'intérieur en tant qu'il porte sur la période postérieure au 1er juillet 2012, à ce que la Cour fixe à 54 594,22 euros le montant de l'indemnité dite " forfaitaire dégressive " à laquelle il a droit pour la période allant jusqu'au 30 août 2017, fasse injonction au ministre de l'intérieur de lui verser dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir la différence entre cette somme et celle qui lui a été payée en exécution du jugement attaqué, assortie des intérêts au taux légal, à titre subsidiaire, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité d'un montant de 59 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de la faute commise par l'Etat en refusant de lui verser cette indemnité alors qu'elle était payée à des fonctionnaires appartenant au même corps que lui, et, dans les deux cas, mette à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le ministre est fondé à soutenir qu'il n'a été titularisé que le 1er juillet 2012 et qu'il ne pouvait percevoir l'indemnité litigeuse qu'à compter de cette date ;
- aucun motif d'intérêt général ne justifie que l'administration le traite différemment de fonctionnaires appartenant aux mêmes corps pour la période allant du 1er juillet 2012 au 30 août 2017, date à laquelle il a quitté le ministère de l'intérieur ;
- la circonstance qu'une indemnité est versée sans fondement légal n'a pas pour conséquence que les agents qui la reçoivent bénéficient d'une mesure purement gracieuse, ce qui ferait obstacle à l'application du principe d'égalité ;
- le ministre ne lui a versé qu'une somme de 50 245,02 euros en exécution du jugement, sans lui donner d'explication, alors que l'estimation initiale de l'indemnité à laquelle il a droit avait été arrêtée à 54 594,22 euros ;
- si la Cour fait droit à l'appel du ministre, il lui appartiendra de condamner l'Etat à réparer le préjudice qu'il a subi, comme il le soutenait en première instance, en lui allouant une indemnité d'un montant de 54 000 euros au titre du préjudice financier et de 5 000 euros au titre du préjudice moral.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 55-755 du 25 mai 1955 portant règlement d'administration publique relatif au statut du personnel technique des services du matériel du ministère de l'intérieur ;
- le décret n° 61-1226 du 6 novembre 1961 attribuant une indemnité forfaitaire dégressive aux contrôleurs et agents de maîtrise des services du matériel du ministère de l'intérieur ;
- le décret n° 65-340 du 14 avril 1965 relatif au statut particulier des contrôleurs des services techniques du matériel ;
- le décret n° 2011-1988 du 27 décembre 2011 portant statut particulier du corps des contrôleurs des services techniques du ministère de l'intérieur ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Baisecourt, avocate de M.A....
Une note en délibéré, enregistrée le 22 novembre 2018, a été présentée par Me Baisecourt, pour M.A....
1. Considérant que l'article 1er du décret n° 61-1226 du 6 novembre 1961 attribuant une indemnité forfaitaire dégressive aux contrôleurs et agents de maîtrise des services du matériel du ministère de l'intérieur dispose que : " Il est accordé aux chefs d'équipe, contremaîtres, maîtres artisans et contrôleurs régis par le décret susvisé du 25 mai 1955, en service en métropole et en Algérie, une indemnité forfaitaire dégressive qui, pour les chefs d'équipe classés au premier échelon de leur grade, est égale à la moitié de la différence entre leur rémunération de fonctionnaire, comprenant notamment la prime de rendement moyenne, et celle d'un ouvrier du ministère de l'intérieur exerçant ses fonctions dans le même service, classé au huitième échelon du groupe VII, et recevant une prime de rendement moyenne ainsi que la prime de fonctions de chef d'équipe (15 p. 100). / L'indemnité forfaitaire ainsi définie est régulièrement dégressive par point d'indice brut jusqu'à devenir nulle au deuxième échelon de la classe exceptionnelle de contrôleur principal " ;
