Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2017, la société Citigroup Global Markets Limited, représentée par la société d'avocats Cabinet PWC, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1601973/2-1 du 24 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de lui accorder la restitution et la décharge demandées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés est contraire à la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et en particulier au principe de libre choix de la forme juridique de l'établissement secondaire ;
- l'application de la contribution exceptionnelle selon les mêmes modalités, c'est-à-dire en prenant en compte le chiffre d'affaires mondial, à des sociétés placées dans des situations différentes au regard du principe de territorialité de l'impôt sur les sociétés constitue une restriction contraire à la liberté d'établissement ;
- la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés est contraire au principe de non-discrimination prévu à l'article 25,2 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008, en ce qu'elle implique que les succursales françaises de sociétés anglaises sont traitées moins favorablement que des sociétés établies en France.
Par des mémoires, enregistrés le 3 avril 2018 (direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris) et le 31 mai 2018 (direction des vérifications nationales et internationales), le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention signée le 19 juin 2008 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant que la société Citigroup Global Markets Limited relève appel du jugement en date du 24 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution ou à la décharge des cotisations de contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des années 2011, 2012 et 2013 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I.-Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables, aux taux mentionnés à l'article 219, des exercices clos à compter du 31 décembre 2011 et jusqu'au 30 décembre 2013 / Cette contribution est égale à 5 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature. (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant " ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ;
3. Considérant qu'en application de l'article 235 ter ZAA cité au point 2, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins 250 millions d'euros ; que si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France ; que ce faisant, les dispositions de l'article 235 ter ZAA, dont l'objectif est de soumettre, à titre exceptionnel, les grandes entreprises à une contribution supplémentaire compte tenu de leurs capacités contributives plus fortes, ne méconnaissent pas la liberté d'établissement garantie par les stipulations des articles 49 et 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dès lors, d'une part, qu'une société établie dans un autre Etat membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre Etat membre et, d'autre part, contrairement à ce que soutient la société requérante, que l'existence d'une différence entre les chiffres d'affaires à prendre en compte pour l'appréciation du seul seuil d'assujettissement à cette contribution, et non pour la détermination de son assiette, selon que les sociétés étrangères exercent des activités en France dans le cadre d'une succursale ou dans le cadre d'une filiale qui est la conséquence nécessaire de l'absence de personnalité propre de la succursale ne constitue pas, par elle-même, une entrave à la liberté d'établissement ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la convention fiscale franco-britannique susvisée : " (...) 2. L'imposition d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant n'est pas établie dans cet autre Etat d'une façon moins favorable que l'imposition des entreprises de cet autre Etat qui exercent la même activité (...) " ;
5. Considérant qu'au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie au Royaume-Uni disposant d'un établissement stable en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant un établissement stable en France ou à l'étranger, et notamment au Royaume-Uni, dès lors que, dans l'une ou l'autre de ces situations, le seuil d'assujettissement à cette contribution s'apprécie au regard du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise et que, par ailleurs, seul le bénéfice réalisé en France est retenu pour l'assiette de l'impôt ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait fait une application des dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts contraire au principe de non discrimination résultant de l'article 25 de la convention fiscale franco-britannique ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Citigroup Global Markets Limited n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Citigroup Global Markets Limited est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Citigroup Global Markets Limited et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1) et à la direction des vérifications nationales et internationales.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03929