Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté contesté au motif que le droit à l'information de M. A... a été méconnu alors que qu'il a pu bénéficier de la traduction orale complète des brochures qui lui ont été remises en anglais par un interprète agréé et qu'il a signé les documents qui lui ont été remis indiquant expressément que les informations lui ont été traduites en tibétain.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion ;
- les observations de Me Simon pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Val d'Oise relève appel du jugement du 6 avril 2021 par lequel le magistrat désigné à annulé son arrêté du 1er février 2021 décidant du transfert de M. A... aux autorités suisses, responsables de sa demande d'asile en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit Dublin III, et qui avaient accepté de le reprendre en charge.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ".
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer l'admission provisoire de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande (...) ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) ; / c) de l'entretien individuel (...) ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant (...) ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de 1'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
6. Il est constant que M. A... s'est vu délivrer lors de son entretien en préfecture le 18 décembre 2020, les deux brochures d'informations, dites A et B, intitulées " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " en langue anglaise, alors qu'il soutient sans être contredit ne comprendre que le tibétain. Si le préfet du Val d'Oise fait valoir que l'intéressé a bénéficié, lors de son entretien en préfecture, de l'assistance d'un interprète en tibétain qui lui a résumé la teneur de ces documents, il ressort de l'attestation de réalisation de la prestation d'interprétariat par téléphone que cet entretien a duré huit minutes, ce qui n' apparait pas suffisant pour apporter à l'intéressé l'information complète sur ses droits prescrite par les dispositions rappelées au point 2. Dans ces conditions, alors même que les brochures ne sont pas disponibles en tibétain et que M. A... a apposé sa signature sur les documents qui lui ont été remis, il ne peut être regardé comme établi que celui-ci a reçu, dans une langue qu'il comprend, l'ensemble des informations visées au 1. de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 1er février 2021 portant transfert de M. A... aux autorités suisses.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros, sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 alinéa de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Simon, avocate de M. A..., sous réserve que ce conseil renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : M. A... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Simon, avocate de M. A... en application de l'article 37 alinéa de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale accordée à M. A....
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N° 21VE01506