Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 17 juillet 2018, la société confraternelle d'exploitation et de répartition pharmaceutique Rhin-Rhône-Méditerranée, représentée par Me Bonnabry, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de la décharger des sommes en litige à hauteur d'un montant global de
867 836 euros;
3° d'enjoindre au Trésor public d'émettre un avis de dégrèvement des sommes indûment perçues par celui-ci au titre des années 2011 et 2012 ;
4° de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société CERP-RRM soutient que :
- le jugement du Tribunal est entaché d'un défaut de motivation ;
- la procédure fiscale est entachée d'un vice, dès lors qu'elle n'a pas été menée dans le respect du principe du contradictoire, la proposition de rectification n'étant pas suffisamment motivée en droit et en fait ;
- les règles relatives à l'assiette et à la liquidation de la contribution prévue par l'article L. 138-1 du code de la sécurité sociale ne peuvent justifier qu'elle ne soit pas prise en compte dans le calcul du prix des biens vendus aux clients de la société, ainsi que le montre la comparaison avec la taxe générale sur les activités polluantes ; la référence à la norme comptable, telle qu'appliquée par le Conseil d'État dans sa décision CERP de Rouen du
29 juin 2018, ne peut être que secondaire et ne peut se limiter à la référence aux modalités d'enregistrement des prélèvements dans la comptabilité ; il faut retenir la volonté du législateur de définir une valeur ajoutée fiscale qui reflète la création de richesses imputable à l'entreprise ;
- le Tribunal administratif de Montreuil, dans une décision du 29 mars 2018,
Orange SA, n°1704265, pour la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, prévue par les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts, a jugé que cette taxe appartient à la catégorie des taxes sur le chiffre d'affaires et des taxes assimilées, et en a déduit sa déductibilité pour le calcul de la valeur ajoutée en application du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts, alors même que cette taxe et la contribution de l'article L. 138-1 du code général des impôts sont également assises sur le chiffre d'affaires et grèvent l'évaluation de la production réelle de manière identique ;
- la Cour de justice de l'Union européenne, dans une décision du 20 décembre 2017,
C-462/16, Finanzamt Bingen-Alzey contre Boehringer Ingelheim Pharma GmbH and Co.KG, a jugé que les remises consenties aux assureurs privés par les laboratoires en Allemagne, dans le cadre d'une politique publique, doivent s'analyser comme une réduction de prix et donc de base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée ; ce faisant, les juges européens ont pris en compte la réalité économique du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt C-462/16 du 20 décembre 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Méry,
- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bonnabry pour la société confraternelle d'exploitation et de répartition pharmaceutique Rhin-Rhône-Méditerranée.
Considérant ce qui suit :
1. La société confraternelle d'exploitation et de répartition pharmaceutique
Rhin-Rhône-Méditerranée (CERP-RRM), société anonyme, exerce l'activité de
grossiste-répartiteur de médicaments et produits de santé. A la suite d'une vérification de comptabilité, les services fiscaux, par une proposition de rectification du 9 décembre 2013, ont remis en cause la valeur ajoutée calculée par la société ayant servi d'assiette à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les années 2011 et 2012, au motif que cette valeur ne pouvait être minorée de la contribution directe versée à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), prévue par les dispositions de l'article L. 138-1 du code de la sécurité sociale. La société CERP-RRM demande l'annulation du jugement du 6 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi que des frais de gestion mis à sa charge au titre des exercices clos en 2011 et 2012, pour des montants respectifs de 449 116 euros et de 418 720 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si la société requérante soutient que les premiers juges ont entaché leur décision d'un défaut de motivation, en ne répondant pas à l'ensemble des moyens soutenus par elle, les arguments sur lesquels elle s'appuie, relatifs à la constitution de la valeur ajoutée, aux effets de la variation du taux de la contribution comparés à ceux de la variation du taux de marge, ou bien au poids de la contribution dans le résultat d'exploitation, sont présentés au soutien d'un même moyen, tiré de ce que la contribution, grevant le prix des biens vendus, doit venir en déduction du chiffre d'affaires dans le calcul de la valeur ajoutée des entreprises. Toutefois, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments développés au soutien d'un moyen, ont suffisamment motivé leur décision en indiquant que la contribution " revêt la forme d'un prélèvement annuel sur le chiffre d'affaires " et " ne grève pas le prix des biens en cause, eu égard à ses modalités d'assiette, et de liquidation, et à son objet (...)". Il suit de là que la société CERP-RRM n'est pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier au motif qu'il serait entaché d'un défaut de motivation.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
