Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 août 2019, M. B..., représenté par Me C..., avocat, demande à la Cour :
1° de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2° d'annuler le jugement attaqué ;
3° d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 février 2019 ;
4° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de reconnaître l'Etat français responsable de l'examen de sa demande d'asile et d'enregistrer sa demande dans un délai de trois jours ouvrés à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure en ce qu'il méconnait le considérant 21 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 selon lequel les résultats positifs obtenus dans le fichier " Eurodac " doivent être vérifiés par un expert en empreintes digitales ;
- l'obligation d'information complète sur ses droits prévue par l'article 4 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 a été méconnue ;
- il en est de même de l'article 5 du même règlement dès lors que le préfet n'établit pas qu'il a bénéficié d'un entretien individuel ;
- ainsi que des articles 26 § 3 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 et L.111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi que la décision contestée lui a été notifiée dans une langue qu'il comprend ;
- il n'est pas établi que les autorités italiennes ont été saisies dans le délai de trois mois prévu par l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet n'établit pas qu'une demande de reprise en charge a été adressée aux autorités italiennes ;
- la décision de remise est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle ne pouvait intervenir avant qu'une décision d'irrecevabilité de sa demande d'asile soit prononcée par l'OFPRA.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la décision C-36/17 du 5 avril 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan, a présenté une demande d'asile en France. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que l'intéressé avait formé une précédente demande auprès des autorités italiennes, celles-ci ont été saisies d'une demande de reprise en charge. En réponse, les autorités italiennes ont fait savoir que l'intéressé avait obtenu la protection internationale en Italie, pays dans lequel il est autorisé à séjourner légalement. M. B... relève appel du jugement du 25 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé, sur le fondement de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, de sa remise aux autorités italiennes.
Sur les conclusions de M. B... aux fins d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
3. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 novembre 2019, postérieure à l'enregistrement de sa requête d'appel. Ces conclusions étant ainsi devenues sans objet, il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. L'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. (...) ". Aux termes de l'article L. 532-1 du même code : " L'article L. 531-1 est applicable à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. (...) ".
5. Par une décision C-36/17, rendue le 5 avril 2017 sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions et principes du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne sont pas applicables à un ressortissant d'un pays tiers qui a introduit une demande de protection internationale dans un État membre après s'être vu octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire par un autre État membre. La Cour a précisé dans ses motifs que le rejet de la demande de protection internationale devait, dans ce cas, être assuré par une décision d'irrecevabilité, en application de l'article 33 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, plutôt qu'au moyen d'une décision de transfert et de non-examen, en vertu de l'article 26 de ce règlement.
6. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes de l'article L. 743-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : 1° L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision d'irrecevabilité en application des 1° ou 2° de l'article L. 723-11 ; (...) ". L'article L. 723-11 du même code dispose que : " L'office peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : 1° Lorsque le demandeur bénéficie d'une protection effective au titre de l'asile dans un Etat membre de l'Union européenne ; (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions, et de l'interprétation que la Cour de justice de l'Union européenne a donnée du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit " Dublin III ", que le ressortissant d'un pays tiers qui a obtenu la protection internationale dans un autre Etat membre où il a été admis à résider légalement ne relève pas de la procédure de reprise en charge définie par ce règlement et qu'il bénéficie du droit de se maintenir en France le temps que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides se prononce sur la recevabilité de sa demande d'asile. Il s'ensuit que le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France ne peut, tant qu'il bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faire l'objet d'une mesure d'éloignement. M. B... est dès lors fondé à soutenir que l'arrêté du 5 février 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé de sa remise aux autorités italiennes est entaché d'une erreur de droit.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
10. L'annulation de la mesure d'éloignement contestée n'implique, par elle-même, aucune mesure particulière d'exécution. Il s'ensuit que les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par M. B... doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ce dernier versera à Me C..., avocat de M. B..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 25 juillet 2019 et l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 5 février 2019 sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 000 euros, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
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N° 19VE03091