2. Considérant que l'article 15 du décret n° 97-259 du 17 mars 1997 relatif au statut particulier du corps des contrôleurs des services techniques du ministère de l'intérieur a abrogé au 1er août 1995 le décret n° 65-340 du 14 avril 1965 relatif au statut particulier des contrôleurs des services techniques du matériel du ministère de l'intérieur et intégré à la même date les membres de ce corps dans le corps mentionné à l'article 1er du décret du 17 mars 1997 ; que les dispositions du décret du 17 mars 1997 ont-elles-mêmes été abrogées, au 1er janvier 2012, par l'article 30 du décret n° 2011-1988 du 27 décembre 2011 portant statut particulier du corps des contrôleurs des services techniques du ministère de l'intérieur, actuellement en vigueur, dont il résulte des termes de son article 22 que les contrôleurs des services techniques du ministère de l'intérieur régis par le décret n° 97-259 du 17 mars 1997 relatif au statut particulier du corps des contrôleurs des services techniques du ministère de l'intérieur ont été intégrés et reclassés dans le corps des contrôleurs des services techniques du ministère de l'intérieur régi par ce présent décret ;
3. Considérant qu'il résulte de la succession des dispositions citées aux points 1 et 2 que M.A..., titularisé dans le grade de contrôleur de classe normale des services techniques du ministère de l'intérieur à compter du 1er juillet 2012, qui n'appartenait donc pas à un corps régi par le décret n° 55-755 du 25 mai 1955, n'a pas droit au versement de l'indemnité forfaitaire dégressive instituée par les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 6 novembre 1961 ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant (...) les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...)" ;
5. Considérant que s'il résulte de l'instruction que le ministre de l'intérieur a continué à verser à certains agents appartenant au corps des contrôleurs des services techniques du ministère de l'intérieur une indemnité calculée selon les modalités prévues par le décret du 6 novembre 1961 alors qu'ils ne remplissaient pas les conditions leur permettant d'en bénéficier, cette pratique, qui équivaut à la création illégale par le ministre d'une indemnité n'ayant été instituée par aucun texte législatif ou réglementaire, ne saurait ouvrir droit aux agents qui n'en bénéficient pas de réclamer l'extension de cet avantage sur le fondement du principe d'égalité, même s'ils sont dans une situation analogue ; que c'est dès lors à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 23 juillet 2015 du ministre de l'intérieur rejetant la demande de M. A...tendant à l'attribution de l'indemnité dite " forfaitaire dégressive " attribuée aux contrôleurs de classe normale des services techniques du ministère de l'intérieur comme contraire au principe d'égalité ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif et devant la Cour ainsi que de statuer sur les conclusions soumises à titre subsidiaire aux premiers juges et sur lesquels ces derniers ne se sont pas prononcés ;
7. Considérant que le ministre de l'intérieur étant en situation de compétence liée pour refuser à M. A...une indemnité à laquelle il n'avait pas droit dès lors qu'elle n'était prévue par aucun texte, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision du 23 juillet 2015 et de l'insuffisance de sa motivation ne peuvent qu'être écartés comme inopérants ;
8. Considérant que le versement illégal par le ministre de l'intérieur à certains agents appartenant au corps des contrôleurs des services techniques du ministère de l'intérieur d'une indemnité calculée selon les modalités prévues par le décret du 6 novembre 1961 constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration ; que, toutefois, cette faute ne saurait ouvrir droit à M. A...à la réparation d'un préjudice financier égal au montant de cette indemnité, ni d'un préjudice moral lié au fait qu'il ne la perçoit pas ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander à la Cour d'annuler les articles 1 à 3 du jugement attaqué ; que, le présent arrêt n'impliquant aucune des mesures d'exécution qu'il demande, les conclusions de M. A... à fin d'injonction doivent être rejetées ; que, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que réclame M. A...à ce titre ;
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 1 à 3 du jugement n° 1602514/5-1 du 16 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris auxquelles le jugement mentionné à l'article 1er avait fait droit, ses conclusions présentées à titre subsidiaire devant la même juridiction et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01797