4. La proposition de rectification du 9 décembre 2013 comporte la désignation des impositions concernées, des années d'imposition, les modalités de calcul de la base d'imposition, la valeur ajoutée servant d'assiette à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, sur laquelle sont calculés ensuite la taxe additionnelle et les frais de gestion. Elle énonce les motifs sur lesquels l'administration se fonde en droit et en fait pour conclure que la contribution prévue par les dispositions de l'article L. 138-1 du code de la sécurité sociale, dès lors qu'il s'agit d'une contribution obligatoire, ne peut, tout comme les impôts, taxes et versements assimilés, être admise en déduction de la valeur ajoutée. La proposition de rectification met ainsi en mesure la société CERP-RRM de formuler ses observations de manière entièrement utile. Elle indique, en outre, à la société qu'elle dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations ou faire connaître son acceptation. Si la société soutient que les dispositions législatives en cause ne seraient pas assez explicites, et qu'il convient de les appliquer en tenant compte de l'éclairage apporté par les travaux parlementaires, cette considération est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition mais porte sur le bien-fondé des impositions litigieuses. En conséquence, la société n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification serait insuffisamment motivée et que le principe du contradictoire aurait été méconnu.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. En vertu du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : / (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré : / - des autres produits de gestion courante (...) ; / - de la production immobilisée, à hauteur des seules charges qui ont concouru à sa formation et qui figurent parmi les charges déductibles de la valeur ajoutée ; (...) / - des subventions d'exploitation et des abandons de créances à caractère financier (...) ; / - de la variation positive des stocks ; / - des transferts de charges déductibles de la valeur ajoutée, autres que ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires ; / b) Et, d'autre part : / - les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ; / - diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats ; / - la variation négative des stocks ; / - les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus (...) ; / - les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, les contributions indirectes, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ; (...) ". Ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause.
6. Il résulte des dispositions citées au point 5 ci-dessus, éclairées par les travaux préparatoires, que la notion de " taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées " désigne, non les taxes qui figurent au titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts, mais la taxe sur la valeur ajoutée et les taxes qui, en application des normes comptables, grèvent le prix des biens et des services vendus par l'entreprise. En fixant ce critère de déduction pour le calcul de la valeur ajoutée, le législateur a fondé son appréciation de la capacité contributive des entreprises sur un critère objectif et rationnel.
7. Si la société requérante soutient que le montant de la contribution définie à l'article
L. 138-1 du code de la sécurité sociale, qu'elle verse à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, se répercute nécessairement sur le prix des biens qu'elle vend, elle ne conteste pas que cette contribution n'a pas fait et ne pouvait faire l'objet d'une comptabilisation distincte en produit, en sus du montant net des ventes. Par suite, la société CERP-RRM, qui ne peut utilement se prévaloir d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne dans une affaire C-462/16, Finanzamt Bingen-Alzey contre Boehringer Ingelheim Pharma GmbH and Co.KG, qui porte sur la taxe sur la valeur ajoutée, n'est pas fondée à soutenir que la contribution doit être retenue dans le calcul de la valeur ajoutée tel que défini par les dispositions de l'article 1586 sexies du code général des impôts, en déduction du chiffre d'affaires.
8. Il résulte de tout ce qui précède, que la société CERP-RRM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées aux fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société CERP-RRM est rejetée.
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N° 16VE03491