Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 septembre 2015 et le 12 mars 2017, la société Anika S, représentée par Me Andersen, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1409459/1-2 du 23 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'ordonner le remboursement des crédits d'impôt litigieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions du h) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts peuvent bénéficier aux entreprises du secteur textile-habillement cuir qui sous-traitent leur fabrication à des tiers dès lors qu'elles sont propriétaires de la matière première et qu'elles assurent tous les risques de la fabrication et de la commercialisation ;
- le directeur régional des finances publiques l'a admis dans ses deux mémoires de première instance ;
- les premiers juges se sont placés à tort sur le terrain de la doctrine administrative (instruction publiée au BOFIP le 12 septembre 2012 BIC-RICI-10-10-40-20120912) alors qu'elle n'invoquait pas cette doctrine ;
- la motivation du jugement est confuse et elliptique ; les premiers juges ont omis de répondre à des moyens et n'ont pas examiné toutes les pièces qu'elle produisait ;
- sa requête de première instance est recevable ;
- elle a droit au crédit d'impôt recherche dès lors qu'elle sous-traite l'intégralité de la fabrication de ses produits, qu'elle est propriétaire des matières premières, comme le directeur régional des finances publiques l'a d'ailleurs admis dans son mémoire en réplique de première instance et qu'elle assume ainsi le risque industriel et commercial de la production ;
- les salaires versés à sa dirigeante, MmeA..., rémunèrent uniquement les activités de stylisme et de modélisme de celle-ci et peuvent donc être intégralement pris en compte dans la base du crédit d'impôt recherche.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les premiers juges, qui ont répondu à l'unique moyen invoqué devant eux, ont suffisamment motivé leur jugement ;
- la requérante a expressément invoqué devant le tribunal l'instruction publiée au BOFIP le 12 septembre 2012 sous les références BIC-RICI-10-10-40-20120912 ;
- la circonstance que le tribunal aurait écarté les prétentions qui lui étaient soumises par des motifs dénués de pertinence n'affecte pas la régularité du jugement ;
- les conclusions à fin d'annulation de la décision du directeur du 1er avril 2014 sont irrecevables ;
- sur le terrain de la loi fiscale, la société requérante qui ne dispose pas du matériel et de l'outillage nécessaire à la fabrication de produits finis et sous-traite la fabrication de l'intégralité de ses créations, n'a pas droit au crédit d'impôt recherche à raison des dépenses mentionnées au h) du II. de l'article 244 quater B du code général des impôts ;
- elle ne peut revendiquer le bénéfice de la doctrine référencée BOI-BIC-RICI-10-10-40 n° 30 du 12/09/2012 dès lors qu'elle ne fait pas l'objet d'un rehaussement ;
- les allégations de la société requérante selon lesquelles les rémunérations versées à Mme A...correspondraient exclusivement à une activité de stylisme et de modélisme, les fonctions de gérante n'étant pas rémunérées, ne sont assorties d'aucune justification.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision n° 2016-609 QPC du 27 janvier 2017 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,
- et les observations de Me Andersen, avocate de la société Anika S.
1. Considérant que la société Anika S, qui exerce une activité relevant du secteur textile-habillement-cuir, a sollicité, pour les années 2010, 2011 et 2012, le bénéfice du crédit d'impôt pour dépenses de recherche, sur le fondement des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts ; que, par une décision du 1er avril 2014, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a rejeté sa demande ; que, par la présente requête, la société relève appel du jugement en date du 23 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de ce crédit d'impôt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du même code : " Les jugements sont motivés " ; que le jugement attaqué, qui précise pourquoi la société ne peut être regardée comme une entreprise industrielle, au sens du h) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et ne peut en conséquence bénéficier du crédit d'impôt recherche prévu par ces dispositions et qui énonce les raisons pour lesquelles la société ne peut se prévaloir de la doctrine administrative sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, est suffisamment motivé au regard des dispositions précitées ; que la circonstance que le Tribunal aurait commis une erreur en affirmant que la société ne possédait qu'un stock limité de matières premières est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la motivation du jugement attaqué ; que si la société soutient que le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer, elle ne précise pas le ou les moyens auxquels le tribunal aurait omis de répondre ; qu'il ressort au contraire de l'examen du jugement contesté que les premiers juges ont répondu à l'ensemble des moyens soulevés par la société en première instance ; qu'enfin, contrairement à ce qu'elle soutient, la société a expressément invoqué dans sa requête de première instance la doctrine référencée BOI-BIC-RICI-10-10-40 n° 30 du 12 septembre 2012 ; que, dès lors et en tout état de cause, elle ne saurait faire grief au Tribunal d'avoir examiné si elle pouvait prétendre au bénéfice de cette doctrine ;
Sur les conclusions à fin de remboursement des crédits d'impôt :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...). II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont (...) h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le bénéfice du crédit d'impôt pour dépenses de recherche ouvert, à raison de l'élaboration de collections nouvelles, aux entreprises du secteur textile-habillement-cuir ne peut être accordé qu'aux entreprises de ce secteur déployant une activité industrielle ; que revêtent un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les entreprises du secteur textile-habillement-cuir exerçant une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessite d'importants moyens techniques ;
5. Considérant que la société Anika S ne peut être regardée comme exerçant une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers dès lors qu'elle a recours à des sous-traitants, qui fabriquent la totalité des produits qu'elle vend ; qu'il en va ainsi alors même qu'elle crée ses modèles, fabrique les prototypes, achète elle-même les matières premières utilisées par les sous-traitants et demeure propriétaire de celles-ci et qu'elle assume les risques liés à la fabrication des produits ; que, sur le terrain de la loi fiscale, elle ne peut donc prétendre au bénéfice du crédit d'impôt à raison des dépenses qu'elle a exposées, définies au h) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'Administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et qu'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'Administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'Administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ; qu'il résulte de ces dispositions que la garantie qu'elles prévoient ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions auxquels procède l'administration ;
7. Considérant que le paragraphe 8 de l'instruction fiscale A-1-01 du 6 février 2001 énonce : " Il est rappelé qu'il a été admis que les entreprises industrielles du secteur précité peuvent bénéficier du dispositif y compris lorsqu'elles sous-traitent leur fabrication à des tiers. / Le bénéfice du dispositif ne peut donc être refusé aux entreprises ayant recours à la sous-traitance dès lors qu'elles sont propriétaires de la matière première et qu'elles assurent tous les risques de la fabrication et de la commercialisation (...) " ; que selon la doctrine référencée BOI-BIC-RICI-10-10-40 n° 30 du 12 septembre 2012 " les entreprises industrielles qui sous-traitent leur fabrication à des tiers peuvent bénéficier du crédit d'impôt. Le bénéfice du dispositif ne peut donc être refusé aux entreprises ayant recours à la sous-traitance dès lors qu'elles sont propriétaires de la matière première et qu'elles assurent tous les risques de la fabrication et de la commercialisation " ; que la société requérante n'a pas fait l'objet d'un rehaussement ; que, sur le terrain de la doctrine administrative, ses conclusions à fin de remboursement ne peuvent donc, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Anika S n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Anika S est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Anika S et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
Le rapporteur,
D. DALLELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03613