Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 juillet 2018, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement.
2° de rejeter la demande de M. A...devant le Tribunal administratif.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, l'arrêté du 25 mai 2018 est suffisamment motivé ;
- les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de
Cergy-Pontoise ne sont pas fondés.
Vu le jugement attaqué.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dibie a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE relève appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 25 mai 2018 portant transfert aux autorités italiennes de M.A..., ressortissant ivoirien né le 11 août 1983 à Makono (Côte d'Ivoire).
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. " . Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
4. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée, la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a ultérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 20 du règlement. A contrario, l'absence d'indication de ce critère constitue une méconnaissance de l'obligation de motivation imposée par les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entache d'irrégularité une décision de transfert.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été pris au visa, notamment, des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la convention de Genève du 28 juillet 1951, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que M.A..., de nationalité ivoirienne, entré irrégulièrement en France, s'est vu remettre une attestation de demande d'asile le 7 mars 2018. Il relève que la consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités italiennes préalablement à sa demande d'asile en France et que ces autorités ont ainsi été saisies, le 14 mars 2018, d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18.1 b du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, laquelle a été acceptée par un accord implicite du 29 mars 2018. Ainsi, cette décision indique avec une précision suffisante le motif pour lequel l'Italie a été retenue comme État responsable du traitement de la demande d'asile, à savoir que ce pays est celui où a été déposée une première demande de protection internationale en cours d'examen, justifiant une demande de reprise en charge par cet État. Par ailleurs, il précise que, d'une part, M. A...n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes, d'autre part, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé au regard des exigences posées par les dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, dont le respect s'apprécie indépendamment du
bien-fondé des motifs retenus. Le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé pour insuffisance de motivation son arrêté du 25 mai 2018 ordonnant la remise de M. A... aux autorités italiennes.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur la légalité de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: a) le demandeur a pris la fuite; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national.
6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
8. M. A...a bénéficié, le 7 mars 2018, dans les locaux de la préfecture des
Hauts-de-Seine, de l'entretien individuel prévu à l'article 5.1 du règlement n° 604/2013. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du résumé de l'entretien individuel, que celui-ci a été mené en langue française, langue que M. A...a déclaré comprendre, par un agent de la préfecture des Hauts-de-Seine, qui est une personne qualifiée en vertu du droit national, et s'est déroulé " en un lieu garantissant les règles de confidentialité de Dublin III ", dans le respect des conditions prévues à l'article 5.5 de ce règlement. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit ainsi être écarté.
9. En deuxième lieu, M. A...soutient qu'il veut s'insérer en France et participer à son développement, qu'il ne comprend ni ne parle la langue italienne, et qu'il est malade et suit un traitement à l'hôpital. En se bornant à faire état de ces éléments, M. A...n'établit pas que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE aurait entaché l'arrêté attaqué d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant, eu égard à ces circonstances, de faire usage de la faculté d'examen dérogatoire des demandes d'asile relevant, en principe, de la responsabilité d'un autre Etat membre ouverte par les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
10. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. " .
11. L'Italie est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile de M. A... ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses arrêtés du 25 mai 2018 ordonnant la remise de M. A...aux autorités italiennes en vue du traitement de sa demande d'asile.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1805105 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 14 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise est rejetée.
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N° 18VE02338